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Garibaldi

Date post: 23-Jan-2017
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Garibaldi Author(s): La Messine, Alexis Source: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1860) Published by: The University of Manchester, The John Rylands University Library Stable URL: http://www.jstor.org/stable/60232766 . Accessed: 16/06/2014 02:41 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Digitization of this work funded by the JISC Digitisation Programme. The University of Manchester, The John Rylands University Library and are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Foreign and Commonwealth Office Collection. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.126.118 on Mon, 16 Jun 2014 02:41:45 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions
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GaribaldiAuthor(s): La Messine, AlexisSource: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1860)Published by: The University of Manchester, The John Rylands University LibraryStable URL: http://www.jstor.org/stable/60232766 .

Accessed: 16/06/2014 02:41

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

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Digitization of this work funded by the JISC Digitisation Programme.

The University of Manchester, The John Rylands University Library and are collaborating with JSTOR todigitize, preserve and extend access to Foreign and Commonwealth Office Collection.

http://www.jstor.org

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GARIBALDI

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/

A»GENTEUIL«—TXPOGtUMIE WORMS EI (.«.

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J3

GARIBALDI

PAR

ALEXIS LA. MESSINE.

AVEC UN roRTSAIT, D'AfRES ONE PHOTOORAPHIE.

Enfance et voyages. La Jeune-Halie, Machiavel ct Mazzini. Les Montagnes Noircs et Margarita.—Corsaire.—Anita ct l'amour dans.

le manage. La Republique de I'Uruguay.— La Revolution italicnne.

La Republique romaine. — Nouvel exil. La guerre de l'lndependance, Manin, Garibaldi et Victor-Emmanuel.

Les Garibaldiens. La trove de Villafranca et l'Unite de l'ltalie.

Singulier episode matrimonial. Le roi de Naples.—La Sicile.—Le depart.—L'arraee liberalrice-

La bataille de Palerme.—L'armistice. Conclusion,

PARIS,

E. DENTU, LIBRAIRE-tfDlTEUR, GALERIE B'ORLKANS, 13, PALAIS-ROYAL.

Tons droits reserves.

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*5; ̂

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^ .1',. t- GARIBALDI

Qu'est-ce qu'uno grande vie Une pensee de la jeunesse execulee

par l'age mur. Alfred de Vicirr.

Grand et beau spectacle que le re"veil de l'ltalie!...

Elle dormait enchained... se mourait, disaient mfime

un grand nombre... Mais les peuples ne tneurent pas, et, dans le de've-

loppement g£n6ral de l'humanite\ il est des e"poques re'-

novatrices oil une nation, qu'on croyait e'puise'e, tout a

coup se ranime et reprend place au premier rang. Souvent alors, du sein de la foule, un homme surgit

qui, personnifiant les aspirations et les puissances col¬

lectives, les traduit en actes et doune a la masse qu'il entraine conscience de sa force, de son devoir etde son

droit. Tels furent les h6ros de la GrUcemoderhe. Tel fut le grand Manin, mort deux ans trop t6t... Tel fut Kossuth.

Tel, aujourd'hui, apparait Garibaldi!

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Cette individuality si dnergique, si passionne"e, si profonde"ment de'voue'e a la cause de l'inddpendance, si perseVeVante a travers mille obstacles et mille douleurs, n'est-ce pas la nation italienne faite homme, se relevant d'un sublime et indomptable effort, d£cid<5e a venger toutes ses humiliations, a reconque'rir toutes ses li-

J)erte*s! Au milieu de quelles circonstances s'est formed et

de"veloppe"e cette individuality? dans quelles e"preuves s'est trempe1 ce grand et noble caractere? G'est ce qu'il est inteVessant de rechercher et de recueillir, pour l'of- frir en exemple au public. Les grandes existences sont comme des jalons planted sur la route ardue de l'huma- nite", pour guider ses pas souvent incerteins, diriger et soutenir, dans leurs trop frdquentes deTaillances, ces longs et pe"nibles efforts par lesquels elle realise, aban- donne"e a ses seules forces, le difficile de'veloppement de sa destined progressive.

Le passe" eut sa Vie des saints. Les temps mo- dernes doivent avoir aussi la leur.

Et d6ja elle s'^bauche dans l'esprit populaire; et deja Garibaldi y prend place.

« Je ne lus pas Stonne", dit George Sand, de voir le portrait de Garibaldi chez les montagnards divots du Velay et des C^vennes. Cet aventurier illustre, que na- guere certains esprits craintifs se repr&entaient comme un bandit, &ait Ik expose" parmi les images des saints.

» Et pourquoi non? pourquoi ne prendrait-ilpassa place parmi les patrons du pauvre peuple, lui qui, par rapport a son peuple italien, est l'initiateur de la foi nouvelle? »

Giuseppe Garibaldi est ai le 4 juillet 1807, k Nice,

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dans la maison et dans la chambre mfime oil &ait ne" Masse"na, cet illustre fils de boulanger dont la R6pu- blique francaise fit un grand g6n$ral et l'Empire un marshal de France.

Le pere de Giuseppe, d'origine ge"noise, 6tait maria et comptait parmi ses ancetres nombre de mariqs citfe pour leur bravoure. >

Giuseppe aimait la mer par instinct; enfant, ses

grands spectacles avaient seuls la puissance de l'attirer et de l'e"mouvoir.

Apercevait-il un navire en parlance, il enyiait le commandant, les matelots, les mousses de l'e"quipage; et son ceil longlemps suivait avec chagrin la voile que I'horizon embrassait et faisait disparaitre bientot.

Un jeune peeheur, vaincu par ses supplications, l'emmena nn soir dans son bateau, bien loin des cotes. Une tempete survint. Les camarades de l'enfant, te"- moins de son depart, s'empresserent d'en avertir ses

parents. Son pere, de"sespe"r6, accourut a la plage. De

longues heures se passerent dans une inquiete attente.

Enfin, la barque apparut. Quelques minutes apres, Giuseppe e"tait dans les bras de son pere.

— Malheureux enfant! lui dit celui-ci, pourquoi jouer ainsi avec le danger?

— Comment! tu n'as pas eu peur, vrai!... lui de- manderent scs camarades,

— Peur! re"ponditle futur marin avec un detain su-

perbe, peur! et de quoi? la mer est si belle lorsqu'elle gronde. Et puis, ne suis-je pas un bon nageur, et ca¬

pable de me tenir sur son dos? En effet, la natation, oil il excellait, fut le seul exer-

cice corporel de sa jeunesse, jusqu'a ce qu'il apprit la

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gymnastique en grimpant dans les haubans et en selais- sant glisser le long des cordages.

Cette gymnastique du marin, comme il brulait de

l'apprendre! comme c'e"tait bien sa vocation que de courir les mers et les aventures! Nous venons de ra- conter sa premiere e"quipe"e avec un jeune pecheur; une- autre fois, fatigue" du travail se"dentaire et assidu qui e"nervait sa nature ardente et spontanfiment aventu-

tureuse, il proposa k quelques-uns de ses camarades une excursion a GSnes.

— §a va! s'teierent ses amis. — Mais un bateau? ditl'un d'eux. — Quand on n'en a pas, re"pond Garibaldi, on en

emprunte sans rien dire... Plus tard nousle retrouverons disant avec non moins

d'entrain a ceux qui lui objectent qu'il n'a pas de ca¬ nons pour marcher contre les Autrichiens : « Quand on n'en pas, on en prend a ses ennemis. >

C'est ainsi encore que dans une grande et solennelle

circonstance, pour une terrible expedition cette fois, il devra emprunter a une compagnie g&ioise deux na- vires a vapeur...

En attendant ces lointains e"ve"nements que couvait

l'avenir, et auxquels il semblait que prSIudat son en-

fance, le jeune ^venturier de"tachait re"solument un ba¬

teau de j>Sche, et le voila avec ses camarades voguant vers Genes.

Mais un abbe" les avait vus et de"nonce"s. Le pere de

Giuseppe envoya a leur poursuite un corsaire qui les

captura et les ramena au foyer paternel. Une autre tendance non moins prononce"e se mani-

festa chez lui des ses premieres anne"es. Ne" d'une mere

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qui compatissait profondement aux souffrances de ses

semblables, il eut bon coeur, et apporta, des le plus

jeune age, dans tous les actes de sa vie, cet amour de

la justice qui le poussa si e"nergiquement, plus tard, a

prendre la defense des opprime"s. Tout enfant, on le vit mettre ses faibles forces au

service de tout ce qui e"tait petit, faible et souffrant.

Cette pitie" commencait aux animaux : un jour il pleura longtempsetamerement d'avoir arrache", parmaladresse, une patte a un grilfon.

Le pere de Garibaldi aurait voulu faire de son fils

un pretre, un avocat on un meMecin. Mais Giuseppe, avide d'air et de mouvement, s'obstinait k eHre marin; c'e"tait dans sa nature; sa persistance l'emporta.

Un soir, qu'un ami de son pere, le signor Arena,

professeur de l'enfant, lui donnait une legon de mathe"-

matiques, impatient^ de ne pouvoir re"soudre un pro- bleme, il jeta tout a coup loin de lui le livre qu'il te-

nait a la main. — Que fais-tu Ik? lui demanda son professeur.

'

— Vous le voyez, je jette mon livre, rSpondit Ten-

fant; c'est vous prouver que je me moque de ce qu'it contient.

Et il se dirigea vers la fenfitre. La mer s'6tendait au

loin. Le pere de Giuseppe entra k ce moment. '

\ u

— Qu'est-ce? fit—II en s'adressant k la fois k 1'dleve

et au professeur. On se boude, je crois. Qu'y a-t-il? — II y a que votre fils tient k rester uu ignorant... — Un ignorant ne peut-il £tre utile? objecta l'enfant.

Moi, j'ai beau faire, jecrains bien de rester tel; ni mes

yeux, ni mon esprit, ne seront jamais captives par ceci.

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Et il montrait du doigt, avec me"pris, le livre qui gisait k terre; puis, prenant son pereet le signor Arena par la main, et les entrainant vers la fen&re, il ajouta avec exaltation :

— Voyez-vous ces nuages, Ik-bas, qui se gonflent et s'abaissent, voyez-vous ces vagues qui grossissent et moment? Ce que disent ce ciel et celte mer, je voudrais l'apprendre. Celte lecon, je l'e"couterais avec recueille- ment.

— Bah! s'e"cria le pere de Giuseppe, tu seras ma- rin. Pourquoi pas, voyons, Arena?

L'enfant connaissait 1'influence de cet ami de"voue"; il sauta k son cou et murmura k son oreille d'une vpix suppliante :

— Oh! oui, oui, je veux &re marin. Je le serai, n'est-ce pas? — Allons, oui, oui, re"pe"ta en riant le signor Arena,

qu'il soit marin! Sa vocation fut deVid^e. Bientot il s'embarqua sur un

navire marchand et fit un premier voyage k Odessa. Les plus dures e"preuves de l'apprentissage du rude

metier de marin ne le dScouragerent pas un ins¬ tant.

Le premier k la manoeuvre, le plus intre"pide en face du danger, on le vit toujours Ik oil il y eut un obstacle k braver.

Le navire e"tait-il en peril, Giuseppe de"ployajt toutes les ressources d'une merveilleuse activity

Ses voyages se multiplierent, notamment dans le Levant, et occuperent plusieurs anne"es de sa jeunesse.

Les pirates, dont 1'industrie, k cette e"poque, infes- tait encore la Me"diterrane"e, furent les premiers ennemis

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qu'il eut k combattre, et qui le familiariserent avec W danger de mort.

Mais la mer eut bienWt dans son cceur une rivale puissante, la patrie... -a 'ouwi <>

Par la constante lecture de Thist'oire romaine, a laquelle l'avait habitue" l'intelligente direction de son prtopteur Arena, il s'e"tait initie" aux grandeurs de l'ltalie antique. Dans un de ses voyages il avait visite" Rome. La vue des ruines gigantesques de cette capitale du passe" avait profonde"ment remue" son instinct de pa- triotisme; et dans son esprit, aussi bien que dans son coeur, s'e"tait pose", pour ne plus en sortir, le probleme de la resurrection de l'ltalie.

Au cours de ses voyages dans le Levant, le souffle de la liberte" avait porte" k ses oreilles attentives et e"mues les chants de victoire qui cSbibraient la resurrection de la Grece.

Un patriote italien, rencontre" sur son bord, lui avait rt5v&e" les efforts qui se faisaient, les moyens qui se pre"paraient pour affranchir aussi l'ltalie.

II n'4tait done pas seul k r&ver la de"livrance de sa patrie asservie et de"membre"e!... Bien des cceurs en ce point battaient k l'unisson du sien Des lors, le reVe commence k prendre les formes de la volonte". La vague on courroux soulevait au coeur du jeune patriote d'ar- dentes Amotions; il voulut voir l'ltalie, comme la mer, briser et rejeler k ses bords ceux qui avaient ose" la fou¬ ler aux pieds.

La temp&e! Mazzini allait essayer de la provoquer. La Revolution de 1830 avait souleve" dans toute la

Pe"ninsule une grande effervescence; mais eti mfime

temps qu'elle avail remue" profond6ment le sentiment

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d'inde"pendance et de nationality, elle avait exaspfre" ses tyrans; chaque jour ces derniers s'efforcaient d'&eindre dans le sang le foyer des idees.

D'un bout a 1'autre de la Pe"ninsule les socie"te"s se¬ cretes formaient comme une chaine eiectrique. A chaque uouvelle violence du despotisme, elles en recevaient la secousse, et l'ltalie tout entiere frt5missait d'indigna- tion. Des insurrections partielles 6clataient dans chaque ville.

Mazzini s'efforcait d'imprimer k ces mouvements de-- sordonnfe l'ensemble n6cessaire. La Revolution orga- nisee par lui devait, k un moment donne", k un signal convenu, se developper unitairement, chasser les Au- trichiens el constituer l'independance et 1'unite de l'l- talie.

Trois siecles auparavant, Machiavel, suivant en cela, dans ses apeiceptions politiques, l'inspiration que le grand poete Dante avait deja puisee dans son cceur au fort des discordes civiles, avait predit, dans son dernier chapitre du livre du Prince, que de ville en ville se propagerait un irresistible elan en faveur de Celui qui arborerait hautement l'etendard de l'independance et de l'unite italiennes.

Cette idee depuis lors, k travers bien des vicissitudes, avait fait son chemin.

Apres 1830, ce fut le centre de l'ltalie qui avait donne le signal. Bologne, Parme, Modene, en fdvrier 4831, arborerent le drapeau tricolore italien. A Bo-

Jogne, on decreta la decheance du pouvoir teraporel da

pape; le general Sercognani niarchait contre Rome, k la tete des insurges des Romagnes... Gregoire XVI, du pape sur ces entrefaites, fit appel aux ba'ionnettes

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autrichiennes, et le mouvement national du centre fut

partout ecrase par 1'intervention e'trangere. „ La prophetie de Machiavel ne devait point encore

s'accomplir. On attribua la funeste issue de la Revolution italienne

k la limidite de ses chefs; on proclama la decheance du

carbonarisme, dont les affili^s avaient inspire et di-

rige en predominance ces premieres explosions. Ce fut

la Jeune Ilalie -qui vint prendre sa place. Mazzini et Guerrazzi etaient les chefs de cette nori-

velle societe, dont le premier propageait les doctrines J

non sans mille difficultes, par son journal la Jeune

Italie. C'est alors que Charles-Albert monta sur le trone de

Piemont. La nouvelle societe secrete donna le premier signe

caracteristique de vie, en invitant ce roi k proclamer l'unite italienne, et a en devenir le chef couronne.

Charles-Albert resta sourd k cette invitation, et bien-

tot, k l'instigation des nobles et des pr&res, il ordonna

les mesures les plus violentes, sous pr&exte de complots, contre des innocents, coupables seulement d'avoir de la

sympathie pour les principes et les chefs de la Jeune

Italic Que de nobles victimes furent alors fusiliees! et mar-

cherent k la mort avec un courage heWique! De ce

nombre fut notamment le pauvre Andrea Vocchieri, que Ton conduisit au supplice avec un horrible raffinement de barbarie, en le faisant passer devant la maison ha-

bitee par sa sceur, sa femme et ses deux enfants, dans

l'espoir que la vue de tant d'&res si fliers lui arrache-

rait des revelations.

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Mais lui:"«lis ont oublie, dit-il, qu'il y avait quelque chose au monde que j'aimais mieux que soeur, femme etenfants, c'estl'Italie... Vivel'Italie! »

Un quart d'heure apres, il tombait sous les b'alles. Vive l'ltalie!... Ce cri de tant de martyrs, le jeune

Garibaldi, alors a Nice, le recueillait au plus profond de son cceur ardent et sympathique, et se demandait dejk s'il etait ici-bas un rdle plus beau que de consacrer sa vie entiere au culte de cette liberte* pour laquelle il venait de voircouler tant de sang geut^reux...

La Jeune Italie, n'ayant plus k compter sur la royaute, arbora le drapeau de l'unite republicaine.

Elle poursuivit ce but par deux moyens : d'abord par la propagation de ses piincipes au moyen du journal qui porlait son nom et s'imprimait k Marseille, ofc Mazzini avait ete force de s'expatrier; puis par 1'orga- nisation d'une force materielle suffisante pour renverser les gouvercements monarchiques de l'ltalie, et procla- mer partout la Republique une et indivisible. A cet effet, les affill^s etaient divises en decuries et centuries, munis de fusils et de cartouches. Le comite central de Marseille devait eHre juge de 1'opportunite du moment et des moyens d'execution, donner le signal du combat, et constituer le gouvemement provisoire de la Revolu¬ tion. v''''''''

A cette e^oque, Garibaldi, qui etait reparti pour TOrient, en revint sur un batiment en destination de Marseille. II fut presente k Mazzini, avec lequel la com- munaute de principes et de but le lia etroitement.

Mais la Jeune Italie k son tour devait e"chouer alors dans sa double entreprise, comme le carbonarisme qui lui avait fraye" la route. La police franchise dis-

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persa le centre de la propagande etablie k Marseille; le

mouvement arme, sous la direction indecisede Ramc-

rino, que 1'eclat de ses luttes en Pologne avait fait choi- sir comme general, aboutit a quelques echanges de

coups de fusils entre une poignee d'exiies italiens et

francais, et quelques carabiniers piemontais, sur la fron-

tiere deSavoie, en fevrier 1834. C'est ce qu'on nomma

l'echauffouree de Saint-Julien. Garibaldi s'etait engage dans la marine sarde pour

y servir le, mouvement republicain, et y faire des pro¬

selytes avec lesquels, dans le cas de reussite, il devait

s'emparer de la frigate I'Eurydice, ou il etait entrd-

comme matelot de premiere classe, et la mettre k la

disposition de la Revolution.

Mais, dans l'ardeur de son zele, il laissa le soin de

s'emparer de la frigate k ses compagnons qu'il avait

convertis, et comme il etait pres de Genes, oil d'autres

affilies devaient operer un mouvement et se rendre mai-

tres de la caserne de la gendarmerie, il s'y fit conduire

dans un canot, et alia droit k la place de cette ca¬

serne. Personne ne vint se joindre k lui. Bientot le bruit

courut que I'affaire avait echoue, que les republicans etaient en fuite. 11 jugea prudent d'en faire autant, d'autant plus que des troupes commencaient k cerner

la place. II sorlit de Genes sous un deguisement de

paysan que lui avait procure une fruitiere chez laquelle- il s'etait refugie.

C'est ainsi que slouvrit cette nouvelle phase de son

existence, dans laquelle, soldat de la liberie et de l'in-

dependance nationales, nous le verrons marcher resolu.-

ment k ce but, sans qu'obstacles, dangers, souffrances^

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persecutions, exils, puissent jamais lasserson energie, aballre son cceur.

De GSnes, marchant la nuit, se cachant le jour, il gagna Nice, oil il eprouvait le besoin d'embrasser sa mere, se reposa un jour, et se remit en route la nuit suivanle, avec deux de ses amis, Joseph Jaun et Ange Gustavini, qui le conduisirent jusqu'aux rives du Var. La il fallut se sepaier : le fleuve etait grossi par les pluies, et le fugitii dut le traverser partie a pied, partie a la nage.

II se croyait sur un sol libre et hospitalier : dans la candeur et la franchise qui forment un des traits de son caraclere, il s'adresse k des douaniers pour se faire renseigner, leur disant qui il est, d'oii il vient. Les douaniers lui repondent qu'il est leur prisonnier jusqu'k nouvel ordre, et que cet ordre, ils ne peuvent I'attendre que de Paris.

11 est oblige, pour leur echapper, de sauter, k la de- robde, par la fenetre d'un premier etage.

II se dirige sur Marseille. Chemin faisant, la faim le fait entrer dans une auberge.

L'aubergistc l'engage k souper avec lui. — A la bonne heure, se dit-il, ici je n'ai plus affaire

a des douauiers. Et le voilk, au cours du repas, qui conte son histoire

a son bote. Mais ce dernier devient soucieux, et bientot a son tour annonce qu'il sera oblige de l'arr&er, ou tout au moins d'en referer k M. le maire.

— Decidement, se dit Garibaldi, ce n'est pas une plaisanterie ce qu'a dit un auteur francais du dix-hui- tieme siecle, que dans son pays il j a toujours une

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moitie de la nation disposee k denoncer et k faire em-

prisonner l'autre... » Heureusement qu'il survint alors des jeunes gens qui

se mirent k boire, jouer et chanter. Non moins souple d'esprit et de caractere que de jarrets, Garibaldi prit part k leurs libations, puis k leurs chants, en entonnant le Dim des bonnes gens de Beranger.

Sa gaiete, son entrain, sa voix vibrante, lui gagne- rent la sympathie de ces jeunes gens, et peut-etre aussi de l'aubergiste, qui ne parla plus d'arrestation, quand ces derniers, aux premieres lueurs du jour, lui firent la conduite aux cris de: Vive Beranger! vive la France! vive l'ltalie!

Arrive k Marseille, il apprit par la lecture d'un jour¬ nal, qu'il etait condamne" k mort dans son pays, et

quitta son nom pour prendre celui de Joseph Pane; c'est sous ce nom qu'il eut occasion de sauver, en se

jetant tout habilie k la nage, un coliegien qui se noyait dans le bassin du port.

II consacrait les loisirs que lui laissait son exil aux etudes mathematiques, pour lesquelles il avait eu

peu de gout dans son enfance, mais dont plus tardl'ap- prentissage de la marine lui avait fait comprendrel'im¬ portance.

Bientot rappeie dans la haute Italie par une insur¬ rection qui venait d'y eclater contre l'Autriche, il y prend, comme chef, une part active. Ecrase par des forces superieures, il est oblige de fuir, sa tete est mise k prix. II cherche un refuge dans les Montagues noi- res. Traque comme une bete fauve, il fait aux Autri-

chiens, qui le poursuivent, k travers broussailles et

ravins, une guerre achamee. Son courage indomp-

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table, sa prodigieuse habilete k echapper aux mille- dangers qui l'enveloppent, le font bientot passer, aux yeux des Autrichiens, pour un etre surnaturel, insai- sissable, et lui donnent dans l'esprit des Italiens les- proportions d'un de ces heros du moyen age*dont les poemes legendaires retracent les fabuleux exploits.

C'est dans cette periode tourmentee de son existence qu'un premier amour surgit au coeur de Garibaldi; une jeune fille noble, eievee dans un chateau au milieu des

montagnes, concut pour 1'hero'ique et mysterieux chef de partisans une passion violente. Enlevee par lui k la faveur d'un iricendie, elle supporta, pour vivre aux co¬ tes de son amant, les fatigues et les privations de sa vie aventureuse; mais les lits de mousse de la montagne ne pouvaient remplacer, pour la delicate chatelaine, les moelleux duvets etle tranquille abri du foyer pater- nel. Bientot elle mourut de la poitrine; Garibaldi l'en- sevelit aux pieds d'un rocher qui porte aujourd'hui le nom de Margarita.

Cette mort laissa dans le cceur du heros un vide affreux ; il voulut fuir les lieux temoins d'un bonheur si court et se jeta k corps perdu dans les aventures les

plus perilleuses. Puis enfin, las de tant d'efforts infruc-

tueux, impuissants k deiivrer son pays du joug de Y&~

tranger, il reunit ses compagnons, les exhorta k la

patience jusqu'k des temps meilleurs et leur dit : Au revoir!

II retourna k Marseillle, fit k bord de /' Union son troisieme voyage a Odessa, puis, a son retour, il s'em-

barqua pour Tunis, et fut engage comme officier dans

la flotte du Bey. Ce qu'il fallait k 1'amant malheureux, k l'ardent pa-

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triote, c1 etait une continuelle agitation, car le souvenir

-de la patrie enchainee et de Marguerite le poursuivait sans relache; il ne trouva pas k Tunis l'oubli qu'il etait

venu y chercher. II revint encore k Marseille, trouva cette ville en

plein cholera, et, toujours pret k se devouer, servit, durant quinze jours, dans un hopital, comme aide de

bonne volonte, et, au bout de ce temps, comme l'epi- demie diminuait d'intensite, trouvant une occasion de

voir de nouveaux pays, il s'engagea comme second k

bord du brick le Nautonnier, de Nantes, en partance

pour Rio-Janeiro. II partit... mais au moment d'entreprendre un de

ces voyages au long-cours qu'enfant il avait tant desire

faire, l'exil, le triste exil, lui apparut dans toute sa de-

solan te realite. Souvenirs enfantins, tendresse filiale, luttes patrioti-

ques, amour juvenile, tout cela, au moment de quitter les bords de la Mediterranee, fit echo dans son cceur

profondement sensible, et ce ne fut pas sans se deman-

der amerement s'il reverrait jamais les lieux temoins

de ses premieres impressions, qu'il s'embarqua pour 1'Amerique.

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CORSAIRE.

Le Nouveau-Monde et ses grands spectacles, sa puis- sante nature, sa luxuriante vegetation, sesplaines, ses fleuves immenses, ses montagnes gigantesques, et la vie d'aventures qu'au milieu de tout cela il eut occasion d'y mener, etaient de nature k fournir k l'exiie d'am- ples distractions.

Cependant les premiers mois furent monotones et penibles; il les passait k faire, sur un petit navire, avec son ami et son associe Louis Rossetti, le cabotage entre Rio-Janeiro et Cabo-Frio.

Une lettre qu'il adressait, k cette epoque (septembre 4836), k Cuneo, un autre de ses amis, prouve la souf- france morale k laquelle il etait en proie, et combien le commerce qu'il faisait repugnait a cette vigoureuse nature.

« De moi-meme, ecrivait-il, je puis dire seulement * que la fortune ne sourit point k mes entreprises.

» Ce qui principalement m'afflige, cependant, c'est » la conscience que je ne fais rien pour le progres futur » de notre cause. Je suis las, par le ciel! de trainer j> une existence si inutile a notre pays, tant que je suis » force de vouer mon energie a ce miserable com- » merce...

9 Soyez-en sur, nous sommes destines pour de meil- j> leures choses : nous sommes ici hors de notre eie- > ment. »

A cette epoque, le Rio-Grande, qui faisait aupara-

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vant partie de l'empire du Bresil, venait de s'en de;a-

cherpar un soulevement, et de se former en republique independante, sous la presidence de Gonzales.

La guerre continuait sur terre et sur mer entre le

gouvernement bresrlien et la jeune republique. Un refugie italien, Zambecarri, etait secretaire de

Gonzales. A la recommandation de son compatriote, Garibaldi obtint du President des lettres de marque pour faire la course contre le Bresil.

II arma en guerre le Mazzini, c'est le nom qu'il avait donne, en souvenir de l'inspirateur politique de sa jeunesse, au petit batiment d'une trentaine de ton-

neaux, qui lui servait pour le cabotage. Ainsi equipe, il ne tarda pas k s'emparer, —- tout

pres de Rio-Janeiro, presque k portee des batteries du

port, — tant il debutait avec audace dans sa nouvelle

carriere, — d'une goelette naviguant sous pavilion bre~

silien. On ne pouvait mieux tomber : la goelette, char-

gee de cafe, appartenait a un riche autrichien. — Ah! nation infame! s'ecria le jeune patriote,

quelque jour, je l'espere bien, nous te reprendrons autre chose...

Les debuts etaient encourageants. Mais il fut moins

heureux dans une autre rencontre ; en passant devant

Montevideo, capitale de la republique de l'Uruguay,

qui avait opiniatrement refuse de reconnailre l'indepen- dance du Rio-Grande, il fut inopinement et vigoureu- sement attaque par deux lanciones, et, dangereusement blesse par une balle qui lui traversa le cou, il faillit

perdre k la fois son navire et la vie; il n'echappa k ce

double peril que grace au courage des Italiens, ses

compagnons, et au devouemenl d'un ami, Luigi Garni

r

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glia, qui lui prodigua dans sa maladie les soins d'une mfere.

A peine entrait-il en convalescence, qu'un vent de- favorable l'obligeait k chercher un abri dans le port de Gualeguay, situe dans la province d'-Entre-Rios.

Pas plus que Montevideo, Gualeguay n'avait voulu recounaitre l'independance de la jeune republique de Rio-Grande. Aussi Giuseppe se vit-il bientot arrete et incarcere avec son equipage. II parvint k s'evader; mais fuyant sans vivres, sans abri, encore k l'etat de convalescence, au milieu d'un pays inconnu, il fut re- pris dans les pampas, mourant de faim et de fatigue, et ramene k Gualeguay, les mains liees derriere le dos, expose sans cesse aux terribles piqures des moustiques qui l'assaillaient sans pitie.

A Gualeguay, un supplice bien autrement affreux l'attendait.

Le chef de la police Leonardo Millan, lui ayant de- mande d'un ton insolent qui lui avait fourni les moyens de s'echapper, le prisonnier ne r^pondit pas. De Ik des injures de la part du policier, qui poussa la brutalite jusqu'k le frapper violemment d'un jonc qu'il tenait k la main. Puis il le fit suspendre avec une corde par les mains k un auvent qui dominait la porte de la prison, et il resta ainsi durant deux heures expose aux outrages de la soldatesque et de la multitude.

« — Tout mon corps, raconte-t-il dans ses notes, &ait en proie k une chaleur intolerable. II me semblait fitre dans une fournaise oil mes os et ma chair se consu- maient graduellement. Pourtant je ne poussai aucune plainte. >

Jete de nouveau en prison apres cet effrayant mar-

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tyre, ce ne fut qu'au bout de huit mois qu'il parvint k s'evader et k gagner Rio-Grande.

Bien souvent, dans les tristes loisirs de la captivite, ses pensees reprenaient le chemin de la patrie, et cetle mailresse absente et adoree arrachait de ce cceur, k la fois patriote, guerrier et poete, des paroles toutes pleines de meiancolie, d'amour, et du desir de la deiivrance, comme celles que voici:

Io la vorrei deserta, E i Buo palagi infranti, Pria di vederla trepida Sotto il baston del Vandalo!

« — Oui! je voudrais l'ltalie desoiee, je voudrais

que ses palais fussent en ruines, plutot que de la voir tremblante sous le baton du Vandale! >

De retour k Rio-Grande, Garibaldi fut mis k la t&e de la fiottille. Pauvre flottille! composee de quelques batiments de faible tonnage, assez mal grees, plus mal armes encore, lesquels etaient reunis k l'embouchure du Lagoa dos Palos, le plus grand lac de l'Amerique du Sud, et qui sert de port k Porto-Alegre, capitale de cette republique.

II organisa sa petite flotte du mieux qu'il put, et en ameiiora les equipages en y introduisant les refugies italiens qui etaient autour de lui.

11 ne tarda pas k se signaler par quelques grands coups d'audace et de courage.

Ainsi, un jour qu'on avait echoue les embarcations sur la plage, et que la majeure partie des equipages s'etaii dispersee ck et Ik dans l'int6rieur pour faire du bois et des vivres, Garibaldi, qui etait reste avec treize hommes seulement dans une ferme de la cote dont il

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avait fait son arsenal et son quartier general, fut sur- pris par cent cinquante cavaliers bien montds, et com¬ mandos par Moringue, un des plus audacieux capitaines du Bresil, ardent et adroit k renouveler souvent sur le territoire des habitants de la cote des incursions devas- tatrices.

Garibaldi, avec ses treize compagnons, soutint l'as- saut dans sa ferme, six heures durant, fit essuyer aux assiegeants des pertes sensibles et les forca de battre en retraite.

Grand enthousiasme, ardentes felicitations de la part des Rio-Grandais, aux yeux desquels le commandant prenait des lors des proporlions homeriques.

Mais lui, avec cette modestie qui le caracterise : « — Cela n'en vaut pas la peine, dit-il; ne savez-

vous pas qu'il suffit d'un homme libre pour ecraser dix esclaves? »

Une autre fois, comme l'embouchure du Lagoa etait sans cesse gardee par les forces imperiales, qu'il etait impossible k la flotille rio-grandaise d'en forcer la ligne sans courir le risque d'etre detruite, son capitaine re- court k un singulier stratageme : il fait haler sur le rivage ses navires, les fait poser sur de forts essieux, auxquels, k l'aide de cries, on adapte des roues de soli-- dite proportionnee au poids; puis on attele k chaque convoi deux cents bceufs, et la gigantesque caravane, espece de flotte amphibie, navigue k travers champs l'espace de cinquante-quatre milles jusqu'k l'Atlantique, oil Ton arrive en parfait etat.

On se remet a la mer, et Ton va surprendre l'escadre imperiale, qui fut battue sur toute la ligne par « ces hommes libres capables d'ecraser chacun dix esclaves. »

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L'entree du Lagoa redevint libre aussi. Peu de temps apres, il s'eioigna de Rio-Grande, et,

avec trois nayires qu'il avait equipes, alia occuper le

port de Laguna, dans la province de Sainte-Catherine, dependance meridionale du Bresil, daus l'esperance d'amener cette province k se soulever contre l'empire et a proclamer son independance, ce qui ne tarda pas effectivement k avoir lieu.

Le gouvernement brfeilien fut fort etonne d'ap- prendre cette occupation, et que de Ik le hardi corsaire avait repris ses courses en mer. Des navires bresiliens furent envoyes en croisiere avec mission de surprendre l'audacieux aventurier.

Ce dernier remarqua les allures de la croisiere et

comprit le danger. II voulut le prevenir et resolut d'at-

taquer le premier. Mais pour cela il avait besoin d'ap- precier exactement les forces de ses adversaires.

A la faveur d'un epais brouillard, accompagne de douze hommes seulement, Garibaldi se glisse un matin dans les eaux de l'escadre ennemie sur une embarcation legere.

Tout a coup, le cielse degage, et Garibaldi se trouve, pour ainsi dire, cerne au milieu de la flotte brdsil- lienne.

Un cri de victoire s'echappe de toutes les poitrines; — Garibaldi est pris! — Pas encore! s'eerie l'dnergique marin. II se pre-

cipite au gouvernail et echappe aux Bresiliens en fran- chissant leurs lignes, et se dirigeant vent arriere vers la cote. Une goelette alors se detache et lui donne la chasse pendant tout le jour. II cherche, vers le soir, un abri dans une anse. La goelette jette l'ancre k Ten-

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tree de la baie, et remet sa capture au lendemain. Garibaldi concoitun plan hardi, et, aussitdt la nuit

venue, il l'execute. Lui, treizieme, il traine son em- barcation k tcrre, lui fait traverser le cap, la remet a flots, altaque la goelette k revers, surprend 1'equipage endormi, et, apres une resistance de quelques heures, wient triomphant au port de Laguna sur ce meme vais- seau qui devait l'emporter captif.

^

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ANITA.

C'est k cette epoque qu'un amour profond vint com¬ pleter la vie de Garibaldi, et qu'il puisa dans son ma¬ nage avec une femme digne de lui une force toute nou- velle. II etait arrive k cet age de la pleine jeunesse, oil le cceur qui deborde de sentiments et de pensees, eprouve le besoin d'en deverser le trop plein dans un autre cceur sympathique et devoue, et d'avoir, pour se reposer des agitations et des tourmentes de la vie, le stable et tran- quille abri du foyer domestique.

Ce doux refuge, tous le cherchent, et bien peu le trouvent 1 A l'epoque d'anarchie morale et intellectuelle oil nous vivons, quand l'humanite, ayant brise son antique boussole, n'a pas encore reconstitue la nouvelle qui doit la guider sur celte mer orageuse des passions oil elle flotte, il est bien rare que la famille realise cette condition supreme de l'harmonie et du bonheur : la communion des esprits et des cceurs.

II n'en devait pas fitre ainsi de Garibaldi, et pour lui cette belle et douce communion, qui pourd'autres n'est que trop souvent un reve, devait etre une inalterable realite durant les trop courtes annees oil il lui fut donne de fondre son existence avec celle de cette femme adoree qui eut nom Anita.

Le cote romanesque ne manqua pas aux circonstances dans lesquelles se rencontrerent ces deux etres si bien fails pour s'aimer et se comprendre.

Malgr£ les vicissitudes sans cesse renouveiees de son

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existence, Garibaldi eprouvait au cceur un vide consi¬ derable dont il ne se rendait pas bien compte, aspirant sans le savoir au mariage qui jusqu'alors lui etait apparu plutot comme une gene, comme un embarras', que comme une chose desirable et heureuse, dans la car- riere ondoyante et diverse que lui faisaient les evene- ments.

Durant son sejour dans le port de Laguna, il lui ar¬ rival souvent, dans ses heures de loisirs, de s'en aller, solitaire et reveur, k travers les riches et ombreuses campagnes qui environnent cette ville.

Un jour qu'il errait ainsi le long d'un chemin borde d'une haie d'-aloes, garnie de cocotiers, de citronniers et d'orangers en fleurs, tout k coup une meiodie inconnue, pieine de simplicity et de meiancolie ineffables, vint trapper ses oreilles.

Une voix fraiche et sympathique disait une de ces chansons indiennes qu'on appelle des wainos, char- mantes ebauches de poesie agreste et toute primitive.

Le waino qu'ecouta attentivement Garibaldi etait ainsi congu :

« Arbre touffu que j'ai plante, dis, ton ombre n'est- elle pas la mienne? T'ai-je arrose de mes larmes pour que tu couvres un autre que moi?

» Sur le chemin que tu parcours, si tu rencontres celui que j'aime, dis-lui combien je le pleure, mais ne lui dis pas qui t'envoie.

» Pourquoi, heias t'ai-je connu? pourquoi mon cceur s'inquiete-t-il? Tes yeux, deux etoiles du matin, que ne sont-ils encore k moi »

La voix se taisait que Giuseppe ecoutait encore, tant le charme en dtait penetrant. Curieux de voir d'oii elle

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partait, il entrouvre et franchit la haie. Une petite et gracieuse chacra (1) s'offre k ses yeux k travers les arbres qui l'enveloppent, la facade toumee k l'oppos6 de la route. II s'avance avec precaution, tourne le pi- gnon dela maison, et, a quelques pas de Tangle, aper- goit une fenetre toute grande ouverte. Non sans une emotion vive, sans je ne sais quoi qui lui serre le cceur, comme les plus grands dangers n'ont pu jamais le faire au hardi corsaire, il s'approche de la fenetre, et, pen¬ chant seulement la tete vers l'interieur, il y jette un coup d'ceil furtif et rapide, retient avec peine un cri de surprise et d'admiration, retire sa tete, reste un instant immobile d'hesitation, se demandant s'il doit regarder de nouveau, parler peut-etre... ou bien se retirer... C'est ce dernier parti qu'il adopte, de peur d'etre pris en flagrant deiit d'indiscretion.

II reprit done le chemin de Laguna; mais tout du long de ce chemin la voix et le wa'ino continuaient de chanter dans sa tete; et dans sa tete passait et repassait sans cesse l'apparition entrevue k l'interieur de la chacra...

Quelle etait done cette apparition merveilleuse? C'etait une jeune Creole etendue dans un hamac. Sa

tete etait appuyee sur une de ses mains, et ombree par d'epais cheveux noirs, k cote desquels son bras nu, gracieusement replie vers le coude, formait comme un cercle d'ivoire. L'autre bras etait negligemment aban- donne sur la gaze legere d'une robe aux plis ondoyants, et la main tenait un livre k moitie ferae" entre les doigts, dont la lecture etait interrompue sans doute, ou

(1) ̂ o^'des^nabiiafSns'Br^'iHennes.

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finie, car le regard de la charmante lectrice etait fixe et comme perdu dans une contemplation interieure. Cette

jeune fille etait belle et forte et admirablement faite, autant qu'on en pouvait juger k la voir ainsi couchee. Sa figure vive 'et sympathique, aux traits parfaitement reguliers, respirait k la fois, comme l'ensemble de la

personne, la douceur et la force, la grace, la deiicatesse et l'energie, toutes ces qualites fondues dans une deii- cieuse harmonic

Rien de plus presse pour Giuseppe, k Laguna, que de chercher k savoir quels etaient les habitants de la chacra. II ne sut apprendre aufre chose, si ce n'est

que c'etaient un Br6silien, nomme don Pedro, et sa fille, Anita, vivant fort retires et ne frequentant guere k La¬

guna que la maison de don Luis, frere de don Pedro. •

Dfes le lendemain, Giuseppe retournait a la chacra. Mais tout y etait ferme, portes et persiennes; au lieu de la charmante creole, un vieux serviteur noir pour tout habitant, duquel il apprit que don Pedro et sa fille- etaient alies k Laguna passer un mois chez don Luis.

Comment s'introduire au sein de cette famille vers

laquelle un altrait si puissant l'entrainait? Cela mal- heureusement etait plus difficile que de franchir une haie d'aloes, et Giuseppe avait beau s'ingenier, il n'y arrivait pas.

Le hasard vint k son secours et le mit en rapport avec un habitant de Laguna, chez lequel il fut invite une fois k prendre le cafe. Quelles ne furent pas sa

surprise et sa joie, en reconnaissant, dans la premiere personne qui entra, la jeune Creole du hamac!

Cette vue acheva de le subjuguer; car ce n'etait plus seulement une riche enveloppe corporelle qui s'offrait k

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lui, comme dans la premiere apparition, c'etait de plus la richesse de la vie morale qui se refietait dans l'ani- mation de la physionomie, dans I'eclat veloute dedeux yeux noirs brillants sous leurs longs cils, dans le mou¬ vement vif, rapide et gracieux de deux levres d'une fraicheur exquise. On senlait qu'il y avait Ik un cceur sympathique el courageux, une ame forte et bien trempee.

Des l'abord, les yeux de Giuseppe et d'Anita s'etaient rencontres, et, dans ce rapide echange de leurs pre¬ mieres impressions mutuelles, il y eut je ne sais quelle mysterieuse sympalnie qui leur annoncait qu'ils ne de- vaient pas rester longtemps etrangers i'un a Tautre.

Giuseppe fut presente k don Pedro, et dans le cours de la soiree le jeune corsaire italien et la jeune creole commencerent k se connaitre et a s'apprecier mutuelle- ment. Grande fut la surprise de cette derniere quand Giuseppe, qui avait amene la conversation sur les chan¬ sons indiennes, r^cita tout k coup, sans en oublier une syllabe, le waino entendu dans la chacra... et grande fut l'emotion de la jeune fille quand il raconta l'effet produit sur lui par la voix qui avait chante ce waino, et par la vue, furtivement obtenue, de la charmante chanteuseetendue dansun ham.ic...

A la fin de la soiree, l'union de ces deux ames etait dejk accomplie Peu de temps apres, die allait recevoir la consecration solennelle du mariage. Garibaldi aimait avec

passion^Anita; mais, loyal k l'exces ettout pene- tre encore d'un triste souvenir, il cmt devoir prevenir la courageuse Bresilienne des dangers qu'elle aurait k courir en associant sa vie k la sienne. Elle les accepta tous et devint la compngne du hardi chef de nartisans

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Si elle eut ete moins belle, les rayonnements de ce

grand cceur eussent suffi pour la transfigurer. L'union de ces deux etres fut noble et sainte entre

loutes; elle doubla les puitsanccs de Garibaldi et deve-

loppa au cceur d'Anita l'amour de la justice et des

grandes choses. Loisque les circonstances permirent a Garibaldi de

juger le caractere hero'ique de sa jeune femme, son

amour, d'abord violent, put une teinte de gravite piesque religieuse.

« Plus d'une fois, dcpuis notie mariage, dil-il (1), je me suis reproche k moi-meme de l'avoir entrainee, loin de cette tianquille retraite oil elle etait nee, pour ne lui donner en ediange que des perils conlinuels, des fa¬

tigues, des privations, des souffrances. » Ce regret me vint surtout plus profond, plusamer

qu'il ne l'avait jamais ete, le jour oil, k l'embouchure du P6, je me vis contraint de descendre k terre pour

echapper aux poursuites de l'escadre autrichienne. Ce

fut alors qu'au moment mfime oil je conservais encore

1'espoir de la ramener k la vie, je m'apergus, en inter-

rogeant son pouls, que je n'avais plus dans mes bras

qu'un cadavre. Je laissai echapper un cri de desespoir, et, tombant k genoux, j'adressai k Dieu une fervente

priere. A elle-meme je demandai de me pardouner, car

je regardai alors comme un crime de l'avoir entrainee

loin de son pays. » Mais n'anticipons pas sur ces tristes evenements

encore eloignes, et voyons comment la jeuue Bresilienne

embrassa la nouvelle carriere oil le mariage la faisait

(l) Th. Dwigt. The life of general Garibaldi. New-York, 1359

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<entrer. La vie fade, enervante et frivole des salons, qui deflore, affaiblit et corrompt tant de belles organisations feminines, n'avait pas altere la vivace el riche nature d*Anita. Aussi ce fut merveille de la voir se meler sans hesitation aux luttes de son mari, affronter ses dangers, exciter l'ardeur de ses compagnons, faire, du d6voue- ment et de la tendresse de l'epouse, uue egide destinec a soutenir le courage, k fortifier l'esprit entreprenant de l'epoux.

C'est ainsi que peu de temps apres son mariage on la voit, montee sur le Rio-Pardo, commande par sou

raari, et qui, avec deux autres navires, formait la flot- tille lagunaise, ouvrir elle-meme le feu contre la flolte bresilienne, en approchant de la luniiere du canon la meche enflatnmee, et quand l'effrayante inegalite des forces oblige d'iucendier les truis navires plutdt que de les laisser prendre, presider elle-meme au sauvetage des munitions.

Apres cet echec maritime, Garibaldi, pendant que la lutte de la republique lagunaise contre le Bresil couti- nuait sur terre, sous la direction du general Canabarro* opera, avec le peu d'hommes qui lui restaient, sa re- -traite sur Rio-Grande, d'oii, quelques mois auparavant, il etait parti le cceur plein d'esperance, l'esprit confiant dans la victoire.

On lui confia le commandement de l'infanterie rie- > grandaise.

La situation de la republique, qui avait eprouve plusieurs defaites partielles, etait alors des plus mau- vaises. Cette p6riode de l'existence de Garibaldi et de sa femme fut marquee par de cruelles epreuves, des re- vers, des fatigues, des dangers de toute sorte. La fa;m

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meme souvent visita leur foyer errant. C'est a cette

epoque aussi que se place un evenement important pour eux : le 10 septembre 484-0, k San-Simon, naquit leur premier enfant, Menotti Garibaldi, qui aujourd'hui combat, aux cotes de son pere, pour l'independance et l'unite de la patrie.

Les exigences elles-memes de la maternite n'eurent

pas le pouvoir de tenir Anita eioignee de son mari. Portaut le nouveau-ne dans ses bras, elle affrontait la

mort, bravait les perils, supportait les privations, le cceur joyeux et sans sourciller. L'enfant avait a peine douze jouis, qu'elle avait du s'eiancer k cheval avec lui,

pour s'enfuir, au milieu d'un orage, de San-Simon, qui avait ete surprise par Moringue, le condoltiere bresi-

lien, pendant une alisence momentanee de Garibaldi. Elle eut toutes les peines du monde k rejoindre ce

dernier qui, oblige ulors k tout instant de traverser des

rivieres, de se glisser k travers des forets, de franchir

des collines escarpees, portait son enfant dans un mou- choir suspendu k son cou, s'efforcant de soulager la

mere, et de rechauffer contre sa poilrine les membres a

moitie glaces du pauvre petit. On se dirigeait alors vers le lieu d^signd pour servir

de campement definitif k 1'armee, San-Gabriel, dans la

province des Missions, qu'on eut enfin le bonheur d'at-

teindre pour s'y ravitailler et s'y reposer. Les finances de la republique etait en desarroi. La

saison d'hiver, par ses pluies torrentielles, empechait le renouvellement des hostilites. Garibaldi resolut de

tenter quelque operation profitable a sa famille. Un

voyage a Montevideo fut decide. Le president autorisa son brave officier a emmener

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avec lui, pour subvenir aux frais dela route, un trou-

peau de jeunes bestiaux. Garibaldi en reunit jusqu'k neuf cents. Mais la plupart mouraient en route. II fallut les abattre pour conserver.au moins les cuirs. Ceux-ci ne produisirent k Montevideo que quelques centaines de dollars. Giuseppe dut, pour accroitre ses

ressources, faire le courtage de marchandises et donner Hes lecons de mathemaliques dans un college tenu par un Italien. Bientot il entra au service de la republique orientate de l'Uruguay.

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LA REPUBLIQUE DE L'URUGUAY.

Toute injustice me regarde. Mahin.

Montevideo, ville de l'Amerique meridionale, enle- vee en 1820 k l'Etat de Buenos-Ayres par le Bresil, annexee k l'empire sous le nom de province Cisplatinfc, s'etait, en 1828, declare independante et formaitavec deux autres provinces la republique de l'Uruguay.

Le dicfateur de Buenos-Ayres, Rosas, tenta de re-

prendre Montevideo et voulut lui imposer par la f*orce le general Oribe pour president.

C'est dans ces circonstances que Ton confia k Gari¬ baldi le commandement de trois vaisseaux, pour porter secours k la province de Corrientes, alliee de la repu¬ blique et en guerre avec Rosas.

L'Uruguay, dans le long parcours qui separe Monte¬ video de Corrientes, devint le theatre d'une lutte achar- nee qui dura pres de deux ans, et dans laquelle Garibaldi et ses allies remporterentdes avantages signates, malgre l'inferiorite de leurs forces.

A la fin, pres de Goya, un combat impossible s'en- gage. Garibaldi, ecrase par des forces superieures, com- mandees par l'amiral Brown, plutdt que de voir tomber au pouvoir de l'ennemi les trois vaisseaux qui lui ont ete confies, debarque ses blesses et ses morts, met le feu k sa petite flotte, et gagne avec ses hommes Cor¬ rientes sur des canots.

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Peu de temps apres, il retourna k Montevideo, oil il fut accueilli avec transport.

La guerre avec Rosas continuait, meiee de succes et

de revers. Une legion franca;se s'etaii organisee sous le commandement du colonel Thibauld, et rendait k la

Republique de signals services. Garibaldi eut k cceur de les egaler au moins, sinon de les surpasser.

II forma une legion italienne et se mit en campagne. C'est alors qu'il deploya au plus haut point ces res-

sources, cette prodigieuse habilete qui le distinguent comme chef de partisans, et qu'il devait appliquer, plus tard, avec tant d'edat, sur les champs de batailles de sa patrie.

Tantot il faisait semblant de se laisser surprendre et

poursuhre pour entrainer ses adversaires dans des lieux

favorables k ses plans. Tant6t, precipitant la marche de ses soldats, il s'abat-

tait sur les bataillons ennemis.

Ceux-ci, k peine remis d'une attaque imprevue, le

voyaient disraraiire, ne laissant de son passage qu'une trace de sang. En vain, les regiments, lances k toute

bride, exploraient les environs : les legionnaires avaient

disparu. Garibaldi, k Monte-Cerro, fond sur deux corps d'ar-

mee et les defait tour k tour. II disperse l'ennemi k

Las-Tres-Cruccs. Une nuit, il cerne le camp de Bayada; Les ennemis courent aux armes dans l'obscurite. Gari¬

baldi fait le tour du camp au galop de son cheval, une

torches la'main. Son grand manteau rouge flottait au

vent. Ses yeux, dirent les soldats de Rosas, lancaient des eclairs, ils crurent voir des diables, Lucifer en tete,

qui dansaient en rood auteur d'eux. fitourdis et effrayes,

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ils s'enfuirent de tous cotes sans combattre. Garibaldi s'empara du camp et s'y retrancha.

Quelques jours apres, il fait une sortie, et marche, avec quatre petites compagnies, k la rencontre du ge¬ neral Servando Gomez, qui s'avancait vers lui k la tete d'une division de douze cents hommts.

Pres de Campi di San-Antonio, un combat acharne s'engage, et Garibaldi, au bout de deux heures, est vainqueur encore une fois.

L'experience suggere k Rosas un autre plan de cam- pagne. II cherche k surprendre Garibaldi, I'atteint el le cerne avec trois mille hommes pres de Salta.

— C'est la peine de vaincre! crie Garibaldi k ses trois cents compagnons; courage!

II fait former un carre, se place au centre, et essuie sans bouger le feu de l'ennemi.

Rosas etonne ordonne k ses bataillons d'avancer. A un signal de Garibaldi, la petite troupe s'ebranle,

charge l'ennemi avec fureur, et le met en fuite de quatre cotes a la fois.

Rosas est vaincu. Pour Garibaldi et pour ses legionnaires, cette guerre

etait un prelude; jamais ils ne marcherent contre les soldats de Buenos-Ayres qu'au cri de ; Vive l'ltalie! Ni l'enlhousiasme des Montevideens, ni Ips joies d'un puissant amour n'avaient pu faire oublier k Garibaldi les tortures de son pays.

Le jour de Salta, en ramenant ses troupes, le grand patriote mit pied k terre k l'endroit oil s'etait livre le combat. Alors, se tournant vers Pltalie et s'adressant k ses compagnons:

— Que n'est-ce pour Elle, dit-il, tous ces nobles

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elans! Pourquoi dormir si longtemps, chere patrie! Nous sommes dignes de te defendre. Appelle-nous! appelle-nous!

— Vive l'ltalie! s'ecria chaque legionraire. La Republique vota des remerciements a la legion

italienne, et decreta qu'elle occuperait, dans chaque combat, en souvenir de Salta, la droile de l'armee indigene. Des sommes d'argent furent votees aux le¬ gionnaires pour prix de leurs services. Tous, d'un commun accord, refuserent cet argent.

La Republique leur proposa des terres qu'ils s'em-

presserent d'accepter, car ils pouvaient les feconder par le travail, qui honore non moins que les batailles. Leur chef leur avait donne l'exemple d'un desinteressement bien rare, en refusant de Rosas une somme d'argent equivalente k une fortune.

A certains jours, la legion defilait encore aux regards du chef adore, puis chaque soldat retournait k la char- rue.

Aussi tot que le bruit des evenements d'ltalie, en 1848, parvint en Amerique, Garibaldi, sa femme et deux cents legionnaires s'embarquerent pour la Penin- sule, accompagnes des regrets de la population monte- videenne. On etait dans les premiers jours d'avril 4848.

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.v LA REVOLUTION ITALIENNE.

« L'ltalie, cette solfatare qui toujours fume, cette cendre encore chaude de l'ancienne Rome, jette des flammes. »

Claude Tillier.

La Re'publique franchise avait ete proclamee le 24 fevrierl848.

A cette nouvelle les peuples opprimes se sentirent revivre; la pierre sepulcrale se releva de dessus tux.

L'ltalie lout entiere s'emut, une sourde agitation se manifesta.

La France avait provoque 1'espoir et la confiance des nations qui bientot essayerent comme elle de re-

conqueiir leurs droits et leurs liberies. Mais quoique la revolution de 1848 rouvrit avant

toufl'ere de l'affranchissement des pen pies; quoique ce' fut la condition indispensable pour faire porter a cette revolution'ses fruits les plus beaux, e'est-k-dire la paix definitive en Europe et 1'amelioration du sort des masses, la France alors n'etait pas prete' k secon¬ der le grand mouvement des nationalites.

Elle etait travailtee interieurement par d'autres. idees, idees trop vagues, trop eiastiques, sans matu- rite, et qui ne pouvaient qu'entraver sa marche libe- ratrice.

Le mouvement des nationalites n'en fit pas moins

explosion. Les gouvernants de la Peninsule comptent en vain

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sur les dissensions des Eiats entre eux et sur l'eter-

nel sommeil de cette Juliette qui, disait Bonaparte au commencement du siecle, ne peut encore suppor¬ ter le jour, Mais cette solfatare qui toajours

fume, bientdt jette des flammes. Le 22 mars, les Autrichiens k Milan ne tiennent

plus que dans une citadelle. LeFrioul s'insurge, Vi-

cence a reconquis sa liberte, la Dalmatie adhere k l'u-

nion italienne; les citoyens de Brescia ont chasse leur

garnison, l'archiduc est prisonnier k Verone.

Aux armes done, la jeunesse toscane s'ecrie Guer-

razi k Genes. Et la jeunesse toscane repond avec en'.housiasme k

son appel. Les Livournais courent aux frontieres, Padoue a brise le jong autrichien ; deux legions ro«

maines marchent au secours de Milan, et Garibaldi

debarque! Mort a 1'Autriche! Charles-Albert a compris le danger. Impuissant k

dorainer ce mouvement, il essaie de lui imprimer sa

propre direction. Le 26 mars, il franchit le Tessiri, se proclame le chef de l'independance italienne et

marche a la tete de la Revolution.

Une fois le Tessin franchi, Charles-Albert reste

pendant huit jours dans la plus complete inaction ; son armee, sans cesse grossie par les volontaires qui arrivent de toutes parts, brule d'en venir aux mains.

Entraine par ses soldats, il se decide k agir. A la pre¬ miere attaque, il refoule les Autrichiens j usque sous

les murs de Mantoue. Les debuts sont encourageants : au chef de l'inde-

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pendance itali^nne k en profiter! mais le voilk qui attend encon1, pourquoi? le sait-il?

Les Autrichiens, avec des forces superieures, revien- nent devant Peschiera : repousses de nouveau, ils perdent la bataille de Santa-Lucia.

Au lieu de poursuivre l'armee ennemie, Charles- Albert s'acharne devant Peschiera et traine Taction. Les Autrichiens recoivent des renforts ; bientot ils prennent position dans le cimetifcre de Colmasino et s'y retranchent. Ils en sont chassis.

Peschiera tombe au pouvoir de Charles-Albert. Ra- detzki est battu a Go'ito! Ce fut un beau jour, jour glorieux pour l'armee de l'independance, oil chaque soldat donna des gages de devouement k la palrie.

II eut fallu profiter de ces magnifiques elans, reje- ter l'ennemi aux frontiferes. Charles-Albert negligea les plus puissants moyens d'action; on eut dit qu'il tenait k laisser reposer les Autrichiens. Radetzki se replie sur Vicence; le roi de Piemont le laisse faire, n'envoie aucun secours. Toute la Venetie est alors reprise; Venise seule rdsiste encore et nomme Manin dictateur.

Radetzki devine les hesitations de Charles-Albert; il reprend l'oflensive le22 juillet; l'armee piemontaise le bat k Corrona et le rejette j usque sur Caprino.

Mais ces defaites successives ne decouragent pas le vieux general. Tandis que le roi de Piemont prepare mollement de nouveaux plans de campagne, Radetzki medite d'energiques projets d'attaque.

Garibaldi, apies une longue lutte dans Ie Tyrol, arrive k Milan.

Le voilk f Qu'on l'envoie pour commander ou pour

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obeir, le voilk pr6t k marcher k l'ennemi. Le comiie de salut public de Milan nomme Garibaldi general et l'autorisea marcher sur Brescia k la tele d'une division de volontaires.

Garibaldi, sort tie Milan avec trois cents soldats; mais, sur son passage, il entraine tous les cceurs qui vibrent aux mots de vengeance et de liberte.

— Viens! crie Garibaldi au laboureur, prends ta faux et laisse ta charrue.

Chaque fois que Garibaldi appelle aux amies, tous ceux qui ainient l'ltalie le suivent.

En quatre jours le nouveau general, k la t£te de trois mille hommes, parvient k Brescia.

Radetzki revienl attaquer Charles-Albert, pres de Volta : une lutte acharnee s'engage entre les deux ar- mees ; le combat dure quarante-huit heures; com¬ mence le 27 juillet, k deux heures du matin, il ne cesse que le 29, k dix heures du soir. Enfin, les trou¬

pes piemontaises, epuisees et inf6rieures en nombre aux

troupes autrichiennes, sont forcees de battre en re- traite.

Un profond decouragement s'empare des soldats de

l'independance. Charles-Albert demande un armis¬ tice... Radetzki accorde l'armistice k des conditions

inacceptables. Le roi de Piemont se retire sur Cie.-none; la chaleur

et la faim deciment son armee. Poursuivi par le gene¬ ral autrichien, il est force de s'abriter sous les murs de Mantoue. II prend position pres de la Porte-Ro- maine.

Les Autrichiens franchissent l'Adda; le 4 aout, ils sont aux portes de Milan.

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Les Milanais organisent la defense : tout le monde court aux armes; la ville est barricadee: on brule les maisons qui oachent la vue des remparts.

Peines inutiles : Charles-Albert, pendant ces prepa- ralifs, a demande une capitulation.

Les Milanais crient k la lrahison». Le roi s'ediappe a grand'peine de la ville et se retire en Piemont.

Garibaldi accourt k Milan ; mais les evenements ont marche plus vite que le general,

Radetzki est rentre dans la ville, Charles-Albert a demande une capitulation... Ce fut un coup terrible au cceur de l'ardent patriote.

— Morte l'ltal'e, morte l'ltalie! s'ecriail-il avec

rage, morte encore une fois, malheur malheur! L'in- justice triomphe! Ah! toules mes croyances se brisent en memetemps; justice 1... patrie! II songeaitavec

desespoir aux forces que Charles-Albert avait eues entre les mains.

—A sa place, j'eussevaincu murmurait Garibaldi, je le sens... et il sentait vrai.

Garibaldi aueanti se retire k Oseppo, s'y enferme et resiste vingt et un jours.

Le soir du vingtieme jour, Anita, la vaillante com-

pagne du general, parcourt seule les remparts. Gari¬ baldi blesse est r6duit a l'inaction.

Nul ue s'apercoit de l'absence du chef adore, puis- qu'elle est Ik.

Autour d'Anita des hommes s'agitent dans un tour- billon de fumee, des obus edatent k ses pieds. Elle en¬

courage les soldats qui, lasses, se retirent derrifere les •ouvrages de defense. Elle va franchissant les brfcches k Iraversles tron^ons mutites, et marche sans palir sur

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les membres brusquement sepals par les boulels et

qui fremissent convulsivement encore. Sa voix reste ferme et domine les ciis de douleur,

les rales dYjonie et les maledictions contre 1'Autriche. A fhorizon, des lignes sombres s'agitent en tous

sens, le soleil, voile par des nuages de poudre, edaire cette scene d'une lueur sinisire.

La nuit vint, l'ennemi rentra dans ses lignes, les

assies, sauf les senlinelles, allerent prendre quelque repos..

Des qu'elle eut organise la surveillance, Anita cou-

rut prfes de son mari. A l'entree d'Anila, Garibaldi sourit doucement: — Eh bien chere et vaillante femme! quoi de

rouveau? lui demanda-t-il; quoi de nouveau? — Un jour k ajouter aux jours de resistance. — Seulement? — Seulement. Et puis... je crois... — Tu crois... Parle! douterais-tu de mou courage,

Anita? — Oh! non jamais je n'ai doute de toi. Eu voici

la preuve, ecoute. .Demaiu nous serons forces de nous rend re.

— Nous rendre s'ecrie Garibaldi en bondissant. — Ou bien, ajoute froidement Anita, ou bien nous

devons nous faire eciaser dans une sortie. — A la bonne heure! mais pourquoi — Pourquoi... lesvivres manquent! — Les vivres manquent r6p6ta le general. Et prompt comrae la foudre, malgre les vives souf-

iranees que lui causent ses blessures, il se precipite hors de son lit et s'habille k la hale.

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Le general avait oublie la presence de sa femme. Lorsque Anita le vit pret k sortir, elle se precipita

au-devant de Tui et s'ecria d'une voix vibrante : — Giuseppe tu es grand! va! Je t'aime comme

tu merites dietre aime. Garibaldi attira sa compagne sur son coeur, puis,

lui prenant la tete, il la baisa longuement et s'eianca dehors.

Apr^s le depart du general, Anita sentit une larme 'au bord de ses cheveux et le secret de cette larme, elle le cacha avec amour au fond de son cceur.

Trois heures venaient de sonner a 1'eglise d'Oseppo, lorsque Anila, montee sur son petit cheval noir, arriva sur la place d'armes.

Le general aussi, k cheval, haranguait ses soldats. — Compagnons, leur disait-il, nous sommes sans

pain, nous ne pouvons nous manger. Sortons d'Osep- po, et sachons mourir comme doivent mourir les der- niers defenseurs de l'independance italienne. Vive l'ltalie 1

L'ltalie vivait encore au cceur de Garibaldi. — Vive 1'Italie repeierent cinq cents voix avec en-

thousiasme. La petile troupe s'ebranla. Garibaldi et ses hommes atteignirent bieutot un pout

qu'ii s'agissait de franchir et de faire sauter alors qu'on l'aurait fi'auchi, afin de couper la poursuite k l'ennemi.

Au moment ou la tele de colonne traversait le pont, une forte dediarge d'artillerie avertit le general que le passage eiait bien garde.

II fit rebrousser chemin k sa troupe, esperant gagner

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un gue voisin. En tournant, grace aux premieres lueurs du jour, Garibaldi apercjit un regiment de uhlans

qui fondait sur lui. II n'y avait nul moyen d'echapper. Derriere le premier regiment un second s'etait eiance, qui le rejoignit bientot.

— Allons! s'ecria Garibaldi, en avant! suivez- moi!

Tous, le sabre au poing, se ruerent sur l'ennemi au

galop de leurs chevaux, taillerent de droite et de gau¬ che, se frayerent un passage, et disparurent. Quand les Autrichiens firent volte-face, ils ne virent plus rien. Les derniers soldats de l'independance etaient sauves encore une fois.

Le 14 aout Garibaldi entre a Arona ; le 15, il atta-

que sur des canots deux bateaux k vapeur autrichiens, fait l'equipage prisonnier, et descend sur ces bateaux

jusqu'k Luino. A Vareze, a Olgiata, il rencontre les Autrichiens et

leur cause des pertcs considerables. Mais ne pouvant lutter avec quelques centaines

d'homm^s contre les armees autrichiennes reunies, il

passe en Suisse. Honneur k celui qui prefere l'exil k la domination

de l'etranger!

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LA REPUBLIQUE ROMAINE.

« Ce que j'ai predit adviendra. lit perdront leurs biens temporelb. »

Jean Hvss.

Lors de l'avenement de Pie IX au trone pontifical, Ie joug de l'Autriche pesait lourdement sur l'ltalie, les diplomates autrichiens gouvernaient pape, princes et dues.

Des ecrivains profitant de quelques.con cessions li¬ berates faitps par Pie IX, persuaderent un instant a l'ltalie que l'Eglise seule pouvait la sauver. On avait besoin de croire, et on crut k ce miracle.

Jusqu'en 1848 toul s'etait, de la part de Pie IX, k peu pifes borne k des promesses et k un vif espoir de •

reformes: en 1848, on songea k la realisation. Les Roraains ne demandaient pas mieux que de voir Pie IX rester au Vatican, donnant de Ik des bulles reli- gieuses urbi et orbi, et les laissant administrer leurs affaires temporelles k leur gre.

Le papene s'y preta point, Quand le peuple demande un ministere franchement liberal, Pie IX refuse.

Le 15 novembre 1848, le peuple, las enfin des ha- biles tromperies du gouvernement pontifical et des fausses promesses de son chef, se presente aux portes de la chancellerie et demande a etre admis aux seances des Chambres.

La'foule entraine ses deputes, se porte auQuirinal, .et reclame du pape : 1° la reconnaissance de la nationa-

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lite italienne; 2° la formation immediate d'une Assem¬ ble constituante; 3° le changement du ministfere.

Pie IX resiste d'abord, fait fermer les portes de son palais, tirer sur le peuple; mais il cede bientot aux menaces de la foule arm^e.

Le 17, des envoyes d'un cercle populaire presentent au pape une liste ministeriell'e. Le Saint-Pfere accepte quelques-uns des noms d^signds par le peuple. Les jours suivanls il parait satisfait de la nouvelle combi- naison de son cabinet. Puis tout-k-coup, le 26, on ap- prend que Pie IX a quitte Rome nuitamment, et pres- que aussitot qu'il s'est reTugie k Gaete, se placant ainsi sous la protection du roi de Naples.—Grand emoi dans la \ille des papes! Avant de prononcer la decheance de leur chef temporel, les Romains epuisent vis-k-vis de lui tous les nioyens de conciliation. Sur son refus de rentrerdans Rome, une Commission de trois membres est chargee de proceder k la formation d'une Assemble constituante.

Pie IX n'avait pas voulu prendre part k la guerre contre l'Auiriche, pretextant que les Autrichiens etaient aussi ses enfants.

II interceda a Vienne pour les Lombards. Mais la paix avant tout: il ne s'agissait, en effet, que de l'in- dependance italienne. Quelques mois s'ecoulent, et il appelle les armees de toutes les puissauces catholiques : ii s'agissait du domaine temporel de 1'Eglise.

Garibaldi, aprfes un court sejour en Suisse, etait ve- nu, envoye par l'opposition, sieger k la Chambre des deputes piemontais. Toujours audacieux, et n'ayant plus alors d'autre arme que la parole, bien souvent il en frappa les generaux et le roi lui-meme.

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Charles-Albert, pousse par les liberaux piemontais,. recommence tout k coup, sans appel aux populations de l'ltalie, les hostilites contre l'Autriehe.

Garibaldi refuse 'de s'associer k cette nouvelle expe- dilion, proteste energiquement contre le parti auquel il doit son election, et s'eioigne de Turin avec sa femme et ses enfants.

La Sicile t'tait retombee au pouvoir du bombardeur. Genes redemandait son due. Venise r6sistait encore. Pie IX venait de quitter Rome.

Garibaldi se dirige vers cette ville oil se concentrait alors le foyer de la Revolution. II y arriva avec deux mille volontaircs et y fut accueilli avec enthousiasme.

Le recii de ses lultes hardies, sa male figure, son ceil ardent, la presence de sa femme et de ses enfants,

jusqu'k son pittoresque costume, tout transporte, emeut

lafoule; k son aspect, Rome se croit sauv<5e. Le chef de partisans devient membre de 1'Assembiee

constituante. Dans la seance du 6 fdvrier 1849, Garibaldi engage

ses collegues hesitants k proclamer la Republique. Le 23 mars, Charles-Albert est comptetement battu

k Novare par les Autrichiens; ilabdique, le meme jour, en faveur de son fils, Victor-Emmanuel.

Les Autrichiens marchent sur Rome. Les Espagnols et les Napolitains arrivent au secours de Pie IX,

Le 24 avril 1849, les Francais debarquent k Civita¬

vecchia k la grande joie des Romains, qui voient em eux des allies.

Mais, bientot, une letfre de Ricciardi, ecrite de

Paris, edairel'Assembiee constituante sur les v6ritables

projets du gouvernement francos.

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— Citoyens, s'eerie Sterbini, iaisserez-vous des

Strangers vous imposer le gouvernemsnt papal? — Vive la Republique tel fui le cri unauime de

l'Assembiee. Garibaldi court aux remparts. Nomine" general de la

legion lombardo-romaine, il organise la defease.

Lorsque, le 30 avril, les Francais prennent position sous les murs de Rome; ils y sont vigoureusement

attaques. A la suite de cette affaire, des negotiations font en-

tamees entre le gouvernement francais et le Triumvirat.

Pendant uu armistice, Garibaldi soit 'le Rome a la tete

de huit mille hommes et marche k la rencen're du roi

de Naples; il l'atteint a Valmontone, le combat k Pa-

lestrina ct le pousse dans Velletri. Le lendemain, sans un canon, ll s'empare de Velle¬

tri et pouisuit Ferdinand 11 jusqu'a Bocca d'Acre.

Rappeie par la Republique inquiele des mouvements

qu'opdraient les troupes franc ises sur la droite du Ti-

bre, Garibaldi renonce a s'emparer de la personne du

roi de Naples, projet qui, a Velletri, avait ete bien pres d'etre mis a execution.

Le general des troupes lombardo-romaines rentre k

Rome et y recoil une veritable ovation. Dans les premiers jours de juin, le general Oudinot

commence l'attaque de la ville. Les operations du siege s'etendaient de Ponte-Malo k

la Villa-Pamphili. Garibaldi 4lablit son quanier gene¬ ral au Vascello, pres la porte Saint-Pancrace. Surtout

el toujours chef de partisans, k la te,e d'hommes com-

pietement domines par son caractere audacieux, il exe¬ cute les manoeuvres les plus hardies.

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Un jour, ii tente d'enclouer les canons qui roena- cent le Transtevere. Surpris par deux regiments de ligne, il s'echappe k giand peine et rentre le dernier dans la place.

Une nuit, il sort de Rome avec deux cents legion¬ naires, attaque en flanc l'armee franchise et lui cause des pertes sensibles.

Le soir de la fete de Saint-Pierre, les Frangais com- mencaient 1'attaque de la porte Saint-Pancrace, si he~ roiquement defendue par Garibaldi. La nuit vint et obljgea les combaltants a cesser leur feu et k rentrer dans leurs lignes ; mais bientot la coupole de -la basi- lique, brillamment illuminee, suivant 1'habitude, en I'honneur du patron de lavieillecite catholique, repan- dit sur la ville des flots de lumiere. Assiegeants et assieges recommencerent alors le combat avec un nou- vel acharnement.

Les gardes rouges de Garibaldi prirent, ce soir-lk, des proportions fantastiques.

Un nouveau trait d'hero'isme signala ce combat noc¬ turne : un de ces gardes est tue au service d'une piece, un second le remplace et a le meme sort; cinq autres viennent ainsi, l'un apres l'autre, se devouer pour continuer le feu et, successivement, tombent au cri de; Vive I'ltalie!

C'etait un chasseur de Vincennes qui les avait tous abattus.

Un hnitieme ne se presente pas, Garibaldi regarde autour de lui et, ne voyant personne s'avancer, il s'ap- proche dela piece, y met le feu. Le chasseur de Vin¬ cennes, k son tour, est coupe en deux par un boulet.

Plutot qu'abandonner un posteconfiek leur honneur,.

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les volontaires de Garibaldi se laissent ecraser sous les decombres de Casino-Quattroventi.

Malgre les efforts inou'is de la defense, le siege de Rome tonchait k sa fin.

Le 4 juillet, les Francais etaient maitres de toutes les positions,

Garibaldi est appeie a la Constituante. — Pouvons-nous r6sister encore lui demande-t-on

de toutes parts. — Nous le pouvons, repond laconiquement le

general. — Que faut-il faire? — 11 faut k l'instant evacuer le Transtevere, couper

les pontsdu Tibre et... Et combien de temps tiendrons-nous? hasarde un

'desmembres de l'Assembiee. — Quatre ou cinq jours. Aprfes quoi, pour ne pas

nous rendre, nous nous faisons sauter. La Constituante gouta peu la conclusion. Le lendemain, 5 juillet, les Francois entraient dans

Rome. Garibaldi en sortit le m6me jour. Son courage et son habilete avaient trouve des admi-

rateurs dans l'armee franchise elle-meme. Le general Vaillant, dans son rapport sur le siege de Rome, se

plait k rendre hommage k la surete de ses vues, k son

indomptable energie et k ses talents militaires. « II etait partout, dit le general, et de ses volontaires

il avait fait de vieux soldats. » Anita, comme k Oseppo, avait, pendant le siege de

Rome, parcouru les remparts. Garibaldi, dont les troupes etaient divisees en legions

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et en cohortes, avait donne k sa femme le commande- mynt d'.unecenturie.

Lejour de la prise de Rome elle rassembla, sous le feu de l'ennemi, sa petite troupe et opera sa retraite en bon ordre.

Garibaldi quitta Rome; mais avant de se mettre en marche, il avait adresse k ses legionnaires la procla¬ mation suivante :

« Soldats, » Voici ce qui vous attend : la chaleur et la soif pendant

le jour, la faim pendant la nuit, point de solde, point de repos, point d'abri; mais, en revanche, une inisere extreme, des alertes et des marches continuelles, des combats a cha¬ que pas. Que ceux qui aiment L'ltalie me suiveat i »

Les soldats k qui s'adressaient ces nobles paroles, etaient dignes de les comprendre. Braves et devours jusqu'k la mort k la cause de l'independance, ils sui- virent Garibaldi.

C'est en en appelant ainsi aux tendances eievees de la nature humaine qu'il savait entrainer les coeurs.

Une seule ville n'etait pas retombee encore sous.te jougde l'etranger: c'etait Venise. Garibaldi forme le projet d'aller s'y jeter, et de tomber, s'il arrive k les atteindre, sur les derniers remparts de la Libt rte!

II marche sur Lodi k la tete de 5,000 hommes. Atteint par le general Guesviller, que le general Oudi- not envoie a sa poursuite, il soutient con tie les troupes franchises une lutte acharnee et leurechappe Mais, pres deFuligno, une division d'Autrichienstentede s'emparer de lui; il la culbute et continue sa route.

Les volontaires, epuises par toutes sortes de priva¬ tions, ne se reposentdun combat que dansun autre com-

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bat. En vain le chef ddploie les plus serieuses connais-

sances strategiques, la legion s'affaiblit de jour en jour, sans espoir d'etre renforcee.

Partout on accueille les derniers soldats de l'indS-

pendanceavec sympathie, mais leur voix reste sans

echo. La defaillance a remplace l'ardeur des premiers

jours. La proclamation de Garibaldi au parti liberal,- *k

Montepulciano, ne provoqua j'ucun elan patriotique. Des avertissements secrets engagent Garibaldi k se

rendre en Toscane, oil les populations, lui assure-t-on, sont prfites a ?e soulever au premier signal. II part et

se reunit en chemin au colonel anglais Forbes, qui commandait une petite troupe de partisans.

Mais, en Toscane, il ne rencontre, Ik encore, que

pitieetdevouement,nuldesirdesecoitertejougautrichien. Decourage, Garibaldi se remet en marche et arrive

aux frontteresde la republique de Saint-Marin. II en fait demander l'entree par le pere Ugo Bassi,

son aumonier ; par crainte de l'Autriche, les San-Ma- rinois la lui refusent.

L'energique patriote, le chef indomptable, est acca- bie ; tout l'engage k en finir avec une guerre devenue

impossible. L'armee manque de vivre.i, il ne reste aux

soldatsdel'independance qu'une derniere ressource ppur echapper k la mort... le vol k main armee.

Garibaldi proteste jusqu'au dernier jour contre ce

moyen qui r£pugne a sa loyale nature. II fait fusilier ceux de ses hommes qui apportent des vivres arracbis

par la force aux paysans. Anita, la fiere amazone, se courbait languissamment

sur le cou da son cheval; grosse de six mois, epuisee

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par les dernieres privations, elle souffrait en silence. Mais Garibaldi a devine les tortures de sa femme; d'ailleurs il suit... qu'elle a faim, car lui aussi... il a faim. lis n'ont pas mange depuis deux jours.

Attaque par les Autrichiens, les soldats de Garibaldi se jetlent dans les montagnes de Cirp;<gna; poursuivis, ils se refugient sans ordre sur le territoire san-mari- nois.

Garibaldi les arrete et leur dit : « Compagnons, nous voiik en pays libre et sur, sachons meriter par notre irreprochable conduite le respect ec la sympathie qu'on doit au malheur persecute. >

Apres cette allocution, Garibaldi et sa troupe pene¬ trant dans la capitate de la rdpublique. II parlemente avec les autorites et dejeune k l'hotel de ville.

La tegion etait forte encore d'environ i ,500 hommes; Garibaldi, k la demande des autorites qui craignaient la vengeance des Autrichiens, prend la resolution de licencier sa troupe, il fait demander au general enne- mi des saufs-rondnits pour ceux de ses soldats qui de- poseraicnt les armes; les saufs-conduits lui sont ac- cordes k la condition : 1° qu'il passera immediatement en Amerique avec sa femme et son etat-major; 2° que les soldats devront attendre les saufs-conduits du gene¬ ral-commandant de Bologne.

Garibaldi, ne pouvant accepter ces conditions et ne voulant pas, d'autre part, compromettre la tranquillity de la petite republique qui lui avait donne asile, s'e- chappe pendant la uuit, avec cent cinquante hommes seulement.

Des le lendemain, il evite la poursuite de l'ennemi,

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en atteignant les bois qui bordent la route de Rimini k Ravcnne.

Le gouverneur de Bologne met sa tete k prix et lance contre lui la proclamation suivante :

« Celui qui donnera du pain, du feu ou de l'eau a Gari¬ baldi ou a sa suite, sera soumis a la loi martiale. »

Le general Gorzowski n'oublia meme pas la vail- lante Anita.

Lorsque les legionnaires restes k Saint-Marin appri- rent le depart de leur general, ils pousserent des cris

affreux; quelques-uns se mirent k courir en tous sens

pour le rejoindre; d'aulres que la mort n'avait jamais fait palir, perdirentconnaissance; quelques-uns sedon- nerent la mort. L'archiduc Ernest, qui se trouvait pres de la capitate, fit desarmer les malheureux deiaisses. Ce fut un spectacle emouvant pour les soldats autri¬ chiens eux-mfimes : les garibaldiens embrassaient avant de les rendre, leurs vieilles armes k moitie bri- sees.

Avant de se separer, pour etre emmenes sur divers

points, ils se promirent de se retrouver un jour, pour le meme but, sous le commandement de leur chef adore.

Maislaplupart devaient expiercherement leur devou- ment k la cause de la liberie : huit cents furent enfer- mes k Mantoue, dans d'humides cachots, et n'en sor- tirent que pour etre incorpores dans des regiments autriehiens. Ceux qui ne voulurent pas transiger avec lennemi furent massacres k Macerata-Peltria.

Suivons Garibaldi dans sa fuite. A mesure que le danger grandit, Garibaldi s'eteve

en ardeur et en fermete.

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Sans nourriture, sans asile, il parvient, avec ses compagnoHs, k gagnerJa mer; avec eux, il se jette dans treize barques de pedieurs et fait voile pour Ve- nise. Peut-etre la trouvera-t-il un abri pour lui et les siens. Mais, tout k coup, l'ceil exerce de Garibaldi decouvre un vaisseau k l'horizon et bientot il distingue le pavilion autrichien.

— Mes amis, s'ecrie t-il, nous sommes perdus! Etse jetant au gouvernail, il lance la barque jus-

qu'k la plage de Mesola. Quatre barques seulement le suivent; les sept autres, dans lesquclles se trouvent Ugo Bassi, Ciceruacchio et ses fils, les trois Bru- netti, tombent au pouvoir de l'ennemi, qui fait indis- tinctement fusilier les hero'iques et lualneureux compa¬ gnons de Garibaldi.

Une fois debarques, ceux qui s'etaient echappes avec Garibaldi se separent et se disseminent sur tous les points. Lui, accompagne d'un officier et de sa femme, se dirige sur Ravenne.

Le voilk presque seul, errant, proscrit. Oil sont ses vaillants soldats Morts la plupart! Tant de luttes, tant de devouements, tant d'energie, tant d'hero'iques sacrifices, n'ont done servi qu'k alourdir encore le joug de l'etranger, a river plus solidement la chaine de I'ltalie.

Pour comble de malheur, Garibaldi voit avec effroi sa chere Anita s'affaiblir dc plus en plus. Un matin qu'ils sortaient pour reprendre leur triste route, d'une cabane oil ils avaient passe la nuit, Anita chancela tout a coup.

— Anita murmura Garibaldi en la prenant dans

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ses bras, c'est la premiere fois que je- te vois si pale et si faible.

Et il la porta jusqu'k une chaumiere voisine; mais

k peine arrive, on vint les avertir qu'un parti d'Autri¬

chiens s'est mis a leur poursuite. Au risque de sa vie, un paysan attelle sa carriole et conduit les refugies jus-

qu'aux portes db Ravenne. Ils demandent asile au mar¬

quis Guiccioli qui leur donne l'hospitalite dans un

chalet, k quelque distance de la ville. Lasante d'Anita s'affaiblissait plus que jamais. ^Un.

jour, au milieu d'un diner, elle se renversa sur son

siege et tomba. Garibaldi se prdcipita vers elle, la

prit et l'emporta au jardin. Le marquis Guiccioli et le

dernier compagnon de Garibaldi l'y suivent. La ils sont

temoins d'uue scene dechirante. Anita etait morle

Garibaldi courait eperdu dans te jardiu, la pressant sur son cceur, ne s'arrStant que pour l'appeler :

— Oh! reponds-moi, s'ecriait-il, reponds*moi! Si

tu tardes encore, a mon tour je ne le repondrai plus... Je souffre tantl... Ne meurs pas, Anita, ne meurs

pas... Ceserait trop... Pendant deux jours, on ne put lui reprendre ce corps

tant aime. Sa raison semblait egaree, il s'obstiuait k

nier son malheur. Quand parfois ii reprenait conscience de lui-meme,

si te marquis Guiccioli essayait de lui rappeler sa

patrie : — Taisez-vous, lui disait-il, ou pleurez avec moi.

Enfin, il fallut rendre k la terre les restes chins

d'Anita. Garibaldi embrassa sa femme une dernierefois

et tomba sans connaissance k cote de la fosse. On crut cetle puissante nature foudroyee par la dou-

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leur On le releva, et k force de soins on le rappela k la vie.

« Douce mere de mes fils! — a-t-il dit depuis, et quel plus bel eloge pourrait-on en faire — je la con- nus, celle-lk, non pas dans la victoire, mais dans 1'adversite et le naufrage; et — bien plus que ma jeunesse, mon visage et mon merite, — mes malheurs l'enchahterent k moi pour la vie Anita, chere Anita! >

II quitta Ravenne au bout de quelques jours. Les hommes de toutes les classes, malgre les menaces de <lorzowski, preterent assistance au valeureux proscrit, et parvinrent k te soustraire aux recherches et k la cruaute de ses ennemis.

II atteignit les Etats-Sardes et alia rejoindre k Tu¬ rin, vers la fin du mois d'aout, ses enfants qu'il y avait renvoyes pendant la campagne de Rome.

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NOUVEL EXIL.

Un immense decouragement s'etait em pari de 1'Ita- lie; elje venait d'eprouver cruellement son impuissance k secouer le joug autrichien.

Garibaldi comprit cet abattement. Sans perdre encore 1'espoir d'une resurrection de l'ltalie, il s'en eioigna, et sa derniere parole ne fut pas adieu, mais au re-, voir!

II s'embarqua de nouveau pour l'Airierique. Une poignante douleur lui dediirait l'ame. Durant

ies longues heures de latraversee, nulle main cherie ne

pressait la sienne, nul doux regard ne reftetait son re¬ gard, nulle voix aimee ne murmurait k son oreille : « Nous serons deux pour souffrir et pour attendre »

Garibaldi, arrive en Amerique sans moyens d'exis- tence, dut en demander k l'industrie. Les Americains avaient pour l'energipje patriote une estime profonde et une serieuse sympathie. Ils essayerent de lui faciliter des operations industrielles en mettant a sa disposition l'argent qu'il pouvait d6sirer; mais il refusa constam- ment ces offres genereuses, ne vonlant devoir qu'k lui- m6me le bien-etre qu'il pourrait acquerir. Sachint que le travail ennoblit au moins autant que l'epee, il se fait fabricant de chandeltes.

Bientot cet immobilisme lui pese; plus que jamais il a besoin d'agitation... Toujours dans sa pensee passent et repassent deux images adorers : celle d'Anita morte et celle de la patrie enchainee.

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~1

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Pour echapper k ces douloureux souvenirs qui l'ob- sedaient, il s'embarqua pour San-Francisco, et bientot de Ik pour la Chine. En 1852, il revint en Amerique et accepta le commandement en chef de l'armee peru- vienne. Dans ce poste eieve, il trouva de nouvelles oc¬ casions de se distinguer.

La paix etant faite, Garibaldi, reduit k l'inaction, accepta lecommandement d'un navire marchand, et revint k Genes, ou pendant quelque temps, il se livra au commerce maritime ; puis il se retira pres de Nice, avec ses enfants, dans la petite ile de Caprera ou il fit de l'agriculture en grand. Comme k Montevideo, il lira un parti avantageux des terrains de l'ile, qu'il sut de~ fricher et feconder.

De temps en temps, il allait k Genes ou a Nice sur un petit cutter qu'il avait k sa disposition comme

moyen de transport pour ses materiaux et ses produits agricoles.

Dans ces visites au continent, il s'enquerait avec soin de l'etat des esprits.

C'est ainsi que, durant cinq ans, il vecut avec sim-

plicite, entoure de sympathie, constatant chaque jour, avec une noble joie, quel'Italie, au lieu d'accepter pour ses droits la -prescription du temps, k mesure que les annees s'ecoulaient, souffrait plus impatiemment de la servitude et aspir&it plus vivement k s'en ctelivrer.

Empruntons a Alphonse Kan [les Gucpes, mai

4859) un dernier trait qui peint bien la simplicite des mceurs de ce vaillant soldat:

« La premiere fois que je l'ai vu, dit cet ecrivain, et que j'ai eu l'honneur de lui serrer la main, c'etait k

un banquet d'ouvriers k propos d'un bapteme. J'etais

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assis k cote de lui. — II fut calme, reserve et simple. Cette simplicity se montrait dans toutes ses habitudes; je le rencontrai ensuite de temps en temps au bord de la mer, dans le quartier retire du Lazaret. Le diman- che, il jouaitaux boules avec les marins. >

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LA GUERRE DE L'INDEPENDANCE.

Ii:.r*

Si tous lespeuples de la Feninsule vicn- neut a etabliret a faire reconnailre leur pleine independance, le despotisme est vaincu sur tous les champs de bataille, ct iln'ya plus dc guerres en Europe.

Timon.

La societe se putrefie, disaient d'aucuns, et ils pas- saient avec degout.

Beaucoup lui jetaient leur part d'ordure. Quelques-unsapplaudissaient k ees derniers, esperant

que de cette decomposition qu'ils activaient, sortirait peut-etre une vegetation nouvelle. D'autres desesperes cherchaient eiuvain autour d'eux la trace de cette grande loi de perfectibility que la saine comprehension de 1'his- toire leur avait appris a constater dans le passe.

Une nature confiante dans les progres de l'humanke surgissait-elle? Les ironies des indifferents la decoura- geaient, les rires insultants des sceptiquescouvraient sa voix impuissante k parvenir aux faibles et k consoler les affliges.

Pres de cette socieie, les empiriques seuls avaient quelque chance de reussite. — Aussi les voyait-ou surgir en foule et debiter leurs drogues avec succes.

Parfois cependant quelques brusques soubresauts venaient dementir ceux qui affirmaient que la vieille societe europeenne n'avaient plus d'etements vitaux.

De pauvres medecins, gens de bonne foi, proposaient

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d'operer la malade de leurs mains inhabiles et trem- blantes.

Le chaud soleil d'ltalie pouvait seul la ranimer, cette pulmonique societe, et l'arracher au marasme qui lui rongeait le ccetir.

Elle l'a senti; aussi est-ce avec ardeur qu'elle em- brasse la question d'ltalie.

Elle vivra! du soleil! du soleil!

On sait comment eclata cette question italienne qui, couvantdepuis si longtemps, n'attendait qu'une occa¬ sion pour se produire encore, et definitivement cette fois, et victorieusement enfin, esperons-le, sur la scene politique ; on sait comment l'agression de rAulriche contre le Piemont, sentinelle avancee de l'ltalie, pro- voqua l'intervention de la France, et avec quelle rapi- dite les aigles franchises, sous l'impulsion \igoureuse de Napoteon III, s'abaltirent dans les plaines de la Haute-ltalie

Le mouvement national italien, comprime" depuis 1849, reprit son cours, mais cette fois organise, con- tenu, ayant un centre intelligent et fort dans la royaute piemontaise representee aujourd'liui par un homme aussi loyal qu'ardent et courageux, re galantuomo, comme dit la qualification populaire.

Nous avons personnifie l'ltalie en Garibaldi; parler maintenant de ses succes, de son hero'ique courage, de •son impatience k briser te joug de Petranger, de sou

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ardente soif d'independance, c'est parler de la nation tout entiere.

Comprenant qu'il valait mieux, au lieu d'agir indi- viduellement, resSerrer et concentier les moyens d'ac- tion, unifier les efforts, Garibaldi est alte au premier signal de la resurrection de sa patrie, mettre son 6pee au service du Piemont, a qui echeait la mission de re- presenter le droit de l'ltalie.

Viclor-Emmanuel, plus capable que son pere d'ap- pretier la valtur reelle de ce chef de partisans (1), se

rappelant ausM peut-etre ces paroles du general autri- chien d'Aspre k un haut personnage piemontais : « L'hoiume qui aurait pu vous e're le plus utile dans votie guerre d independance, vousl'avez ineconnu, c'est Garibaldi, » l'a nomme general dans son armee et au- torise a former une division de volontaires.

Complant trop peut-etre sur l'habilete de Garibaldi k se creer des ressources, il l'a laisse a lui-meme, ne lui a fourni ni equipements, ni armes.

— Vous n'avez pas de canon, disait un general k Garibaldi; comment attaquerez-vous les Autrichiens

— N'en ont-ils pas? repondit le cetebre condottiere, je leur en prendrai.

Garibaldi ne §'es,t jamais.plaint, quoi qu'on. ait dit, .y.uvqcq {'oiJi!0il;l.^«i' t! ^b •-

(1) Charles-Albert, apres le succes de Goito, avait refuse les ervicesde Garibaldi. " - ' ''

< • 'Gqrai c"

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de l'indifference du gouvernement piemontais k son

egard; ill'a provoqueememejusqu'aun certain point;

quoique faisant partie de l'armee piemontaise, il n'a

voulu etre soumis a aucune direction superieure, ni re-

cevoir d'ordres du general en chef; c'est ce qui consti-

tue sa force ; il peut toujours etre l'homme du moment

•et provoquerles manoeuvres que reclame la situation. Le roi de Sardaigne a bien compris cette singuliere

et independante nature de soldat et d'apotre k la fois, et lui a donne la mission qui lui convenait le mieux,- celle d'aller selon les inspirations cte sa foi patriotique, et de son habilete de partisan, maniant tour k tour le

glaive de la parole inspire et le glaive des batailles. « Charge de soulever les populations contre l'Autri-

che, et d'annoncer la" bonne nouvelle tout en harcelant

l'ennemi, il remplit un role comptetement neuf dans l'histoire, II fait dela revolution au profit dela royaute, et il la fait sciemmeut, resolument, loyalement, sans £tre dupe, ni trompeur. » (George Sand).

En effet, de qui serait-il dupe? du roi Victor, qui est la loyaute meme, du roi unique et parfait (unico e

perfetto), comme l'appeltera bientot Garibaldi, tandis

que lui-meme dira de ce dernier : « Si je n'etais roi,

je serais un volontaire de Garibaldi! »

Quant k tromper, cela n'est pas davantage dans la

nature de Garibaldi; sa jeunesse etson age mur se sont, il est vrai, inspires du radicalismemazziuien, de la doc¬

trine de I'unite rSpublicaine; il a combattu vaillam-

ment pour cetle banniere en 1848 et 1849 comme

auparavant; et ce n'est pas de la democratique Ame-

rique qu'il pouvait rappoiter des tendances contraires a

ce priucipe.

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Mais en Italie, a cote de Mazzini, il y eut Manin, in¬ telligence plus pratique, qui exerea sur l'esprit revolu- tionnaire de son pays une heureuse influence, en en temperant les impatiences et les exagerations ; te grand et pauvre Manin, mort deux ans trop tot, en exil, a Paris, presque dans la misere, deux ans avant le triomphe, bientoi definitif, et auquel concourt son jeune et vaillant fils, de l'idee feconde a laquelle il avait voue" sa vie, c'est-k-dire \'unite italienne par etavec la royaute pUmontaise.

Manin a\ ait compris qu'il en est du monde moral comme du monde physique, que les idees, comme les plantes, pour porter leurs fruits, veulent etre prudem- mentmenagees et muries, et en prenant consideration des milieux ou elles se developpent; que rien dans l'humanite ne se fait par saccades; que tout, au con- traire, s'y fait par transitions successives.

Garibaldi aussi a compris cela et ne pouvait pas ne pas le comprendre avec son esprit net, son sens droit, avec cette longue pratique qu'il a des hommes et des choses, des lieux, des evenements et des epreuves de toute nature.

D'ailleurs, ne voyait-il pas cette grande force mo- derne qu'on appelle la revolution, avec le suffrage universel, qui en est la source intarissable, rechercher et affecter actuellement dans les parties de l'Europe oil elle se deploie, la forme monarchique

C'est done consciencieusement, avec intelligence, et en toute sincerite, que Garibaldi vouait son 6pe"e et sa vie au service de la cause italienne embrassee par deux monarques les plus intelligents de l'Europe.

L'avenir allait bientot lui donner raison k tous lesr

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points de vue, et lui faire recueillir, ainsi qu'k sa pa¬ trie, les fruits de cette sage conduite.

Mais n'anticipons pas sur les e\enements et voyons k l'ceuvre, par quelques traits, l'armee garibaldienm et son chef heroique.

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LES GARIBALDIENS.

Comme chef de paitisans, c'est bien l'homme qu'il faut, unissant une grande g^n^rosite, une immense bonte a l'esprit d'ordre et de discipline, une equite sou- veraine a une fermete inflexible.

II exige de ses soldats une aveugle soumission; il les forme lui-meme et arrive bientot avec des hommes inexperimentes k une precision incroyable.

M. de Cavour ayant appris qu'il faisait fusilier sans jugement les volontaires recalcitrants, essaya de lui prouver que la chose etait iltegale.

— Si vous ne pouvez, repondit Garibaldi au minis- tre, me laisser toute liberie d'agir comme je l'entends, je serai force de donner ma demission de general et de combaltre k mon corps defendant.

Toute observation cessa. Si, avec cette disciplinerigoureuse, Garibaldi a pro-

voque jusque dans les classes les plus elevees tant et de si soudains devouements, tant d'aveugle obeissance, c'est que les Italiens tous indistinctement ont sentique le grand patriote comprenait et representait puissam- ment leurs besoins, leurs droits et leurs devoirs, et que pour faire triompher les premiers, accomplir les der- niers, il saurait mieux que qui ce fut, mettre en jeu toutes leurs activites les plus nobles.

Du reste il eut bien rarement occasion d'etre severe; chacun, peineitre de ses qualites, s'empressant d'obeir a son premier ordre.

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Garibaldi, sur 30,000 volontaires accourus a sa

voix, en a choisi 10,000, parmi lesquels se trouve son fils aine.

II divise chaque compagnie de ses volonjaires en es- couades et k chacune de ses escouades il apprend des exercices differents. Une fois en campagne, il attaque l'ennemi de mille manieres, le harcele, l'impatiente et le deconcerte. Chaque soldat porte un sifflet k la bou-

cbe, et toute l'armee correspond au moyen de certains sons. Garibaldi commande lui-meme avec un sifflet, transmet instantanement les ordres les plus contradic-

toires, et provoque par ce rnoyen des mouvements pour ainsi dire spontanes.

La roaniere de nos zouaves et de nos turcos peut seule donner une idee de celle dont les volontaires de Garibaldi combaltent. Comme eux, ils grimpent sur les

arbres, rampent k terre, franchissent d'un 61an les

clotures, s'eiancent par bonds sur l'ennemi et traver- sentles rivieres sansmouiller ni poudre ni armes.

Garibaldi punit avec une inflexible se\'6rit6 la moii»7 dre infraction k la discipline qu'il a etablie, -et k >la»

quelle, lui-meme, il se soumet. Au debut de la cainpagne, avant de se mettre eq

marche, il adressa k ses soldats la proclamation sui- vante :

Mes enfants, vous etes un contre cinq; devant vous la mort, dernere vous, les fusils de vos camarades, qui tue- ront comme un chien le premier qui recule. Nous n'avons pas de canons, il faudra en prendre. Que nous soyons tu6s, quimporte! II faut que l'ltalie soit librcl Voilk noire seule recompense.

Garibaldi est arrive k Romagno le 23 mai, k la tete

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de cinq mille hommes, sans compter les chasseurs des Apennins.

II s'est porte sur Arena et de Ik sur Laveno, avec 1'intention d'insurger tout le district de Come.

Le 24, il passu le Tessin et se dirigea sur Sesto- Calende.

En mettant le pied sur le territoire des Lombards, il leur adressa cette proclamation :

Lombards 1 Vous etes appeles a une nouvelle vie et vous devez re-

pondre a l'appel, comma le firent -sos peres a Ponsida et a Legnano. L'ennemi est encore le meme: atroce, assassin, impitoyable et pillard. Vos freres de toutes les provinces ont jure de vaincre ou de mourir avec nous. C'est a nous de venger les outrages, les insultcs, la servitude dp vingt gene¬ rations passees: c'est a nous de laisser a nos fils un patri- moine pur de la souillure de la domination des soldats Grangers.

Victor-Emmanuel, que la volonte nationale a choisi pour notre chef supreme, m'envoie au milieu de vous pour vous organiser dans les balailles patriotiques. Je suis touche de la sainte mi-sio" qui m'estconfiee et fier de vous comman¬ der. Aux armes done Le servage doit cesser. Qui peut sai- sir une arme et ne la saisit pas est untraitre. L'ltalie, acvea ses eniants unis et affranchis de la domination etrangere, saura reconqueVir le rang que la Providence lui a assigne parmi les nations.

Les Lombards repondent avec enthousiasme k cet appel. A l'approche de Garibaldi, le tocsin sonne dans les villages, les jeunc gens ccurent aux armes, une vie nouvelle circule dans les veines des vieillards, les en- fants epellent les mots d'independance et de liberte, les femmes apportent aux volontaires toutes les provisions soustraites k la rapacite des Autrichiens.

Grand et beau spectacle!

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Lcs populations enfievrees coupent les tetegraphes eiectriques, brisent les lignes de chemins de fer qui relient les villes occupees par les Autrichiens.

A Lugano et a Bellinzoua, Garibaldi bat les Autri¬ chiens et leur prend trois canons.

Vareze est en pleine insurrection; tout le paysenvi- ronnant a arbore le drapeau tricolore ; les habitants de Vareze attendent Garibaldi avec impatience. Lorsque la municipalite apprend son approche, elle se met en me- st\re de feter l'arrivee de ses liberateurs et adresse k ses

concitoyens la proclamation suivante :

Les emblemes de l'oppression etrangere sont tombed au milieu de nous, puisque va reparaitre le saint drapeau tri¬ colore, drapeau d'ordre, de Concorde et de liberie. B6nis soient ceux qui nous le rendent!

Femmes, enfants, vieillards, tous se precipitent a la rencontre des soldats de l'independance. A l'entree de Garibaldi dans Vareze, les cloches sonnent leurs plus gais carillons : ce sont des cris de joie, une animation sans pareille.

— Vive Garibaldi s'ecrient des milliers de voix. — Vive l'ltalie repond le general avec une pro-

fonde emotion.

Mais le general Urban, apprenant la presence de Garibaldi k Vareze, marche sur lui k la tete de dix mille hommes. Garibaldi sort de la ville, defait l'enne- mi k Malnate et le poursuit k trois milles de l'endroit oil s'est livre le combat.

Les Autrichiens que le nom seul de Garibaldi frappe de stupeur, prennent la fuite, oubliant dans leur preci-

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pitatiou un drapeau, des sacs de soldats, des equipages d'officier, et jusqu'k la caisse du regiment.

A Chassio, il a mille obstacles k vaincre. Pour re- trouver les Autrichiens, il est force de s'engager dans une gorge profonde. Avec la connaissance parfaite qu'il a de la montagne, il pourrait tourner les Autrichiens, les prendre k revers et les ecraser; mais il veut respec¬ ter la neutralite du territoire suisse, il prend un etroit sentier, de l'autre cote duquel s'etend le lac de Come.

Sachant la terreur superstitieuse qu'il inspire aiix Autrichiens, il se place a la tete de sa colonne, fond sur eux, force le defile et les poursuit jusqu'k Borgho-Vico; Ik, l'ennemi resiste encore, Garibaldi le deTait de nou- veau, le met enfuite, traverse Come au galop, Talteint k la tete du chemin de fer de Milan et le rejette jusqu'k Camerlata. Come est libre! Les citoyens courent aux armes et se precipitent derriere Garibaldi. — Mais celui-ci a vaincu dejk et revient vers C6me,oii il fait sa veritable et triomphante entree a six heures du soir.

Quelle fete! c'est k qui saisira un garibaldien : on les embrasse, on se les arraclie, on les porte en triom- phe. —Garibaldi, epuisd, harasse de fatigue, est force, pour repondre aux acclamations des patriotes de Come, de se presenter au balcon de son hotel.

Son apparition est saluee de frenetiques vivats.

Come est libre, apies un long et dur esclavage; on peut done enfin alter, venir, parler sans crainte.

Le 3 juin, Garibaldi fai£Jafneher dans Come la pro¬ clamation suivante:

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Tous les jeunes gens qui peuvent prendre un fusil sont appeles autour de la banniere tricolore; aucun de vous ne voudra assister inerteet sans armes a la guerre sainte; per¬ sonne nevouilra etre expose a confesser un jour, en rougis- sant, de n'y avoir pns aucunepart. C'est 1'heure de montror que vous ne mentiez pas quand vous parliez de votre haine contre l'Autnche.

Aux armes done! Aucun sacrifice ne semble grand, puis- que nous soinmes cette generation qui aura accompli 1 oeu- vre de l'independance nationale

-De Come, Garibaldi poursuit l'ennemi jusqu'k Monza et disperse le corps du general Urban.

Bientot il occupe Bergame. Nouvelles acclamations. Les hommes se jettent sur son passage pour lui serrer la main; les femmes l'inondent de fleurs ; la ville est illumiuee.

A la tete de sa troupe, sans cesse grossie par les vo- lontaires qui affluent cte toutes parts, il se dirige sur Brescia et en chasse les Autriehiens. Enfin, le 9 juin, il

rejoint notre brave arm6e k Milan, dont la victoire de

Magenta lui avait ouvert les portes.

Halte d'un jour dans cette voie sacree oil viennent de marcher, de victoire en victoire, Francais, Piemon-

tais, Volontaires.

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Garibaldi ne se reposa pas longtemps et recommenea cette guerre etrange, unique, poursuivie par lui depuis le commencement de la campagne, si funeste aux deta- chements de 1'armee autrichienne qu'il lurcelait et de- faisait dans toutes les rencontres, malgre la superiority de leur nombre, si favorable k la liberte par l'enthou- siasme et les soulevements qu'excitait partout sur son passage le heros de Come, de Vareze et de Brescia, en joignant k Taction la parole enflammee, comme il le faisait, des le 13 juin, par la proclamation suivante adressee aux habitants de Brescia :

Les demonstrations joyeuses avec lesquelles vous avezac- cueilli les chasseurs des Alpes sont une nouvelle preuve de votre enlhousiasme patriolique. Le sublime spectacle qu'a offert tout a coup votre cite, lorsqu'a peine sonnait la clo¬ che d'alarme, a montre que vous etiez dignes de /votre re- nomm6e.

Accourant tous au premier cri, avec les chasseurs des Alpes, vous avez montre que, gardiens jaloux de votre in- dependance recouvree, vous etes decides a la defendre avec vos poitrines, a la consacrer avec votre sang, Gloire aux Brescians!

Les ennemis, qui infestent encore ces contrees, ne sont pas des armees qui menacent votre ville, mais des bandes fugitives qui, pour s'ouvrirle chemin de laretraite, laissent, partout ou elles passent, les traces de leur barbarie et de leur execrable domination, a la fin renversee.

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Le moment e3t venu d'accomplir la vengeance de la patrie, de combattre au nom de nos freres morts sur le champ de bataille et sur les gibets de Mantoue, de continuer vos splen- dides traditions de la glo're.

A la rage de nos ennemis, contraints d'abandonner pour toujours cette belle contrfie, opposez le courage du sacrifice; accourez pour grossir les rangs des volontaires : rien ne yous coutera pour revendiquer votre liberie.

Labanntere tricolore, antique idole de nos cceurs, ondoie sur vostStes, et vous commande 1'amour de la patrie et le courage.

Que les glorieuses armies italio-francaises, en vous deli- vrant de vos ennemis, vous trouvent dignes de vos libera- teurs.

Voilk done de nouveau routes et chemins remplis des garibaldiens; petite armee sans doute, mais ardeute et redoutable, etnon moins etonnante de composition, de physionomie et d'allure, que par son heroique courage. Singulier spectacle en effet que celui de celte Legion au milieu des grandes lignes d'operations et des savan- tes manoeuvres des deux plus fortes armees continen- tales 1

C'etaient d'abord les vieux chasseurs des Alpes, ainsi qu'aime k les appeler leur chef, figures bronzees et martiales, cceurs de feu dans des corps de fer, pit- toresquement habiltes, bien armes, bien discipli¬ nes, impassibles au feu, visant juste et sachant k

point courir sus k l'eunemi, bayonnettes en avant, temeraires comme des lions et ruses comme des re- nards.

Puis l'etat-major du general, compose de quelques veterans des luttes nationales, escorte d'un escadron de

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guides receniment adjqint, et qui formait necessairement un corps d'eiite par l'obligation ou se trouvaient ces jeunes gens de fournir tout d'abord equipement et chevaux a leurs propres frais. Malgre ces conditions inflexibles, l'impatience n'etait pas moins grande d'y entrer, et les noms des enrotes etaient des meilleurs d'ltalie et meme de France. r^t^si-n i-^uwjM i

Plusieurs etrangers volontaires s'y faisaient remar- quer, entre autres un Grec dont le costume national ajoutait encore au pittoresque de l'ensemble, et un gentleman anglais, qui faisait gravement et silencieu- s°ment le coup de fusil en toutes occasions. Depuis le commencement de la campagne on l'apercevait toujours au fen, tirant admirablement, marquant chaque coup sur son carnet, et recommengant de meme.

Puis, k la suite des corps reguliers venaient pres d'un millier de volontaires nouveaux, sans uniformes, et sans fusils souvent, car le gouvernement, par une confiance qui leur faisait au moins honneur, parais- sait se reposer sur eux-memes du soin de prendre des armes aux Autrichiens, k la facon de leur general qui avait du se fournir ainsi de canons. Tous, reguliers ou irregulieis, animes du memeenthousiasme, marchant, il fallait les voir! chantant, il fallait les entendre! campant et se reposant sur le bord des routes, k la belle etoile, ou sur les dalles et le long des murs des villages oil ils passaient; car on n'avait pas de paille tous les jours, des tentes, jamais! — mais de la jeu¬ nesse, du courage, de la foi, de la gaite a vaincre le plus obstiue mauvais vouloir et les plus detestables conditions, oh! pour cela, toujours! et surtout

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quand on pouvait, chemin faisant, comme de Tre)s- sato k Treponti, aux premieres lueurs du jour, ren- contrer un gros de troupes autrichiennes bien superieu- res en force, et aprfes trois heures et plus de lutte, les deioger de leurs positions, et laisser le soin d'occuper ces derniferes k la division Cialdini, surnommee la division de fer, pour courir k de nouveaux com¬ bats.

C'est ainsi que cette petite armeede partisans,—au milieu d'une campagne reguliere et strategique, k c6t£ de deux grandes armees mues par de sav.ints calculs, et qui se heurtaieutdans toutes les regies de 1'art, avec une severe discipline, — marchait pour son compte, regagnant coup sur coup des vilies, des provinces k l'ltalie, operant selon les inspirations de son chef, les necessites du moment, les accidents du terrain, et, sans jamais entraver ou contrarier les plans des forces alliees, pour'suivait k sa guise son ceuvre personnelle, sa campagne heroique et revolutionnaire, lancee aux flancs de l'armee autrichienne comme un brulot qui surprend et devore, faisant renaitre les populations k une vie nouvelle, brisant les fers et criant par la bouche de son chef, au peuple opprime: « Aide toi, le ciel t'aidera! arme-toi! suis-moi! et l'ltalie vain- era »

En effel, c'est encore la un des trails caraceristiques de cette forte intelligence de ne faire appel avant tout qu'k la volonte humaine.^ La volonte! n'a-t-il pas droit et devoir de l'invoquer, lui qui en connait la puissance etles ressources, qui en est le miracle vivant, et qui bientot en obtiendra la supreme et definitive coa-

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secration en imposant au monde etonne, en vertu du fait accompli par sa volonte et son devouement person¬ nels, le triomphe de la cause k laquelle ll a voue sa

Tie...

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LA TREVE DE VILLAFRANCA.

Apres Magenta, Solferino!... Deux grandes vic- toires coup sur coup. Nous approchons du but!... un grand tressaillement saisit le monde.,. Mais voilk que tout k coup le soleil se voile sous des nuages qui mon- tent des bords du Rhin k l'horizon brumeux.de l'Alle- magne, et font conclure au prudent vainqueur de Solfe¬ rino la paix de Villafranca...

La paix? Non! c'est la treve qu'il faut dire. La question avait ete trop bien pos6e pour'ne pas se ti- soudre definitivement. On etait en trop beau chemin, pour ne pas avancer jusqu'au bout. Mais treve, pour qui? Pour la France qui devra rentrer en lutte? Non, plus n'est besoin; elle a fait assez! Mais pour l'ltalie qui peut par elle-meme maintenant... fard da sdl et qui veut!...

Pour l'ltalie, Palestro, Magenta, San-Martino, SjI- ferino, n'etaient que des etapes... Apres Solferino, et quand les derniers edios du canon victorieux s'etei- gnaient k travers les preiiminaires de Villafranca, l'ari- cien ministre des affaires etrangeres de Toscane en 1848, Vauteur des Mimoires sur I'Italie, et de Camma, Joseph Montanelli qui, — apres un exil de dix annees, quittant la plume pour l'epee, s'etait rendu directement, sans songer k revoir te foyer domestiqtle, un des premiers au camp toscan de 1859, et servait alors comme simple soldat dans les rangs des chas-

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seurs des Apennins, — disait sur la tombe d'un autre brave de cette legion, Jean Seteri, enleve par une mort

prematuree : « Ne pleurez pas. Ces jours ne sont point faits pour

les pleurs. La tombe d'un soldat de l'independance est l'autel sur lequel on renouvelle le serment des resolu¬ tions heroiques. Des combats de geants restent k livrer

pour que l'ltalie soit la libre patrie des Italiens. Les

guerriers qui s'en vont augmentent les devoirs des

guerriers qui survivent. Ne regardez pas ce cercueil; le jeune guerrier n'est pas Ik. II revit dans le ciel des

braves; les etincelles de son ame enflammoront d'au- tres ames qui viendront allumer leur enthousiasme a ce flambeau. »

Ces paroles, parties d'un grand cceur, c'etait 1'eio-

quent echo de la volonte nationale, la voix prophetique dun avenir prochain, desormais ineluctable.

L'ltalie le sent! elle le veut! Que lui fallait-il pour se constituer en nation Deux choses ; au dedans, un appui et un centre de

ralliement; — elle l'a dans la royaute piemontaise, glorieusement portee par un prince italien, k Tame haute et intelligente; — au dehors, un appui impo- saut; — elle l'a, dans la grande &\)&e de la France, maintenant au fourreau sansdoute, mais avec une main

vigoureuse k sa garde, une main animee par le cerveau

puissant qui prononga les paroles fatidiques : Libre des Alpes a iAdrialiquel Ces paroles, ce voeu, tous les echos de l'ltalie l'ont

repete des Alpes k l'Etna. Aussi, dans quelle inexprimable anxiete de sa com¬

plete deiivrance elle se trouve, cette belle Italie, k demi'

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rachetee et revivifiee par les baptemes de sang et de victoire de 1859!

Celui qui personnifie le mieux sa vie militante et tourmentee, Garibaldi, veille k l'entretien du feu sa- cre! II utilise les loisirs de la paix comme il convient aux hommes de sa trempe...

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Apres Villafranca, croyant, malgre les apparences du moment, k la continuation de la guerre, il reste dans les Romagnes, dont le sort n'est pas encore fixe, pour organiser la defense et etre pret k tout evenement. Les lenteurs de la diplomatie, les ombrageuses susceptibi- lites de la haute politique lui font abandonner son poste.

Mais bienlot il ouvre la souscription nationale pour 1'achat d'un million de fusils, tant il sent l'air charge d'orages, et la n^cessite de luttes nouvelles, tant il eprouve le besoin patriotique de se preparer pour les combats de geants predits par Montanelli! Les Italiens, meme ceux des contrees les plus lointaines, repondent a cet appel, et temoignent hautement de son oppor- tunite.

Non sans souffrir de son inaction forcee, il attend le signal que ses freres doivent bientot lui donner... Son ceil profond, errant k l'horizon, cherche d'oii partira 1'eclair nouveau qui doit dediainer la lempete sur les derniers tyraus de la patrie.

Entre-temps, le cceur du heros s'attriste de voir sa ville natale devenir franchise. La legitimite de cette ag¬ gregation, sanctionnee par le suffrage univeisel, cette base du droit public nouveau, ne le satisfait pas. In¬ flexible champion de la nationality italienne, il ne peuL depouiller ce caractere.

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Du reste, il faut convenir qu'il y a quelque chose de beau et de genereux dans cette emotion profonde, in-

quiete, ardente, qui a ebranie son cceur et tant d'autres cceurs ilaliens, en presence de la cession de la Srvoie et de Nice. La fraternite nationale, fruit d'une union

seculaire, a des racines trop profonde.s pour qu'on puisse l'arracher sans un dechirement douloureux.

Qu'aurait-on pense du caractere des Italiens, si on les eiit vus consentir de gaiete de cceur k cette separation

La municipalite de la ville de Brescia confera k Ga¬ ribaldi le titre de citoyen Brescian. Void la reponse du

general k la municipals ; elle peint trop bien le cha- leureux patriotisme de ce grand cceur pour ne pas trouver place ici :

Messieurs, S'il y a une ville ilalienne dont on puisse s'honorer et etre

fier d'etre citoyen, c'est bien la ville de Brescia, cette ville, qui, pendant que l'armee italienne se battait a Novare, ne compta ni le nombre ni la force de l'ennemi et n'aeheta pas par un lache silence et par une coupable indifference une servile existence.—Les habitants de la fi&re cite de Speri ne pouvaient pas plier le genou devant les usurpateurs, pen¬ dant que leurs freres repandaienl leur sang sur les champs de bataille pour le salut commun.

Le cri de la courageuse ville se perdit dans les vasles plaines.— La classe moderatrice et corrompue dans laquelle le pouvoir trouve toujours des gens qui applaudissent — etouffa l'elan gen^reux des populations. Une seule voix re- pondit de la montagne au cri g6nereux des patnotes Bres- cians.— Camozzi! modeste comme une vierge avec le cceur d'un Camille, fitresonner dans les vallees bergamasques la Toix tonnante du devoir et de la solidarity nationale — et accourut avec une poignee de braves montagnards au se~ cours de Brescia.

Oh! qu'il est beau de s'61ancer dans la vague, dans la melee pour sauver un frere! comme est tranquille la con¬ science du courageux patriote qui a fait son devoirl comme il marche la tete haute:

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Comme il est lache de rejeter, d'abandonner des freres sous les lourdes chaines del'oppression, avec le lache regret du cynique qui sous un pr&exte queleonque, se renferme dans un froid, un coupableet detestable ego'i'sme I

L'histoire des malheurs de l'ltalie estcimentGe par l'aban- don des freres en danger par des freres qui n'etaient pas menaces imm^diatement, ou qui etaient conompus,—et si l'epoque presente est edifiante par l'aduiirable Concorde de tous les peupks-de la Peninsule, — elle est souillee par ud acte immoral et deshonorant.

J'accepte avec gratitude le lilrede citoyen que m'offre la chere ville de Brescia. — Italien et Nicois, je ne renie pas cependant mon berceau le tombeau de ma mere — et les droits de l'ltalie sur la terre de Segurana et de Massena.

Croyez a l'affection de votre devoue,

G. Garibaldi.

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SINGULIER EPISODE MATRIMONIAL.

L'amour n'est qu'un episode dans la vie de l'homme.

Btboh.

Revenons de quelques pas en arriere pour expliquer un nouvel incident romanesque qui se produisit dans la vie de notre heros, apres la paix de Villafranca et

avant l'expedition de Sicile. A l'epoque oil Garibaldi tnarchait sur Come pour

en chasser les Autrichiens, un jour, une jeune amazone

partait k cheval d'un chateau des environs de cette

ville, traversait les lignes autrichiennes sans inspirer de defiance et arrivait bientot au camp de Garibaldi. Introduite pres de ce dernier, elle lui disait son admi¬ ration pour lui, l'enthousiasme, la ferveur de l'inde-

pendance nationale, dont elle s'e"tait sentie p^netree, au recit de ses actions hiro'iques, k la lecture de ses en- trainantes proclamations, et lui expliquait que, sous l'influence de ces sentiments, desireuse de faire aussi

quelque chose pour la sainte cause, elle avait quitte" le chateau du marquis Raimondi, son pere, pour venir reveler au chef des volontaires les mouvements et les

dispositions que venait d'imprimer le general Urban aux troupes autrichiennes qui occupaient Come et ses environs.

Garibaldi temoigna chaleureusement k l'aventureuse et charmante courriere l'admiration qu'k son tour il

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eprouvait pour une demarche si inattendue, si pleine de- hardiesse et de devouement, et prit conge d'ehVen lui manifestant l'esperance d'aller bientot lui renouveler, au chateau paternel, ses temoignagesde reconnaissance, pour te service qu'elle venait de rendre k la cause de l'independance, et dont il allait profiter...

Aquelques jours de la, en effet, Garibaldi victorieux etait accueilli et fete au chateau du marquis Rai— mondi.

La treve de Villafranca etant venue bientot lui im- poser des loisirs forces, il se rappela cet accueil cordial et enthousiaste, et les pressantes invitations qui lui avaient ete faites de revenir au chateau aussitot que les dvenements le lui permettraient. II y retourna ; et ses visites s'y renouvelerent et s'y prolongerent bientot sous I'influence d'un puissant attrait...

Louis XV, k cinquante ans, disait : « Sur la pente de l'amour, je crois qu'il est bientot

temps d'enrayer... — « Mieux que cela, sire, lui repondait son mede-

cin, il est temps de deleter. » Garibaldi a, de trois ans, passe la cinquantaine. Mais,

pour cette ardente et vigoureuse nature qu'a trempee, join des plaisirs qui affaiblissent, l'apre et fortifiante atmosphere des mers et des batailles, te temps de dete- ler ne paraissait pas encore venu... Et comme ce n'est pas non plus sans raison que l'amour a ete defini par Diogene : ex l'occupation des oisifs », et par Napoleon•: « la distraction du guerrier », ce sentiment renaquit, au cceur.du heros sevre de bataiiles patriotiques,,,, Et la jeune amazone de dix-neuf ans, dont la demarche hardje avail contrive k la victoire de Come, devint

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1'objet d'une vive et tendre affection de la part du vainqueur.

II demanda la main de la jeune fille. Le marquis, bien loin d'ecarter cette proposition, l'avait plutot provoquee, et l'agrea avec chaleur. Le general se sen- tait encourage dans son projet par la vive sympathie et l'admiration que la jeune fille n'avait cesse de lui te- moigner dans toutes les visites qu'il avait faites au cha¬ teau de son pere.

Mais de Ik k 1'amour il pouvait y avoir loin cepen¬ dant...

Aussi mademoiselle Raimondi fit-elle certaine resis¬ tance, des observations, alia meme jusqu'k se dire malade, pour eloigner la celebration du mariage, mais sans enrejeter pourtant la possibility. Le general qui, en tout, aime les situations bien tranchees, les ques¬ tions nettement et promptement resoiues, insista... le pfere se joignit k lui, et te mariage fut c616bre k la cha-

pelle du chateau. Mais cette fois k son tour Garibaldi devait eprouver,

comme cela n'est que trop habituel, 1'ameitume et les mecomptes de l'amour. Pour lui, cette fois, comme

pour tant d'autres, 1'amour ne devait eire rien autre chose qu'un beau papillon aux couleurs vives et nuan- cees, aux ailes dorees, qui de loin nous eb'louit, nous tente, enfants que nous sommes! apres lequel nous courons!... Puis, k peine l'avons-nous saisi, la pous- siere d'or tombe sous nos doigts, l'e"clat s'efface, et

l'objet tout-k-1'heure si beau, reste entre nns mains terne, decolore, fietri...

Au lendemain de la solennite nuptiale, un billet

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mysterieux venait reveler k 1'epoux que sa femme etait enceinte depuis quatre mois

II en posa resolument et nettementla question, d'une facon qui ne laissait prise ni k l'liesitation, ni aux ter¬ giversations. La jeune femme avoua que c'elait vrai.... Un jeune gentilhomme, son cousin, qui l'aimait depuis longtemps, avait profile d'un instant de faiblesse, d'en- trainement

— Pourquoi ne pas m'avoir dit cela, fit Garibaldi avec calme, et en homme habitue k subir le choc des epreuves les plus inattendues, — j'eusse ete le premier a demander k votre pfere, et k exiger de lui, votre main pour votre amant »

Pourquoi ne pas avoir dit cela! Question plus facile a poser qu'aresoudre... Quel secret mobile tint close k cet endroit cette

bouche jeune et fraiche Est-ce deference pour la volonte paternelle Est-ce vanite, desir de devenir la femme d'un homme

eelebre, d'un grand homme, avec l'espoir de tenir ca- cheela faute?...

Ou bien est-ce ce que l'auteur d'Indiana, non sans exageration, nous le croyons, qualifie ainsi:

— « La femme est imbecile par nature. II semble que pour contre-balancer l'eminente superiorite que ses deiicates perceptions lui donnent sur nous, le ciel ait mis k dessein dans son coeur une vanite aveugle, une idiote credulite. II ne s'agit peut-etre, pour s'em¬ parer de cet etre si subtil, si souple et si penetrant, que de savoir... chatouiller l'amour-propre. »

Devine qui pourra le mobile predominant et cache de mademoiselleRaimondi...

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Le coeur des femmes est un puits sans fonds. Garibaldi ne s'amusa pas a vouloir sonder l'inson-

dable mystere... II rompit avec sa nouvelle famille. La jeune femme alia, avec son amant, cacher dans les montagnes de la Suisse sa honte et ses regrets.

Un nouveau personnage ne tarda pas k les rejoindre: c'etait un officier de Garibaldi, qui, croyant l'honneur de son chefatteint, alia, sans Ten prevenir, provoquer en duel le seducteur, et lava dans son sang ce qu'il re-

gardait comme une injure pour te nom du biros.

Quanta ce dernier, il etait retourne, avec ses en¬ fants, dans sa terre de Caprera, oil la souscription pour l'achat d'un million de fusils, la question savoi- sienne et nigoise, dont nous avons rendu compte au

chapitre precedent, lui procurerent d'utiles distractions.

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LE ROI DE NAPLES.

Bientot de graves evenements devaient te soustraire a ces questions un peu etroites de localites, couper court k ces protestations inutiles au sujet de la Savoie et de Nice, et rouvrir k son courage le champ des batailles patriotiques.

Pendant que, nouveau Cincinnatus, cet homme he- roique et simple consacre les loisirs de la paix k fecon-

der, dans la petite ile de Caprera, perdue au milieu des flots de la Mediterranee, les quelques morceaux de terre qui component toute sa fortune, la-bas, aux plus loin- tains parages de l'ltalie, dans une autre ile, la plus grande et la plus malheureuse de la Mediterranee, dans

l'abrupte Sicile, le vieux volcan de l'Etna fume tou¬

jours, et a cote de la lave ardente qui bouillonne dans ses flancs, fermentent, de la base au sommet des mon- tagnes sans nombre dont il forme la Crete, et tout du

long des valtees sinueuses qui les divisent, fermentent non moins ardents, au cceur d'une rude et primitive population, de la vieille race qui fit les vepres sici- liennes, le levain du patriotisme et de l'independance, et la haine inextinguible de Toppressior. A bon droit! car d'oppression, il n'en fut jamais pire.

Durant que les provinces fibres de l'ltalie cetebraient dans la joie les fetes de l'affranchissement et de l'an-

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nexion, l'incorrigible organe d'un passe qui s'ecroule de toutes Darts, le roi de Naples, cetebrait a sa facon, en les exagerant plus que jamais, les fetes du despo- tisme. Exil, prison, tortures de loute espfcce, baston- nade k l'enfance pour en tirer des denonciations contre les parents, qu'elle sache ou ne sache pas ce qu'on lui demande, telles etaient tes reponses de ce roi tres-chre- tien aux pins legitimes, aux plus pacifiques reclama¬ tions, aux manifestations les plus humbles, les plus inoffensives de ce besoin de regimes, de dignite ci¬ vile, de liberte, qui fait le fonds de la vie des nations k noire epoque, et le but constant de leurs aspi¬ rations.

Pour se poser en inflexible souteneur du passe, n'avait-il pas lui-meme de puissants soutiens materiels et moraux! Les dues et duchesses congedies par la vo¬ lonte populaire protestaient contre l'annexion ; l'Autri- che, bien et dument payee pour cela a Magenta et k Solferino, protestait; le pape protestait et exeommu- nuait! Et un celebre general frangais, un px-republicain, miraculeusement converti aux saintes doctrines, se de- menait, comme un beau diable, au service des papalins, pour organiser militairement la resistance, ou plutot la croisade contre ce qu'il appelait Yislamisme rivolu- tionnaire, et jurait, de par tous les saints, qu'il allait galvaniser et revivifier un cadavre!... aneantir les vi- vants et les forts!... ramener le monde sous le sceptre d'un pouvoir epuise, qui, sentast la vie lui echsppcr, s'y cramponne, et attire de leurs tombeaux tous les re- venants du passe;

Le Bourbon, en attendant le jour de marcher sous la banniere d'une nouvelle sainte-alliance, et de gratifier

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les peuples emancipes des bienfaits de son mode de re-

gner, commen?ait par exterminer dans ses fitats toute ombre d'opposition, toute velieite d'independance et de reforme.

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LA SICILE.

Dans le royaume des Deux-Siciles, la police, brutale, arbitraire et cruelle, etait devenue la loi vivante. Au mois d'avril 1860, ses rigueurs etaient telles, que la Sicile notamment, d'autant plus maltraitee qu'elle etait plus eioignee du centre, plus suspecte, n'y pouvait plus tenir. On venait de chasser plusieurs Siciliens de distinction, le prince de Sant'Elia et ses quatre fils, !e baron Anca et plusieurs autres. Beaucoup d arrestations arbitrages avaient ete faites, meme dans le clerge. Les

prisons regorgeaient. Le vase etait comble, il allait deborder. Le gouvernement napolitain fut averii qu'on conspi-

rait contre lui, et que le centre de la conspiration etait Palerme. II ne lui fut pas difficile, par la police, de decouvrir les plans des patriotes; un traitre, — il s'en rencontre dans les plus nobles causes, — les livra. Sachant que c'etait au couvent de la Gancia que les Siciliens se reunissaient, et que rien n'etait encore pret, on resolut d'avancer l'explosion du mouvement pour pouvoir le comprimer avec plus de facility; en effet, on le provoqua par une rencontre au couvent, qui fut em-

porte d'assaut. L'insurrection edata sur plusieurs points de Palerme

et de Pile. Mais dans cette ville les insurges, surpris, accabtes, forces de combattre isotement, corps k corps, au milieu de rues lemplies de soldats et de sbires, du- rent ceder au nombre.

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La jeunesse se jeta dans la'campagne pour y soutenir et y propager le mouvement Sept jours duranf, on en- tendit aux partes de la ville le feu des braves accourus de tous cotes.

Le digne heritier du roi Bomba re'pondit k ces sou- levements par le dediainement d'une fureur aveugle, par les exc£s et les atrocites de ses soldats et de ses

sbires, auxquels on laissa carte blanche pour la repres¬ sion. Ils en userent largement et de maniere k satisfaire lenr maitre. Pillage, viol, fusillades, massacres, tout est bon On tue indistinctement jeunes gens, hommes murs, femmes, enfants, vieillards.

Quelques traits entre mille :

Le couvent de la Gancia, — pilte; trois de ses moi-

nes, — pendus. A Palerme, treize jeunes gens, des plus distingues,

— fusiltes d'une manifere horrible; — une boucherie

plutot qu'une execution; — ils etaient places tous en¬

semble : une premiere decharge n'en tue qu'une partie; on en fait une seconde; mais tous n'etaient pas encore

tues... les executeurs se rapprochent et leur brulent la

cervelle k coups de pistolets. A Messine, oil regnait une sourde agitation, la troupe,

pour provoquer ou simuler un soulevement et avoir oc¬

casion de massacrer et de piller, a tire sur les citoyens d^sarmes qui parcouraient paisiblement la rue Ferdi-

nanda. Des peisonnes inoffensives, un vieillard meme, sont tombes victimes de ces agressions sans motifs. Une

graude partie de la population s'enfuit de cette malheu-

reuse ville.

Les rigueurs de P&at de siege et les menaces dn

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commandant Russo sont telles que te corps consulaire est oblige de protester.

La ville deCarini, reprise par les troupes du roi aprfes un combat qui dura du 18 au 21 avril, fut piltee, mise a feu et k sang. Meme des enfants, des vieillards, des femmes et des jeunes filles furent passes au fil de i'ep^e jusqu'aux pieds des autels oil ils s'etaient r^fugies.

Parmi les faits arrives dans cette malheureuse ville, il en est un digne de memoire.

Cinq soldats napolitains, parmi lesquels etait un lieu¬ tenant, entrerent de force dans une maison oil etaient deux jeunes filles qui, pendant le combat, avaient tire des coups de fusil. Deux heures apres, on ne trouva plus dans cette maison que sept cadavres sanglants; au milieu, tous Sss meubles renverses, les arises teintes ds sang, les portes enfoncees, signes evidents d'une lutte terrible et sans exemple!

Bientot Galati subit le meme sort que Carini. A Palerme, qui reste silencieuse et solennelle, d'au-

tres fusillades ont succede a celle des treize jeunes gens; une particulierement a revolts et emu les royaux eux- memes : un paysan, pour avoir vendu une vache aux insurges, a ete fusilte sur-le-champ avec son fils, un enfant, coupable d'avoir conduit la vache aux insur- ge"s...

A Catane, deux cents arrsstations arbitraires ont ete faites avec une perfidie revoltante par l'intendant, le prince de Fitalia, neveu d'un honorable citoyen, de l'il- lustre Ruggiero Settimo.

A Pannonce de cette nouvdle, ce genereux citoyen a ete comme fiappe d'un coup d'apoplexie4

Malgre ce luxe inou'i de repressions furieuses, Pin-

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surrection tient bon : comprimee sur un point, elle re- nait sur d'autres, grace k la configuration de Pile, vaste embrouillement de montagnes, de valiees etroites et si- nueuses, de gorges, dedefites, grace aussi et surtout k l'indomptable energie de ses habitants, k leur soif d'in- dependance et de liberte.

Mais ces efforts partiels, ces bandes insurrection- nelles, sans direction centrale, viennent trop souvent ichouerconlreles forces bien organisees du roideNaples.

En vain la Revolution cherche k s'implanter dans Palerme, la capitate de Pile, pour s'y centraliser. La le gouvernement a reuni des forces imposantes, plus de 25,000 hommes de ses meilleures troupes, des sbires en grand nombre, des munitions' de toutes sortes; et de ce foyer redoutable la compression rayonne avec vio¬ lence sur les points occupes ou menaces par Pinsurrec- tion. C'est de la que l'armee, divisee en trois colonnes, bat les campagnes d'alentour, signalant partout son pas¬ sage par des actes d'un vandalisme revoltant, des plus belles proprietes faisant des monceaux de cendres.

Comment va fimr ce duel terrible d'un peuple aux abois contre son oppresseur? Heias! les forces militantes des deux partis sont trop negates D'un cote, les cita- delles, l'immense arlillerie, les troupes fagonnees aux massacres; de P autre, d'ardents et valeureux patriotes sans doute, mais dissemines, mal armes; des villes M~ missantes d'indignation, mais impuissantes k se sou- lever sous la menace perp6tuelle d'une destruction ine¬ vitable.

II y a tout lieu de craindrequecafinisse mal encore une fois pourigs pauvres Siciliens, s'il ne leur vient aide du dehors...

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Maisd'oii? Que dit la conscience publique en Europe? Elle plaint

les malheureux revoltes, et s'attend d'un moment k l'autre k recevoir la nouvelle que tout est rentre dans l'ordre en Sicile... Aucune puissance n'eteve la voix. Aucun gouvernement ne s'est emu k la vue de tant dd sang verse...

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Mais que fait done la haute Italie, elle, l'affranchie d'hier Elle sympathise energiquement avec ses freres de la basse Italie... elle leur envoie de Pargent, des armes, des munitions; mais c'est Ik tout! Officielle- ment, elle se croit tenue k bien des menagements... elle se croit dans une de ces positions cruelles oil la voix du coeur doit ceder a celle de la necessile... La voix du cceur est si mal sonnante encore dans les regions de la

haute politique!... Les emigres napolitains et siciliens, presents k Turin,

se sont bien reunis pour prendre des mesures sur la ligne de conduite k suivre en presence des evenements qni s'accomplissaient dans la basse Italie; sur 84 qui etaient presents, 80 ont vote pour l'annexion,-sous le drapeau de Victor-Emmanuel, du reste de l'ltalie; — c'est d'ailleurs la tendance de la Revolution sicilienne, qui, dfes 1848, avait offert k Charles-Albert de s'an- nexer k son royaume, et qui, en 4860, avait arbore dfes ses debuts la meme banniere,

Mais des deliberations, des votes et des voeux, si c'est chose importante comme temoignage de Punite morale et politique de Pltalie, c'est bien peu pour ceux que l'ennemi de Punite tue et massacre. Heias helas! l'horizon se rembrunit de plus en plus... les nouvelles deviennent de plus en plus tristes. Chaque jour, le te-

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legraphe apporte le rdcit des atrocites bourbonniennes. Chacun s'apitoye sur le sort des biaves et infortunes habitants de la Sicile; mais de leur triomphe, plus d'espoir!

Et toi aussi, Garibaldi, toi le chevalier sans pcur de la nationalite et de Pindependance, tu dors, ou tu de-

sespferes? Oh! que non!...

Mais ce que la France, le Piemont et l'Angleterre ne veulent ou ne peuvent, un seul homme, un particulier, le voudra-t-il? te pourra-t-il?

Pourquoi pas! La foi, —humaine ou surhumaine, folie de la patrie ou folie de la croix, — souteve des

montagnes! Aux premieres nouvelles de Pinsurrection, le heros

cultivaleur de Caprera, avait quitte ses champs et etait accouru k Genes. II avait rassembte k la hate et silen- cieusement la majeure partie des enfants de sa legion, de ces soldats devoues k la sainte cause et impassiblcs devant le feu. Quelques mots s'etaient edianges; son

regard electrique avait rencontre le leur, et, dans cet

ediange de leurs ames, avait edate, comme un eclair, leur commune et inebranlable resolution d'aller au se- cours de leurs freres.

Sous divers pretextes, il avait depouilie ses qualites officielles; k propos de Paffaire de Bologne, il avait donne sa demission de general et n'appartenait plus k l'armee piemontaise; k propos de Pannexion de Nice, il avait donne sa demission de depute. 11 etait libre, libre de liens officiels. C'est bien ainsi que nous Pai-

mous, sans titre... autre que le plus beau des litres.

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celui de biros de l'independance et de la nationality ita- liennes.

Mais le gouvernement piemontais qui, lui, est gene dans les liens diplomatiques, s'emeut de la present de Garibaldi k Genes, et de ses secrets desseins facilement devines. Le roi lui-meme fait conjurer Garibaldi de renoncer k une telle entreprise. Ce dernier parait fai- blir; il promet au moins de reculer pour longtemps l'execution de son projet. Quoi qu'il en soit, des ordres sevferes sont donnes pour s'opposer k tout embarque- ment.

Bientot d'affligeantes nouvelles se repandent; les pa- triotes siciliens sont enterres sous les decombres de leurs cites. Carini n'est plus qu'un monceau de cendres. Pa¬ lerme, Messine, Catane, Syracuse tremblent chaque jour d'avoir le meme sort, et voient se multiplier dans leurs murs arrestations, executions, tortures.

Pourtant, k travers ces desastreuses nouvelles, on voit vaciller encore quelques lueurs d'espoir. La Revo¬ lution, refoutee dans l'interieur, tient eucore sur les montagnes le drapeau de 1'independance, autour duquel s'est formee, des debris des insurrections panielles dis- persees, une petite arm^e d'intrepidescombattants. Lk, jusqu'k des femmes se font remarquer. Elles combat- tent et en meme temps elles aident et servent dans la marche leurs maris et leurs fils. Elles soignent les bles¬ ses, lavent le linge, preparent les aliments, pensent k tout avec une charite, une presence d'esprit sans egale.

Lk, il n'est pas rare de voir se produire des fails comme celui que voici :

D'un hameau situe sur le flanc de l'Etna et nomme Nicolosi, un vieillard est arrive" au camp de Piedimonte

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avec ses cinq fils robustes et bien armes, et, en se pr5- sentant aux chefs, il leur a dit: — c Je n'ai pas d'ar¬

gent, mais j'ai cinq fils, je les sacrifie pour la liberie de laSicile. Quant k moi, je suis vieux, c'esl vrai, mais la balle de mon fusil, quand je le veux, va dioit k Pceil de mon ennemi. »

L'ame de Pinsurrection non plus n'est pas aneantie; le comite revolutionnaire de Palerme vit toujours, actif, et neanmoins insaisissable, et toujours se maintient en

rapport avec les differents comites extra-urbains aux-

quels il donne le mot d'ordre. En vain le gouvernement, la police, vont, viennent,

s'agitent, epient et emprisonnent, le fil de ces myste- rieuses communications leur echappe, et ils ne peuvent rien prevenir. Le 2 mai, le mysterieux comite a fait

imprimer une proclamation qui le lendemain a ete affi- chee, par une main inconnue, dans tous les quartiers de Palerme, et bientot de lk repandue dans toute la Si- cicile et sur le continent; page d'histoire eioquente qui restera, apres la victoire, comme le stigmate de la

royaute napolitaine, et comme le supreme cri de guerre et de resignation d'un peuple heroique aux abois.

c Depuis un mois, y est-il dit entre autres choses, on

dispute pied k pied aux troupes royales une terre cou- verte de morts et de blesses. Les troupes ne sont mat¬ tresses que de quelques milles autour de Palerme; car Pile a repondu comme un seul homme k Pappel des

vengeurs : villes et villages ont arbore le drapeau trico- lore italien; Messine a ete menacee k la mode bour- bonienne.

» Les armes n'ont point ete deposees; le combat n'a

pas cesse : vous avez vu bien des fois le retour des en-

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nemis repousses; recemment les soldats qui revenaient de Carini et de Capaci racontaient, epouvantes, les ex¬

ploits, avouaient le nombre de nos freres armes, qui, en toute rencontre ont disperse les bandes royales.

» Aux vieux motifs de haine un nouveau motif est ve- nu s'adjoindre : le gouvernement dedeux toul-puissants gendarmes, Maniscalco et Salzano. Ils ont ordonne* l'arrestation des personnages les plus considerables du pays.qu'ils ont fait mener, comme des assassins, dans la rue de. Toledo, mais qui, joyeux de souffrir pour la sainte cause de notre salut commun, ont repondu aux insultes, aux persecutions des policiers royaux, par le mepris et la Constance.

» C'est kManiscalco,kSalzano,quesontdus lesmeur- tres, les rapines, les violations de domiciles d'honnetes et tranquilles citoyens par la soldatesque et la police; les insultes aux femmes, aux enfants, le pillage, enfin Pincendie.

» A quoi bon rehire le catalogue des cruautes et des outrages qu'il nous a fallu souffrir, et dont le recit exci- terait Pindignation de toute ame loyale et humaine? Qui ne connait te mode d'agir de ce feroce gouvrncment, dont nous presentons au jugement de l'Europe l'acte d'accusation ecrit avec le sang de tant de victimes? Dieu a entendu les plaintes et les vceux des nations oppri- mees : l'Europe les entendra.

• Nousprolestonssolennellement, pendant que la vic¬ toire est encore incertaine, que, fatigues de notre honte et d'une tyranie sans bornes, fatigues d'etre considers un peu moins que les animaux, depouiltes de tout droit, gouvernes par la force et le caprice, avilis k la face du monde, nous protestons que, puisque notre etat est de,

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souffrir, notre volonte est de meltre un tcrme k cet etat. Nos actions tendenl k cebut: notre but est de renverser Podieux gouvernement des Bourbons, de retinir la Sicile aux autres provinces plus heureuses qui font partie de la grande famille italienne, de suivre enfin les destinees de la maison de Savoie, a laquelle la Sicile, avant toute autre contree, s'offrit, par acte du parlement de 4848, acte rappete et renouvete dans les cinq insurrections de 1849 a 4860.

»Nouspourronsetrevaincus; qu'importe? La victoire n'a pas toujours favorise le droit. Nous pourrons etre vaincus et redevenir esclaves toujours menagants, tou¬

jours preoccupes de faire cesser, par de nouveaux efforts, ce spectacle lamentable de la lutte des bourreaux et des

victimes, des oppresseurs et des opprimes, qui deiasse l'insatiable et stupide cruaute du minotaure de Naples.

» Vive l'ltalie! vive Victor-Emmanuel! » Palerme, 2 mai 4860. »

A ce cri de detresse, k ce supreme appel, Garibaldi ne pent plus attendre... Les dangers sont immenses

qu'importe! il faut partir... La patrie et Phumanite le veulent! Pais ce que dois, advienne quepourral telle est aussi la devise de ce preux.

Sa determination prise, il laisse des lettres qui pei- gnent les agitations et les deiicalesses de son ame; des instructions qui respirent la grandeur de son but et

marquent k tous les patriotes la route qu'ils doivent suivre.

II ecrit: — A Pun de ses amis :

Je fus sur le point de m'en ouvrir au roi. II admettait lui-meme, avec son admirable franchise, que, pour etre une,

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l'Jtalie a besoin de sortir des voies pourries du diplomatisme ministeriel. Je n'allai pas plus loin pour le moment. J'avais dessein de !e prevenir quelques jours avant le depart, mais il aurait fallu aller a Bologue, et je n'en ai vraiment pas eu le temps. Je te dirai d'ailleurs que j'ai cru plus prudent de n'en rien faire. II m'aurait d6tourn6, et je n'aurais pu re- sister a un ordre de la part de ce roi unique et parfait (wni- co e perfetlo). Je n ai pu songer, sans elre transports, que les Siciliens nous appelleat depuis un mois et j'ai pass£par- dessus tout...

— A un autre :

Cher ami, Lejour ou tu recevras ces quelques lignes, je serai bien

loin en mer. L'insurrection sicilienne porte dans ses flancs les desti¬

nees de notre nationality. Je vais partager son sort; je vais me retrouver enfin sur mon element, 1'action mise au ser¬ vice d'une grande id6e.

II ne fallait pas moins pour relever mon courage au mi¬ lieu des deceptions de toute sorte dont j'ai ete abreuve.

Qu'on ne crie pas a l'imprudence, qu'on attende. Je suis plein d'espoir et de confiance. Notre cause est noble et gran- de, I'unite de lltahe, le reve le plus cher, l'aspiration de toute notre vie. Que les vents nous soient propices!

Castiglia et mon fils sont avec moi et ils t'embrassent. Tu es du petit nombre d'amis auxquels j'ai voulu serrer la main et dire adieu avant de partir.

Tout a toi, Garibaldi. — A Carranti:

II faut agiler la nation—libres et esclaves aujourd'hui il s'agit de renouer les membres epars de fa grande famille ilalienne pour la tourner ensuile bien com- pacte contre de plus puissants ennemis

Que Ton ne louche pas a notre brave armce, mais que tout ce qu'il y a de gen6reux dans la nation se mette en mouvement pour nos freres opprim6s, et ceux-ci, a leur tour, marcheront et combattront demain pour nous.

L'or, les hommes, les armes, l'ltalie possede tout.

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— Aux Italiens, il adresse cette belle proclamation ;

Italiens! Les Siciliens se battent contre les ennemis de l'ltalie et

pour l'ltalie. Les secourir avec del'or, des armes et surtout de son bras, c'est le devoir de tout Italien

Ce qui a cause les malheursde l'ltalie, ca ete l'esprit de discorde, ca ete encore l'indifference d'une province pour le sort de l'a'utre.

Le sa'ut de 1'Italie a commence le jour ou les fils de la mSme terre ont couru au secours de leurs freres en danger. Si nous abandonnons a eux-memes les braves enfants da la Sicile, ils auront a combattre les mercenaires du Bour¬ bon, et de plus ceux de l'Autriche et ceux dupretre qui r&- gne a Rome.

Que les peu pies des provinces lib res eleven t haut la voix en faveur de leurs fre-res qui combaltent, qu'ils envoient la genereuse jeunesse la ou on lutte pour la patrie.

Que les Marches, l'Ombrie, la Sabine, la campagne de Rome, le pays napolikin s'insurgent afin de diviser les for¬ ces de nos ennemis!

Si les villes n'offrent pas a l'insurrection une basesuffi- sante, que les plus resolus se jettent par bandes dans les campagnes.

Un brave trouve partout des armes 1 Au nom de Dieu, n'ecoutez pas la voix des laches qui se prelassent devant des tables bien garnies!

Armons-nous, combatlons pour nos freres, demain nous combattrons pour nous!

Une poignee de braves qui me suivirent sur les champs de batailles de la patrie marche avec moi a la rescousse. L'ltalie les connait. Ils apparaissent quand sonne l'heure du danger. Sons et g6n£reux compagnons! Ils consacrerent leur existence a la patrie : ils lui donneront la derniere goutte de leur sang, ne cherchant d'autre recompense que celledeleur conscience irreprochable.

Italie et Victor-Emmanuel! c'etait notre cri de guerre en passant le Tessin : il retentira jusqu'aux roches embrasees de l'Etna.,

A ce cri prophetique du combat, repete des grands monts d'ltalie jusqu'au mont Tarp6ien, croulera le tr&ne fibranle de la tyrannie, et tous se leveront comme un seul homme!

Aux armes done! Terminons d'un seul coup nog misere's

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Beculaires. Prouvons au monde que c'est bien sur cette terre qu'a vecu la forte race romaine!

G. Garibaldi.

D'autres proclamations sont pretes pour les Napoli- tains, pour les Romains; elles trouveront leur place en route.

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LE DEPART.

Mais ce n'est pas chose facile que de se1 mettre en route : L'ordre gouvernemenlal de s'opposer a tout embarquement pour la Sicile, afin d'empedier loute demarche qui pourrait compromettre diplomatiquement le nouveau royaume, s'execute avec une precision li- goureuse ; la surveillance la plus energique s'exerce k Genes, k Livourne, et sur toute la cote.

Vains efforts! habilement seconde par ses amis, le chef des volontaires sait bientot que ces derniers sont prets. Les \oici edielonnes sur plusieurs points lelong du littoial de la Mediterranee. II est nuit; ils sont tous lk, par groupes, cachant le peu d'armes qu'ils ont pu enlever, silencieux, attendant le signal... Enfin le voila qui blanchit snr la mer; des barques s'appro-

*

chent, ils y montent et s'eioignent de la cote. En meme temps deux vapeurs, le Piemonte et le

Lombardo, qu'il avait fallu enlever de force k la compagnie genoise, sortaient du port de Genes sans eveiller te moindre soupgon, puisque pas un des volon¬ taires n'etait a bord. Ce fut en pleine mer, k un point convenu, que Pon se rallia, et que 1'expedition s'em- barqua sur les deux pyroscaphes.

Ces douze cents hommes, obliges de s'embarquer la nuit, furtivement, pour un but k la fois si perilleux et si honorable, partant sur l'aile des vents favorables a la patrie, guides par le heros des guerres nationales, entasses dans d'etroits navires, souffrant la faim et la

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soif, soutenus par Penthousiasme, fuyant les croisieres ennemies pretes k les couler, quel tableau! quel vail- lance! quel admirable devouement!

Garibaldi ne s'en rapporte a personne du soin de di-

riger ces deux navires qui portent la fortune de PItalie souffrante. 11 saisit la barre, fait tour k tour les func¬ tions de timonnier et celles de capitaine, et de son ceil

pergant cherche au loin les fanaux errauts de quelques navires qu'il evite.

On manque du necessaire, on est ballotte par la

vague furieuse, il faut- relacher au fort Talamone sur la frontiere romaine, pour faire de Peau et des vivres. On y prend en outre quelques pieces de canon qui pourront etre d'un grand secours, soil contre la croi- siere napolitaine, soit pour proteger le debarquement.

Enfin on y laisse une centaine d'hommes determines dans le but de les faire concourir a une diversion puis- sante, en vup de laquelle .ils sont charges de repandre

'les proclamations que void : Aux Romains :

Romains, Demain vous entendrez dire aux prStres de Lamoriciere

que quelques MusulmtXns ont envahi votre territoire. Eh Ijjen! ceB Musulmans, ce sont les memes qui se battirent pour l'ltalie a Rome, en Lombardie ; les memes dont vous rappellerez avec orgueil le nom a vos enfants, quand sera venu le jour ou la tyrannie des Strangers et des pretres vous laissera la liberie du souvenir; Jes memes- qui plie- rent un moment devant les soldats aguerris et nombreux de Bonaparte, mais qui plierent le front tourne vers l'en- nemi, en pretant le serment de revenir au combat et de ne laisser a leurs fils d'autre legs, d'autre heritage que la haine des oppresseurs et des laches.

Oui, mes compagnons combattaient hors de vos murs, aux c&tes de Manara, de Mellana, de Masina, de Mamelli, de Daverio, de Peralta, de Panizzi, de Ramorino, de Da-

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nielli, de Montalti et de tant de nos braves qui dorment pres de vos catacombes, et auxquels vous avez vous-memes donne la sdpulture, parce qu'ils avaient ete blesses par devant.

Nos ennemis sont rus6s etpuissauts. mais nous marchons sur la terre des Scevola, des Horaces et des Ferrucci; notre cause est la cause de lous les Italiens ; notre cri de guerre, le meme qui retentit a Varese et a Come: Italia e Vitto- rio-JSmmanuele l et vous savez, qu'avec nous, ecrases ou vainqueurs, l'honneur italien restera intact.

G. Garibaldi, General romain, nomme par un

gouvernement 61u du suffrage universel.

A l'armee napolitaine: L'insolence etrangere regne sur la terre italienne, grace

aux discordes italiennes. Mais le jour ou les fils des Sam- nites et des Marses, unis a leurs freres de Sicile, donneront la main aux Italiens du Nord, ce jour-la notre peuple, dont vous etes la plus belle partie, reprendra, comme dans les temps passes, son rang parmi les premieres nations de l'Eu- rope.

Soldat italien, toute mon ambition est de voas voir ran- g6s a cote des soldats de Vareze et de Snn-Marlino pour combattre ensemble les ennemis de l'ltalie

G. Garibaldi. Aux habitants du royaume de Naples ;

Le moment est venu d'imiter l'exemple magnanime de la Sicile, en vous levant contre le plus crimmel des tyrans. A la race parjure et assassine, qui pendant si longtemps, vous a tortures et foules aux pieds, substituez enfin le libre gouvernement dont jouissent onze millions d'ltaliens ; au honleux drapeau bourbonien, le glorieux drapeau tricolore, symbole de 1'independance et de l'unite nationale, sans lesquelles est impossible une liberte vraie et durable.

Vos freres du Nord ne desirent que votre union a la fa- mille italienne.

G. Garibaldi, J. Riccurdt, baron Stocco,

L'expedition, en quittant Talamone, fit voile vers

-TAfrique, toucha le cap Bon, sur la cote de Tunis, oil 8

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elle s'approvisionna de vivres; de la Garibaldi ordonna .'que la proue des deux vapeurs fut dirigee vers la Si¬ cile, precisement en face de Marsala.

Ils naviguferent de nuit, sans aucune lumiere k bord, silencieux comme des ombres, Its yeux fixes vers l'ho- rizon obscur, pour decouvrir quelque trace de Pennemi. Chaque homme avait quadruple charge de fusils et de munitions pour rendre te debdrquement plus rapide. Garibaldi fut le premier qui s'apergut de la croisiere napolitaine lorsqu'ils entrerent dans les eaux de Sicile. L.3 moment devint so!ennel.

On doubla la force de la vapeur; k l'aube, deux fortes fregatesnapolitables, apercevant nos heros, com- »vencerent la chasse, cinglant sur eux des deux cotes. Garibaldi.avait quatre hen res d'avance sur l'ennemi, il en profita habilement : il ordonna a ses deux vapeurs de se reuiiir, de maniere a former la figure d'un A, puis il fit en sorte que ses deux navires presentaient le flanc a une seule fregate, afin de n'etre pas pris entre deux feux ; ence moment commengj un spectacle im¬

possible a decrire et digne d'Homere. Les machines etant forcees presque jusqu'k Pimpos-

sible, les vapeurs de Garibaldi poursuivirent I ur route

fantastique vers Marsala, poursuivis de pr6s par une

fregate napolitaine, tandis que l'autre faisait un circuit

pour leur couper le cherain. Ils avaient quatre heures d'avance, mais k chaque dix milles, ils perdaient une demi-heure, de sorte qu'en arrivant k la cote, ils n'6-

• talent plus qu'a une demi-heure des vaisseaux ennemis, qui ouvrirent un feu terrible contre ces braves.

Au canon napolitain, la tegion de Garibaldi rdpondit •cbprivage par le cri immense : Vive l'ltalie! vive Vic-

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tor Emmanuel! un' des batiments s'ensable, Pautre est -cribie de boulets, mais Garibaldi est k terre, Pennemi a brute ses vaisseaux!

Le sort en est jete : uue poignee d'hommes dont les navires sont routes, dont la retraite est impossible, est venue se jeter entre les forces d'un royaume entier et un peuple qui se souleve au nom de la liberie.

Ce fait est considerable et doit faire epoque dans l'histoire de l'humanite; il prend tout de suite des pro¬ portions colossales au point de vue de la dynamique sociale, et ses consequences en sont incalculables...

En un temps oil l'enthousiasme surgit si difficile—

ment, — k la nouvelle du depart de l'intrepide aven-

turier, une sensation immense saisit le monde. Partout on suit des yeux avec angois^e ses traces fugitives sur la Mediterranee... Partout avec une anxiete febrile on se demande ce qu'il devient...

A la nouvelle de son debarquement, ecoutez quels cris d'admiration et de sympathie, quels vceux ardents

pour son triomphe, s'etevent de toutes le"S parties civi- lis6es du monde, et comment dans le concert de h conscience universelle disparaissent les protestations de la diplomatie et les rumeurs discordantes du passe qui s'ecroule!...

Voyez comme k son appel, argent, fusils, canons, volontaires, arrivent de toutes parts, de Danemark, Ai

fiengrie, d'Espagne, d'Angleterre, de France, d'lta¬

lie, d'Altemagne, d'Egypte et d'Amerique! Les preoccupations d'affaires disparaissent pour faire

place k la preoccupation de la question italienne et de son glorieux chef. Sainte magie du patriotisme el du <devouement! Deux cents soldats de Roselli deserten',

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et prenaient la route de Genes pour de la partir pour la Sicile, si le general Cialdini n'eut envoyo" des troupes pour les arreter et les ramener k la discipline.

— « J'ai du, dit le gouverneur de Genes, au con¬ sul napolitain qui lui faisait des reproches, j'ai du con¬

signer mes soldats dans leurs casernes, sans quoi ils se seraient embarques tous avec Garibaldi. »

A ne parler que de Genes, cette ville voit partir la fleur de sa jeunesse, des volontaires qui appaitiennent pour la plupart k des families fort riches et des plus eie- vees dans le commerce. Des jeunes gens de seize ans

trompent la suiveillance de leurs meres pour se joindre aux plus ages.

Un brigadier des douanes donne. sa demission pour s'enroler, comme simple soldat, avec son fils. Un autre, de 22 ans, nouvellement marie, imite cet exemple et

part avec sa jeune femme. Deux dames s'arrachent aux douceurs d'une riche

existence popr alter en Sicile donner leurs soins aux blesses.

M. Simoneta, homme extremement fortune, fait son testament, quitte ses biens et sa famille, et conduit 4200 volontaires dans 56 wagons qu'il a loues pour cela.

Des enfants de onze ans demandent de pouvoir alter se battre. Le directeur d'un college d'une autre ville est oblige de venir k Genes chercher ses pensionnaires qui y etaient accourus dans Pesperance de partir im- mediatement pour la Sicile.

Phenomene imposant! digne des meditations de

l'histoire et de la philosophie car il temoigne haute-

ment que l'Humanite naif toujours jeune et vivace de

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cceur, susceptible toujours demotions genereuses, d'entrainements desinteresses, non-seulement sur les

points deson globe recemment visitdspar la civilisation, mais encore sur ses plages les plus anciennement la- bourees par ses evolutions successives, II temoigne aussi

qu'une nouvelle communion intellectuelle et morale, plus puissante et plus vaste que Pancienne communion

spirituelle, commence k gouverner les esprits et les cceurs. C'est ainsi que l'ecrivaient nagufcre les re-

presentants de la ville suedoise de llelsingborg k la so¬ ciete nationale italienne : < La sainte cause de la na- tionalite sera la pierre angulaire de Pavenir, et la solidarite des nations fibres deviendra une verite in¬ contestable, un principe fort et invincible comme celui meme de la patrie. »

Et si k Garibaldi s'attache une si chaude et si univer- selle synapathie, s'll parte avec tant de puissance aux

intelligences cultivees comme k Pimagination populaire, k travers l'Europe entiere, c'est qu'entre les grandes figures qui personnifient le mieux les tendances fonda- mentales de l'humanite k notre epoque, il est une des

plus pures et des plus hautes c'est qu'il n'a cesse de

preter le concours le plus energique et te plus devoue a cette ligue continue des activites volontaires contre les necessites modifiables, qui constitue la base duprogrfcs! c'est qu'il n'a cesse, dans sa carriere laborieuse et acci- dentee, de realiser la devise des ames superieures : vivre pour autruil et qu'il vient d'en donner le plus blatant temoiguage, en mettant son courage, sa vieetsa

mort, au service d'une idee grande et simple. Ce que la voix de la conscience publique acclame en lui, ce n'est pas seulement te soldat, le liberateur de la jeune

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Italie, c'est-a-dire de Fllalie unie, c'est encore- l'apotre arme, te confesseur militant de la jeune Hu~ manite.

Ah de tels exemples sont bien fails pour reveiller la conscience publique de ses assoupissements! pour preparer, pour accomplir mieux que toutes les theories possibles, l'affranchissement des peuples!

Quand il a mis te pied sur le sol sicilien, la question des independances nationales, si elle n'est pas resolue encore a faitun pas gigantesque Voyez plutot! Tout a1 l'heure Petat de la revolution sicilienne etait presque desespere. L'opinion publique en Europe te proclamait tel. Les Siciliens presque sans armes etaient aux prises avec la grosse armee du roi de Naples; malgre leur' hero'isme, ils allaient une fois encore succomber : cha- cun le voyait, chacun les plaignait d'avance. La cour de Naples chantait victoire. Garibaldi n'a rien dit; en dehors de toute influence, de tout conseil, de tout cal- cul, par la seule inspiration de son genie, il est parti, il est alte jeter dans la balance sa personne et celles d'une poignee de braves prets k le suivre partout. Aus- sitot on a vu de quel poids pfese un homme de cceur et1 d'initiaiive. A peine a-t-il touche la pauvre et vaillante- ile, les choses changent de face, en dedans et au de¬ hors ; une commotion electrique parcourt la Sicile d'un bout a Pautre, ranime les courages et fait jaillir des' soldats invincibles sur les pas du liberateur. Ailleurs ori ne doule plus que la partie regardee comme perdue n'e' soil gagnee. La panique est dans le camp ennemi. La; cour napolitalne a beau, dans sa terreur, proclame'r le: flibustier battu et vaincu, la conscience publique n'est pa's dupe, elle dit: « il vaincra »

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C'est lk un singulier et consolant liommage rendu k la puissance de l'esprit de sacrifice; et aussi, il faut le dire k la logique des faits. En effet, si PItalie eut in-

tenompu longtemps sou action vers Punite nationale, quand l'eut-elle pu reprendre aisement II taut battre le fer quand il est chaud, dit le proverbe II faut profi¬ ter de ce que les elements sont en fusion pour les unir. Une fois ce moment passe, on eut pu atlendre des an- nees 1'occasion favorable, pour faire un tout des diverses

parties de la peninsule; tandis qu'aujourd'hui, la con¬ science publique en Europe considere forcement ce qui se passe comme la consequence naturelle des evene- ments precedents.

A Poeuvre done les forts! ceux qui par I'intuition du cceur savent saisir vaillamment 1'occasion aux che- venx, si perilleuse qu'elle soit!

Quel peuple opprime pourrait perdre l'espoir de s'aff'ranchir un jour, quand il voit l'ltalie, si longtemps coupee par morceaux, si longtemps ecrasee par la dou¬ ble tyrannie du pouvoir temporel et du pouvoir spiri- tuei, etouffee dans les mille liens de la police des Sbires et de Pinquisition ctericale, apres avoir tant de fois succombe dans ses efforts de resurrection, apres y avoir perdu tant et de si valeureux martyrs, se relever

enfin, et reconstituer sa personnalite nationale sur une base plus large que ce qu'elle eut jamais dans le passe!

Et quel patriote, quel representant d'un pays op- prime, ayant voue sa vie au triomphe de la sainte causedel'affranchissement national, pourrait desesperer d'y arriver un jour, quand il voit Garibaldi, k travers mille obstacles, mille dangers, apres de nombreuses

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tentatives infructueuses, aprfes avoir ete oblige d'epar- piller sa vie persecutee aux quatre coins du monde, recueillir enfin le fruit de son iufaligable perseverance, en plantant d'une main ferme et sure le drapeau de Punite et de Pindependance de sa patrie?

Labor improbus omnia vincit.

I ' O'/l'

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L'ARMEE LIBERAIRICE. i- ij

hi Sur le nouveau theatre oil se trouve posee la question italienne, Garibaldi sent sa force; il est plein de con- fiance ; mais il n'est pas de ceux qui vont a l'etourdi et s'illusionnent sur les difficultes. II a compris d'un

coup d'ceil la gravite de la tache. Au moment de re-

prendre sa campagne lteroique et revolutionnaire, ar- retee par la diplomatie en 1859, il sait qu'il a devant lui une armee formidable par te nombre, par l'organi- sation, par les positions qu'elle occupe, par les muni¬ tions dont elle est abondamment pourvue; et comme c'est un des traits saillants de ce caractere de savoir allier la prudence, Pordre et la discipline k 1'elan, il

organise sa petite armee d'une nianifcre complete, la divise en corps sous le commaudement de chefs eprou- ves, et l'eiectrise par un ordre du jour dont le caractfere

simple, hero'ique et austere, rappelle les plus beaux

temps de Sparte et de Rome, et fait appreder tout de suite la valeur de ces hommes auxquels il s'adresse, et la noblesse du mobile qui les guide.

ORDRE DU JOUR.

Corps de chasseurs des Alpes. La mission de ce corps sera, comme elle le fut deja,

basee sur l'abnegation la plus complete en vue de la rege- n6ration de la patrie. Les braves chasseurs servirent et 8erviront leur pays, avec le d&vouement et la discipline des meilleurs corps militaires, sans autre esperance, san» autre pretention que celle d'une conscience sans tache.

Aucun grade, aucun honneur, aucune recompense n'at- tirerent ces braves; le danger disparu, ils rentrer6nt dans la modestie de la vie privee, mais l'heure du combat sonnant,

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l'ltalie les revoit encore en premiere ligne, allegres, pleins de bonne volonte et prets a verser leur sang pour elle. Le cri de guerre des chasseurs des Alpes est le meme qui retentissait, voici un an, sur les bords du Tessin : — Italia e ViUorio-Bmmanuele! — El, jete parmi nous, ce cri partout donnera l'epouvante aux ennemis de l'l- talie.

Organisation du corps. t Sirtori (Giuseppe), chef d'etat-major ; Crespi, Manin, Calf vino, Majouki, Griziotti, Biochetta, BruzzUi.

Turr, premier aide de camp du general.—Cenni.—Mon- tanari.—Bandi —Slagnetti

Giovanni Basso, secretaire du general. Commandants des compagnies.

Nino Bixio, commandant la lre compagnie. Orsini, — 2' — Stocco, La Masa, Anfossi, Carini, Sairoli,

Acerbi.—Bovi. Corps de medecine.

Ripari.—Boldrini.—Giulini. observations.

Cette organisation est la meme que cetle de 1 armee ita¬ lienne a laquelle nous appartenons, et les grades donnesau merite plus qu'au privilege sont ceux qui ont deja 6te con- quis sur d'autres champs de bataille

Sign6: G. Garibaldi Oui, c'est tin mcrite des 'ongtemps et souventes fois

eprouve que celui qui a vain k ces Untenants, dignes d'un lei chef, la collation des grades qui les distin~ guent.

II oonvient d'esquisser ici en quelques traits les glov rieux antecedents de ces preux.

— Turr, le chevaleresque colonel hongroisv'q*,uit ayant eu, en 1859, le bras gauche affreusement brise.

3"

5' 6- 7*

Intendance. -Maestri.—Rodi.

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par une balle conique, repondait k une lettre de Gari¬ baldi, lui demandant des nouvelles de sa sanie :

« Dites au general que mou bras droit est toujours k son service. »

— Carini, Sicilien, qui iraprovisa un regiment de- cavalerie k Palerme, pendant la periode revolutionnaire de 1848 et 1849, et, la revolution tombee, servit, dans l'exil, la cause de la Sicile et la cause italienne, par sa Revue franco -italienne, qui a paru k Paris

jusqu'au commencement de 1859. — Stocco, Calabrais, Pun des plus vaillants lieute- -

nants de Ricciardi dans l'insurrection des Calabres en 1848, connu surtout par le combat tres-iaegal qu'il soutinl, lc 27 juin, entre PAngitota et Maida, ou, douze- heures durant, quatre k cinq cents Calabrais lutterent

avantageusement con're presque loutes les troupes du

general Nunziante, qui auraient ete comptetement de-

faites, si les autres chefs calabrais etaient accourus au secours de Stocco.

— George Manin, fils du fondateur de Punification

italienne, qui, enfant, preludait aux luttes de l'avenir, en soulevant le peuple des lagunes pour delivrer son

p^re, prisonnier des Autrichiens. — Sirtori, qui, emu des souffrances impose^s k son

pays, avait depose l'habit religieux pour revetir Puni- forme du soldat; esprit ardent, cceur intrepide, qui, durant le siege de Venise, s'etait signate par des trails de bravoure extraordinaire.

— LaMasa, Sicilien, toilr'k't'owecrivaih etsold'at, connu pour sa brillante participation k l'insurrection de Palerme le 12 Janvier 1848, a la defense de Mes- sine contre les troupes royales au mois de septembre de

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la meme annee, puis k la guerre de Pindependance en qualite de chef des volontaires siciliens, et au siege de Venise, sous te commandement du general Antonini; connu, comme ecrivain, par des Merits poliliques et historiques publies pendant son exil, parmi lesquels un redt des evenements dont la Sicile fut le theatre en 1848 et 1849.

— Cairoli, — frfere de Pun de ces glorieux \olon- taires morts Pannee derniere en se battant contre l'Au- triche, — accouru de Pavie a l'appel de Garibaldi, et presente au general par sa mere elle-meme, qui portait encore le deuil de son fils aine, et qui, comme si elle n'eut encore rien fait, mit k la disposition du general la somme de trente mille francs.

— Nino Bixio, Genois, blesse" k Rome en 1849, k cote de son compatriote et ami Godefroy Mameli, et Pun des plus brillants lieutenants de Garibaldi dans la cam¬ pagne de 1859; ex-capitaine au long cours, habitue k la mer comme Garibaldi, et qui vient de rendre d'emi- nents services k l'expedition, comme commandant du Lombardo, surtout au moment du debarquement.

— Orsini, Pun des plus actifs promoteurs de Pin- surrection palermitaine en 1848, Pun des principaux defenseurs de Messine en septembre de la meme annee, et qui, en 1849, tint longtemps en ediec, dans le reste de la Sicile, les troupes royales commandoes par Filan- gieri. Force de s'expatrier, il prit du service en Turquie en qualite de colonel d'artillerie; mais au premier cri de la Sicile, il est accouru, et il est appete k rendre de grands services a son pays par ses connaissances spe- ciales.

— Anfossi, Pun des officiers les plus distingues de

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l'ancienne armee sarde, et qui a expte, lui aussi, dans un long exil, son amour pour la liberte.

Tels sont ces veterans des luttes nationales avec les-

quels le grand partisan assume et partage la responsa- bilite de son entreprise; tous, comme leur chef, ardents, intrepides, devours, modestes dans la gloire, simples dans le commandement, car commander pour eux n'est

que le droit de mourir au premier rang pour la patrie. L'affaire est en bonnes mains.

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L'attaque de la Sicile par Marsala rdv^lait le plan hardi de Garibaldi. II portait la lutte sur la cote nord, qui possfede les places fortes de Pile, et s'il abordait les points strategiques les plus difficiles k entever, il abor¬ dait en meme temps ceux dont la possession, s'il reus- sissait, lui donnerait les resultats les plus ddcisifs, no- tamment la capitate. Son expedition etait congue avec un esprit militaire incontestable, et les details d'execu- tion, conduits avec une surprenante vigueur, repondi- rent k Phabilete de la conception.

Apres le debarquement, La Masa conduisit Pavant- garde, qu'il commandait, dans la ville. La population, avec un enthousiasme febrile, l'accompagne ensuite jus- qu'au rivage pour aider au transport du materiel.

Le conseil des decurions proclame la dictature de Garibaldi et Pannexion au reste de PItalie libre, afin de constituer Punite italienne. La Masa expedie aussitot dans toutes les provinces cette proclamation :

Siciliens!

J'ai conduit vers vous une troupe de braves, accourus au cri hiroique de la bicile. Nous avons survecu aux ba- tailles de la Lombardie : nous sommes avec vous! et nous ne demandons que l'affranchissement de notre pays. Si nous restons unis, l'ccuvre sera facile et courte. Aux armes done t

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Quiconque ne saisit pas une arme, est un lache ou un trai- tre h la patrie. On ne peut pretexter le manque d'armes. Nous aurons des fusils, mais, pour lemomeni, toute .arme suffit dans la main d'un brave. Les municipalites veilleront sur les enfants, les femmes, les vieillards abandonnes. Aux armes lous! La Sicile montrera encore une fois comme Ton delivre un pays des oppresseurs, par la puissante volontl dun peuple uni. J. Garibaldi.

On concerle le plan du mouvemeut sur Palerme; des courriers voleut dans toutes les directions, et pre- .viennent les provinces d'envoyer leurs hommes armes etde les coocentrer sur les points oil va passer l'armee des volontaires. En un seul jour tout est en feu. Lesor- dres sont executes comme par des bataillons organises; les volontaires accourent en armes avtc un aideur W-

netique. Des mo;nes franciscains se mettent k la tete d'in-

surges, et marchent la croix d'une main, Pepee de l'autre.

Le 12 mai, l'armee, deja grossie, part pourSalemi; chemin faisant, elle est rejointe par plusieurs fortes

troupes bien armees et commandees par Coppala de Monte, te baron Sant'Anna d'Alcamo, etc

A Salemi, on trouve tout le monde en armes. Lk, de toutes les villes des provinces voisines accou¬

rent au commandement general tous les chefs des

municipes, les personnages les plus considerables, priant La Masa de faire une excursion dans leur pays, alin que tous les hommes armes eussent la certitude de tout ce

qui se disait pour venir se joindre k Garibaldi. La Masa part. Dire l'enthousiasme, les benedictions,

les larmes de joie qui l'accueillent partout, ce serait chose impossible. Le pays se vide litte'ralement sur son passage, dit-il : hommes, femmes de tout

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rang, pretres, accourent de trois et quatre milles; et il itait seul \

C'est a Salemi, le 14 mai, que Garibaldi prend la dictature, cette vieille mesure traditionnelle sur le sol italique, et souvent necessaire dans les crises politiques pour leur imprimer une direction unitaire, energique et rapide.

Void sa proclamation k cet egard : c'est le premier acte oil se manifeste officiellement te but de l'expedi- tion: unite" sous la royaute de Victor-Emmanuel.

Giuseppe Garibaldi, commandant en chef de l'armee na¬ tionale en Sicile,

A l'invitation de3 principaux citoyens, et sur la delibera¬ tion des communes libres de file;

Considerant qu'en temps de guerre il est necessaire que les pouvoirs civils et mililaires soient concentres dans les memes mains;

Decrete qu'il prend la dictature en Sicile au nom de Vic¬ tor-Emmanuel, roi d'ltalie.

Salemi, 14 mai i860. G. Garibaldi. Certifie conforme :

Stef. Turr, adjudant general. Ici Garibaldi est complet, et va nous apparaitre sous

un nouveau jour; le voilk bien sur son terrain, ayant sescoudees fianches; ce n'est plus seulement l'homme de guerre en sous-ordre, te genie des guerillas, aidant les grandes manoeuvres des armees regulieres, ce sera encore l'homme civil, le genie de la cite, Porganisateur de peuple, Padministrateur, et par dessus tout le genie de la Revolution italienne n'ayant plus d'entraves autour de sa puissante originalite, pouvant developper libre— ment sa vigoureuse activite, toutes les ressources de son courage et de son intelligence, deployer dans sa pleni¬ tude toute la richesse de sa nature.

II n'y faillira pas. *>"<"•' ^ -1,"i *-

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Le 15 mai, il est k Calatafimi. Jounce memorable, premiere victoire importante de l'armee liberatrice. Laissons parler les temoins et acteurs de ce prologue du drame militaire qui va sejouer sur la scene sicilienne. Leurs redts ont je ne sais quoi de simple et de gran¬ diose k la fois qui plait au cceur autantqu'k ('intelligence.

« DETAILS ATJTHENTIQUES SUR LE FAIT D'AKMES DE CALATAF1MI ADRESSES PAR UN OFFICIER ATTA¬ CHE A L'ETAT-MAJOR DU GENERAL GARIBALDI.

Calatafimi, 16 mai. Hier matin, vers sept heures et demie, nous sommes

arrives au village de Vita, d'oii nous decouvrimes les

troupes napolitaines qui occupaient Calatafimi et ses environs. ' Notre premier corps etait commande par Garibaldi;

_ le second par le brave Hongrois Etienne Turr. Les Na-

politains ouvrirent le feu, auquel repondirent ies cara- biniers genois. La septieme compagnie (Pavesans) et la huitteme (Bergamasques), secondees par le deuxieme

corps, chargerent avec tant d'impetuosite que l'ennemi abandonna immediatement toutes ses positions.

Cairoli, frere du capitaine de la septieme compagnie, et quatre autres se sont jetes contre les canons, et ont les premiers touclte l'obusier que nous avons pris aux

Napoli tains. Malheureusement, le brave Schiaffiiii, qui s'etait

eiance presque seul contre les Napolitains, a ete hlesse" mortellement; un petit drapeau qu'il poriait avec lui a ete pris, mais ce n'est pas sans peine, car un des no- tres, parmi ceux qui etaient accourus pour defendre Schiaffini, a dechire le drapeau et n'a laisse que la

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hampe entre les mains des Napolitains. Ceux-ci, crai- gnant qu'il ne nous arrivat du renlbrt, ont commence leur retraiie, et letns positions, qui etaient tres-fortes, ont ete enlevees k la baionnette. Cependant tes Napoli¬ tains combattaient avec un incroyable acharnement : il y eut un moment oil une compagnie de chasseurs napoli¬ tains, n'ayant plus de cartouches, prit des pierres, dont une atteignit Garibaldi k 1'epaule; car, malgre nos instances, il etait toujours en tele. Les Nanolitains es- sayerent de se i efugier k Calatafimi, mais ils durent bientot Pabandonner, comme plus tard ils abandonne- rent aussi Alcamo.

Nous avons fait des prisonniers et pris un obusier, avec des bagages et des munitions. Notre artillerie a peu tire, si ce n'est vers la fin du combat, etalois.habi- lement dirigee, elle a aide k rendre la victoire complete.

Les forces napolitaines, commandees par le general Landi, etaient composees du huitieme balaillon de chasseurs, du ler bataillon de carabiniers, du ler ba- taillon du 10e de ligne et de 200 hommes de cavalerie avec 4 canons. Ils etaient 5,000 centre 1,000 que nous etions en tout lorsque notre reserve fut arrivee; au commencement de Paction nous nations pas 500.

Dix-huit de nos officiers ont ete lues ou blesses; du nombre de ces derniers sont Manin, Menotti, Garibaldi, Sirtori, Stanna, Missori, Bandi, Montanari, Palazzo, Maiocchi gravement, Graziolti et Nullo tegerement, et quelques autres dont je ne me rappelle pas les noms. Sirtori et Bixio firenl des prodiges de valeur au milieu des balles ennemies.

Ce fut un combat de lions; Garibaldi etait partout oil il y avait une position a enlever. La crainte de le voir

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frappe d'une balle ennemie redoublait notre courage et nous inspirait une envie freu6tique de tomber sur Pen- nemi.n

« Garibaldi, eerit un volontaire sicilien k un de ses amis, s'est expose comme un simple volontaire pendant tout le combat. On avait beau lui crier de se manager, il se lancait toujours au plus fort de la metee, ayant son fils k ses cotes. Ce brave jeune homme a ete blesse

legerement a la main droite. II avait pris des mains de

Peppino Campo un drapeau. Lorsque, blesse k la main, il ne put plus le soutenir, le capitaiue de marine Elio s'en saisit alors et se jeta avec fureur au milieu des Na-

politains; Ik, il fut tite, et le drapeau fut enleve; mais de notre cote nous avons pris un canon. Notre succfcs eut ete plus complet sans une soif d'autant plus ardente

que, pendant quatre heures, nous nous etions battus sur des hauteurs, sous un soleil brtilant. L'affaire avait commence a onze heures du matin. »

Garibaldi, qui ne s'endort pas sur ce premier succes, en profite au contraire pour faire appel k la coDperalion de l'interieur de Pile, ainsi qu'k la cooperation du

dehors, et propager la portee morale de ce brillant debut.

A son ami Rosolino Pilo, qui organise un corps de volontaires sur un autre point de la Sicile, il 6erit, du

champ de bataille de Calatafimi:

Nous avons combattu et vaincu. Les ennemis s'enfuient epouvantes vers Palerme. Les populations sont tres-ani- mdes et se reunissent a moi en foule. Demainje marcherai vers Alcamo. Dites aux Siciliens que c'est le moment d'en finir et nous en finirons bient&t. Toute arme est bonne pour un brave : fusil, faux, hache, un clou au bout d'un baton.

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Reunissez-vous a moi, ou harcelez l'ennemi dans les en¬ virons, si vous le preferez.Faites allumer des feux sur les hauteurs qui entourent l'ennemi. Tirez des coups de fusil tant que vous pourrez la nuit sur les sentinelles, les posies avances; interceptez les communications; incommodez-le de toutes les manieres. J'espere que nous nous reverrons bientdt.

A la direction du million de fusils, il ecrit :

Tres-estimables amis, Nous avons eu avanl-hier unbrillant fait d'armes avec les

royaux, commanded par le general Landi, pres de Calatafimi. Le succes a 6t6 complet; les ennemis ont et& entierement defaits.—Je dois convenir pourtant que les Napolitains se sont battus comme des lions, et certainement je n'ai pas eu en Italie un combat aussi acharne, ni rencontre d'adver- saires aussi braves. Ces soldats bien diriges, combattraient comme les premiers soldats du monde.

D'apres ce que je vous 6cris, vous pouvez juger quel a ete le courage de nos vieux chasseurs des Alpes et du petit nombre de Siciliens qui nous accompagnaient.

Le resultat de la v:ctoire est merveilleux : les populations sont frenetiques. La troupe de Landi, demoralisee par la defaite a ete attaquee dans saretraite, aPartenico et aMon- telepre; je ne sais combien il en sera retourne a Palerme et s'il en sera retourne quelqu'un.

Je marche avec la colonne sur la capitale et avec beaucoup d'espoir, parce qu'elle se grossit a chaque instant de bandes d'insurges qui se joignent a moi. Je ne puis vous preciser le point ou vous devez m'envoyer des armes et des muni¬ tions, mais vous devez en preparer beaucoup, et vous sau- rez bieptdt letpoint ou vous devrez les envoyer.

Adieu de cceur. Alcamo, 17 mai 1860,

Tout a vous, G. Garibaidi.

Ces appels sont entendus par des coeurs bien dignes de les comprendre, et pour qui Phiro'isme parait chose naturelle et faroiliere, tant ils l'expriment avecune

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simplicite touchante; ainsi Rosolio Pilo ecrit k Pun de ses amis a Genes :

> Maintenant que Garibaldi est au milieu de nous, toute hesitation doit cesser.

»Jeparsdemain avec 1,000 hommes pour Partenico, afin de me joindre k Garibaldi, pour executer les or-

dres que je regois par un expres, ainsi que le billet ci-

joint.(C'estlalettrequenousavonsreproduite plus haut.)

»0n nepeut se figurer combien la Revolution est de-

venue gigantesque. Hier, une colonne de 5,000 royaux, battue a Calatafimi, attaquee par Garibaldi, n'a pu re-

sister aux notres qui, apres trois decharges, ont attaque k la ba'ionnette. A Partenico, les insurges ont combat tu

contre les troupes, et la route royale etait jonchee des

cadavres des soldals qui avaient pris la fuite. La cava-

lerie a ete egalement battue, et la troupe, qui etait re-

duite a 1,300 hommes, arrivee a Montelepre, fut

mise en deroute par une erabuscade des Monteleprins. Sant'Anna et Firmaturi, avec leurs colonnes, ont mal-

traite l'avant-garde des royaux. » Les soldats decourages sont rentes dans Palerme. » J'ai reraisCarini en pleine revolutiou et j'y ai cons-

litue un comite. Sur les clochers flotte te drapeau tri-

colore, et Carini est en fete. » La cause royale est vaincue, et dans trois jours nous

serons k Palerme, oil j'espere embrasser mes amis, si

les balles me respectent. J'ai ete accueilli ici d'une

fagon que je ne saurais dire. Je suis fatigui, mais

mes forces physiques sont comme par miracla

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centupUes. Fais en sorte que cette lettre parvienne k I'UnitS italienne, avec la copie du billet de Gari¬ baldi. Je ne puis lui ecrire directement. Figure-toi que depuis huit jours je n'ai pas dormi trois heures par jour. Adieu.

» Rosolino Pilo. » Carini, 18 mai. >

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LA BATAILLE DE PALERME.

Entre te brillant prelude de Calatafimi et la grande bataille de Palerme, se place une serie de marches et de contremarches surprenantes, de manoeuvres strate-

giques qui reveient chez le grand partisan un tacticien consomme.

Ces manoeuvres, pour la reussite desquelles on n'e-

pargne pas plus la nuit que le jour, et oil Pon va jus¬ qu'k demonter l'artillerie pour la porter k dos d'hom- mes par la pluie et d'horribles chemins, avaient pour but de donner le change k 1'ennemi, d'attirer les forces

royales de Montreale, et de faire sortir une partie des

troupes de Palerme, pour se rapprocher de cette ville a

l'improviste. On y reussit en partie ; Les volontaires subissent une attaque menagante de plus de 10,000 royaux, opposent d'abord de la resistance k Pennemi, et bientot battent en retraite pour Pattirer ves Cor- teone et le mettre en presence de leur artillerie, pen¬ dant qu'ils tournent par une autre route pour se presen¬ ter devant Palerme!

C'est lk qu'une de ces luttes de geants, annoncees par Montanelli, atlendait la sainte phalange... ~

Tout le monde a lu les recits divers de cette bataille memorable.

Reproduisons-les cependant en les resumant, car on ne saurait trop mettre sous les yeux du public ces edatantes manifestations du courage patriotique, ces

prodiges de la volonte populaire, animee par le sain

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enthousiasme de la liberie, et guides par des chefs in¬ telligent et devoues.

En quel etat s'offrait Parlerme aux assiegeants? Et d'abord, cette ville est partagee en croix par

deux grandes rues etquatre portes principales. Au sud- ouest,.la mer et la porte Felice; au nord-est, Monreale et la porte Nuova; au nord-ouest, les portes Maquede et la Favoiita ; au sud-est, la porte Termini et la route de Messine. La rue qui conduit droit de la porte Nuova k la porte Felice, oil est la mer, s'appelle rue Toledo, et dans le bas, pres de la mer, le Cassaro.

Hors de la porte Nuova s'etend une grande altee bordee de villas magnifiques appartenant a la noblesse de Palerme, aujourd'hui un mouceau de ruines bi utees, piltees par les soldats du roi. Hors de la porle Nuova aussi il y a le leste des anciens murs de Palerme encore debout, le palais du due d'Aumale, la caserne des Suisses, et k gauche 1 immense caserne que Ton ap- pelle te Cataro-Venti. Le quartier est appete Paperito.

C'etait en cet endroit que le general Lanza avait mas¬ ses 18,000 hommes, proteges par les deux casernes et les debris des murs, par le palais royal et la batterie que Pon avait placee pies de la porte, par des; retren¬ chements et par des redoutes avancies elevees sur la grande route de Monreale, ainsi que par d'autres tra- vaux sur les deux cotes de la meme route; oil Pon avait postes des canons.

Deux ou trois mille hommes etaient en outre distri- bu6s enlre le palais royal et la cathedrale, en dedans de la porle Nuova; cinq cents hommes dans le couvent desjesuites, sur la rue de Toledo; deux mille canapes sur la place de la Marine, peu loin de la porte Felice,

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vers le Cassaro, et d'autres a la Jouane, k Castella-

mare^ aux finances, au palais Pretorio et au palais du commandant de la place, au Quattro-Cinloni, c'est-k- dire a ce point oil les deux grandes rues qui partagent Palerme se croisent. En tout, 25 k 28,000 hommes.

Toutes les portes, k l'exception des quatre princi- pales, avaient ete murees, on avait fait de. meme de toutes les ouvertures, fenetres ou balcous situes kproxi- mite des quartiers oil stationnaient les troupes royales.

La police avait fait enlever le battant k toutes les

cloches. Voila le theatre, et une partie des acteurs, pour ce

drame emouvant et terrible qui va se jouer lout k

Pheure. A trois heures et demie du matin, le dimanche

27 mai, jour dela Pentecote, les soldats du roi etaient tous sous les armes, chacun k son poste. Un silence lu-

gubre planait sur la cite, semblable k ce calme mena- cant et lourd qui precede la tempete

Tout k coup, un fort detachement de lanciers, en-

voye en reconnaissance du cote de Misilmeri, el un de¬ tachement de dragons envoye egalement en reconnais¬ sance du cote de Monreale, etaient revenus pour donner

l'alarme, ayant ete accueillis aux avant-postes des in-

surges a coups de fusil et ayant remarque" que le camp se mettait en mouvement,

A trois heures et demie, en effet, Paube commen- cait k peine k poindre, les senlinelles avancees napolh litaines donnerent le signal de l'arrivee de l'ennemi. Garibaldi avait partage son monde en trois colonnes; il commandait en personne celle du centre, qui tenait la grande route; le baron Stocco, quoique blesse k Ga-

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latafimiconduisait Paile gauche; La Masa, Paile droite. Le peu d'artillerie des volontaires etait masque par la colonne du centre.

Ces tro's colonnes procedaient loin Pune de Pautre a un tir de carabine. Les royalistes, qui lesattendaient, les accueillirent par un feu formidable d'artillerie. Les jnsurges se mirent au pas de course, sans tirer un coup. Alors, de la caserne de Quattro-Venti, le gene¬ ral Colon na se lanca avec un corps de cavalerie; mais la colonne de Garibaldi s'entrouvrit, et te colonel Or- sini fit jouer la mitraille. La cavalerie napolitaine recula en desordre; Garibaldi la poursuivit, protegee par le rempait des fuyards, et le voili qui se Irouve en face des chasseurs, commandes par le general Bosco.

La fusillade commence. 11 elait cinq heures du ma¬ tin; les insurges etaient k decouvert; les royalistes, derrifere les remparts des vieux murs de Paperito, der- riere les barricades et les redoutes. Les insurges sici¬ liens, nouveyux au feu, parurent un peu ebrantes. Garibaldi fit sonner la charge, c'est son cordial de bataille, et tous se jettent sur l'ennemi la baionnette en avant. Une metee horrible s'engage. Le general Ca- taldo vient en aide avec les troupes cantonnees dans la ville. La bcucherie dure jusqu'k dix heures.

Les royalistes avaient perdu lous les canons posies aux redoutts avancees; les trois colonnes des insurges desormais ne formaient qu'une seule masse. Les ro\a- listes chasses de leurs positions, sont refoutes vers la porte Nuova. Stocco s'empare de la caserne des Suisses et y fait prisonnieres deux compagnies qui presentent les armes en criant: Vive Pltalie! L'aile droite in- Yestit la forte caserne des Quattro-Venti, y prend huit

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pieces d'artillerie et fait rrisonniers deux regiments avec le general Salzano. La troupe royale entre en de- route dans la ville et entile la rue Toledo. I

Tout k coup le tocsin sonne a tous les clochers comme

par enchantement; le peuple se jette dans les rues d'un mouvement unanime et formidable, et commence k dresser des barricades, k harceler les soldats du roi. Sur le foro Borbonico ou place du Palais-Royal, le ge¬ neral Linza tache de former un carre des troupes qu'il avait retirees de Castellamare et de reteuir les fuyards. Le drapeau tricolore est hisse k Pinstant meme k Pho- tel des ministeres, sur cette place, ainsi que sur le do— eher de la catriediale. Le general Lanza fait tirer aux croisees ; mais eu meme temps on voit res memes dra-

peaux italiens aux pa'ais Linguaglossa, Caiini, Arenzi, Rifo, Rudini, Larderia, Acelo et sur toutes les mai- sons de la rue Toledo.

Les troupes qui se retirent par lk sont ecrasees sous les projectiles de toute espece qu'on leur jette des croi¬ sees. On a jetejusqu'a des pianos. Tout est bon : les femmes predpitent des pots de fleurs, des consoles, de Ptau bouillante; les hommes lirent des coups de fusil ou de pistolet, ou ils descendent dans la rue. Accueillis

par celte averse meurtriere qui renouvelle la terrible tragedie des Vepres Siciliennes, les fuyards tournent k gauche, par la rueCinturinari, place Carafello, pla¬ ces Fonderia et Mercato, et vont chercher un abri dans le fort de Cas'ellamare. Une partie se renferme dans le palais royal, k la porte Nuova.

Les bourbonniens ayant ainsi disparu, les insurges qui les poursuivent paraissent k la porte Nuova. En ce moment, le bombardement commence par terre et par

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mer avec la rapidite de trois bombes par minute; les vaisseaux de guerre embosses k la porte Felice, en face de la porte Nuova, mitraillent et balayent la rue de Toledo. II etait une heure. Garibaldi est oblige de s'arreter un instant hors de la porte Nuova, dans le

quartier Paperito, occupe le matin par les royalistes. En attendant, on prepare des barricades mobiles

avec des fagots, avec des matelas. La colonne comman- dee par Stocco et la compagnie La Masa tournent alors la ville vers te nord et se presentent k la Favorita, pres de la porte Maqueda, qui n'est pas loin du fort Castel- lamare et qui garde la marine. Une autre colonne tourne k droite et se dirige vers la porte Termini.

Lorsque Garibaldi sut que les siens se montraient de ces cotes, il s'avanca jusqu'aux Quattro-Cantorri, sous la mitraille des navires et des forts, et vint installer son quartier general dans le palais du commandant de la place. Son etat major et Turr occupent le palais Cretorio, oil stegeait dejk le comite revolutionnaire de Palerme. Le feu du chateau ct des maisons avait cesse, ou pour mieux dire s'etait ralenti. Le corps consu¬ lage et les commandants des navires etrangers, ceux de PAutriche compris, avaient presque impose cette

suspension de Pinutile et vandale ressource du bom- bardement.

Les troupes royales, refoutees vers la mer, se remet- taient en ordre sur la place de la marine, et les plus demoralisees se tenaient tapies dans le fort ou dans la maison de la douane et aqx Finances, pr£s de la mer, sur le Cassaro, protegees par les vaisseaux de la porte Felice et les canons du chateau. Garibaldi etait maitre de toute cette partie de la ville qui.s'e^end au nprd»

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entre la porte Maqueda et la porte de Termini. La ville, insurgee partout; partout des barricades pour empedier le letour des troupes vers les quartiers deiivres. Les soldals, dans le palais royal asstege, coupes du reste de

Parmee, ne faisaient plus de resistance. A six heures, le bombardement recommence afin

d'empedier les insurges de marcher sur les troupes royales. Ce bombardement, k longs iutervalles et comme

pour acquit de conscience, dura toule la nuit. Le ma¬ tin du 28, Garibaldi se disposait a prendre d'assaut le fort Castellamare, faiblement fortifte du cote de terre, et dejk Partillerie prise aux royalistes k la Flora allait s'installer sur la plaine de la Sanita, lorsqu'un com- missaire du marechal Lanza se presente et demande une suspension d'armes. Elle fut accordee.

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L'ARMISTICE.

I/araour pour priucipe, l'ordre pour base j le progres pour but.

S L'homme qui vient de se battre comme un cceur in-

trepide que le mepris de la mort et l'amour de la liberty ont consacre et cuirasse, comme un general habile, experimente, qui s'entend aux termes de la strategie, va maintenant discuter les conditions d'une treve, d'une

capitulation, d'un traite de paix peut-etre, avec la sa-

gacite d'un homme politique consomme, avec une deii- catesse toute chevaleresque.

A la hauteur oil plane son ame, Pinjure n'a su Pattein-

dre; dans Pentrevue qui a eu lieu entre lui et le general Lanza a bord du vaisseau anglais /'Annibal, il accueille avec courtoisie les representants, les officiers de ce roi

par la grace de Dieu, force aujourd'lmi de se faire hum¬ ble, et de trailer avec Yaventurier, le jlibustier, le

brigand, comme il n'avait cesse de le-qualifier depuis le commencement des hostilites.

II ne songe pas k faire sentir aux vaincus de Pabso- lutisme la grandeur de sa position actuelle. II se con- tente de repousser avec dedain ce qui, dans leurs pro¬ positions, lui parait deroger k l'honneur de sa cause.

De retour du vaisseau parlementaire, il harangue de la terrasse du palais Pretorio ce peuple qui sait lire dans son regard rayonnant Passurance de la victoire et la confiance dans la force compacte d'un pays transports d'enthousiasme.

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Aprfes les acclamations et les vivats, Ie silence se re~ tablit spontanement; il dit alors d'une voix male et avec une expression hero'ique :

L'ennemi m'a propose un armistice. — J'ai aceepte les conditions que 1 humanite me faisait un-e loi d'accepter. c'est-a-dire eloigner les femmes et les blesses. — Mais au nombre des reclamations il y en avait qui etaient humi- liantes pour la brave population de Palerme, je les ai reje- tees avec mepris. Le resuliat de ma conference de ce jour a done ete qMe les hostililes seraient reprises demain. Mai et mes compagnons nous sommes impatients de combattre a cole des fils des Vfipres dans une baUille qui brisera le der¬ nier anneau de cette chaine qui reteuail garoltee cette terre du genie et de l'heroisme.

Le 31 mai, la treve expiree, un nouveau parlemen- taire, te general Letizid, se presente au dictateur avec dis propositions du commissaire royal general Lanza, pour nn nouvel armistice.

Le dictateur, cedant k se> instances, pnr des motifs d'humanite, consent k prolonger pour trois jours la sus¬ pension des hoslilites, et publie la proclamation sui- vante :

L'ennemi nous a proposfi un armistice que, suivant les lojs d'une guerre genereuse telle que celle que nous faisons, j'ai juge raisonnable de ne pas refuser. L inhumation des morts, les soins a donner aux blesses, enfin tout ce qui est reclame par les lois de l'humanite, honoie toujours la valeur du soldat italien. D'un autre c6te, les blesses napolitains sont aussi nos freres, bien qu'ils nous fassent une guerre cruelle et qu'ils soient plonges dans les tSnebres de l'erreur politique. 11 n'y aura que fecial de l'etend?rd national qui les decidera un jour a grossir les rangs de l'armee italienne. Et afin que les engagements contractus soient rigoureuse- ment observes et avec une loyaute digne de nous, nous publions ce qui suit:

(Suivent les articles de la convention.)

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— Ui —

Si Phumanite n'est pas oubltee, les devoirs que com- mande la situation ne le sont pas davantage.

Le lendemain, ler juin, cette energique proclamation les rappelle aux Siciliens :

Presque toujours la tempete suit le calme, et nous devons nous prepaier a la tempete, jusqu'a ce que le but apres le- quel nous soupirons soit entierement atteint.

La situation de id cause nationale fut brillante, le triom- phe fut ass-ure du moment ou un peuple genereux, foulant aux pieds dhumihantes propositions se decida a vaincre ou a mourir.

Oui, notre situation s'ameliore a chaque instant; mais cela ne nous dispense pas de faire notre devoir, de hater le triomphe de notre cause.

Des armes doie et des soldats; aiguisez vos fers, prepa- rez tous les mojens d'attaque et de defense. Nous aurons assez de temps pour les fetes et les vivats, quand le pays sera debarassede nos ennemis.

Des armes et Jes soldats, je le r6pete Qui nepense pas a prendre une arme pendant ces trois jours est un traitre et un lache, et le peuple qui combat au milieu des ruines et des decombres de ses maisons incendiees pour la liberty de ses femmes et de ses enfants ne peut etre ni lache ni trailre.

Palerme, I" juin 1860. Garibaldi.

Bien tot Parmistice se transforme en une capitulation qui livre au liberateur, k la Revolution triomphante, Palerme et la Sicile tout entiere affranchie, k Pexcep- tion de Messine.

'Ce resultat merveilleux est du au moins autant a la

maguaniniite, k la generosite dont le dictaleur fit preuve dans ces brulantes circonstances, qu'k son attitude ener¬

gique et aux resolutions Itero'iques qu'il avait su ins-

pirer k la population sicilienne.

Quoi de plus contagieux, en effet, que la douceur dans la victoire?

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— t i 5 —

A ceux qui lui objectaient que Parmistice permet- trait k l'ennemi d'envoyer des renforts, il rlpondait que plus on enverrait contre lui de soldats, plus il avait de chances d'en convertir a' sa cause, et de s'en faire des amis.

Quand la victoire etait encore incertaine, quand il

n'occupait encore qu'une parlie de la ville, le forban, le brigand sanguinaire, poussait Pinfamie jusqu'k laisser entrer des vivres dans les forts d'ou la ville etait bombardee. Que dis-je! des\ivres, c'est lui qui en en- voie aux Napolitains refugi^s dans le Palais-Royal et

qui mourraient de faim sans lui. Les Napolitains qui se rendent k son caiip sont trai-

tes en freres, et s'ils ne veulent pas combattre dans ses

rangs, ils deposent leurs armes et sont libres. Dans les intervnlles de treves, il gagne l'estime et l'affection des officiers avec lesquels il parte. II offre k Lanza de faire

soigner dans Palerme les blesses qui ne pourraient pas supporter les fatigues d'un voyage d'evacuation.

A vingt-cinq mille hommes de troupes royales demo- ralisees dont il tient dans sa main puissante les desti¬ nes, qu'il potirrait faire massacrer sans pitte en dedia:- nant contre eux la fureur populaire, il accorde une

capitulation honorable. 11 etend sa protection jusqu'aux sbires, hier encore

si violents, si cruels, aujourd'hui humbles et se ca- chant. Un decret defend de les poursuivre.

Un autre decret punit de mort « les coupables d'as- sassinat, de vol, de pillage de toute nature. »

Victorieux, Phomme de guerre aussitot fait place k

l'organisateur; toutes les branches de Padministration se nettoient, s'emondcnt, reprennent force et se deve-

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loppent sous sa main qui feconde; la Ioi est substitute a la police, la justice k l'arbitraire, Pordre k la confu¬ sion.

II ne se contente pas d'affranchir, il donne au peuple la vie civile.

II a fait la guerre en chevalier chretien; il a lutte, il a parte, selon les traditions de la vieille chevalerie, hor- mis une : nulle part dans sa conduite on n'apergoit trace de mobiles surhumains; dans ses paroles nulle invoca¬ tion de motifs celestes; le devoir, humainement com¬

pris, telle est sa regie; Pappel aux forces vives, k la volonte de ses semblables, tel est le levier avec lequel il remue et transforme te monde...

C'est par lk que le chevalier est tout moderne et suit les traditions de la Revolution francaise.

Telle a ete, telle est et sera la conduite de l'homrae *

que le roi de Naples, et tous les organes du passe a la suite, nommaient, et qu'ils nommeraient encore volon- tiers, un aventurier et un brigand. Mettons celte con- <luite en regard de celle de ce roi par la grace de Dieu

qui, par la main de ses soldats plonges k dessein dans les tenebres de Pobscurantisme, a promene k travers villes et campagnes la devastation, le pillage, l'incendie et la mort; qui a mitrailte, du hant de ses navires et de ses forts, une cite de 200,000 ames, non pas avec

l'espoir de la reconquerir, mais par un voluptueux amour du carnage et de la vengeance, et pour inspirer la terreur k ceux de si s sujets encore soumis k son au- torite, s'inquietant peu d'abattre des masses d'hommes, de femmes et d'enfants, pourvu qu'il reussit k faire un exemple et k tuer quelques insurges armes dans la metee.

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Cet abominable carnage est termine pour le moment; mais ne negligeons pas de tirer parti du r6pit que cela nous donne pour faire remarquer que, dans cette lutte

desesperee, c'est le peuple insurge qui s'est montre, sous la direction de son illustre chef, modere et miseri- cordieux autant que brave, et que c'est le tyran cou- ronne qui a ete impitoyable, sanguinaire et feroce.

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CONCLUSION.

Ne negligeons pas non plus de tirer des merveilleux evenements qui se deroulent sous nos yeux le haut en- seignement qu'ils renferment. Dans Palerme,dans cette ville foudroyee par les bombes et couverte de ruines, on n'entend que ces cris : — Vive Garibaldi! vive Victor-Emmanuel! vive l'ltahe unie! -» A Pautre ex- trernite de PItalie, k Milan, 1'election, presque kl'una- nimite, fait de Garibaldi le representant de la capitate de la Lomhardie. Ces deux grandes voix, celte du midi, qui sort joyeuse et enthousiaste du milieu des de- combres, pour saluer 1'aurore de la liberte sicilienne et le jour de Punion italienne, celte du nord qui sort, pacifique et legale, de Purne electorate, prouvent ce que Garibaldi a su accomplir en Italie, quelle influence une sainte cause, bien dirigee, peut exercer sur un peuple, et veulent dire : « — A Naples: Sois libre k ton tour; — k Rome et k Venise : Esperez; — au gouvernement piemontais : Osez, et vous pourrez; — aux etrangers, amis et ennemis : L'ltalie le veut ainsi! »

Oui, l'ltalie le veut ainsi! et Garibaldi, qui lui a donne conscience de sa force, Garibaldi, par qui cette volonte s'est incamee dans vingt-cinq millions d'ames et est devenue desormais irresistible, ne cedera pas tant que le triomphe n'en sera pas assure.

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« Tant que l'ltalie, — a-t-il dit dans sa reponse k la municipality de Palerme, — ne sera pis loute en- tiere reunie et libre, la cause d'aucune de ses parties ne sera pour moi gagnee. Renouer toutes ses parties lacerees, dispersees et asscrvies, les mettre en etat de

pouvoir composer l'ltalie une et libre, tel est Pobjet de mon entreprise. a

Cette entreprise, sans doute, peut subir encore des vicissitudes, des lenteurs, rencontrer bien des obsta¬ cles, mais le general sait, par tout ce qu'il voit se pro- duire autour delui, ce que le peuple renfermede de~ vouement et d'heroisme; il a entendu, a-t il dit, le ru-

gissement de lion qu'il poussa, quand il s'agit, k

Palerme, de rejeter les transactions offertes par l'abso- lutisme a demi-vaincu. C'est en vain, auiourd'hui, que ce dernier pense pouvoir s'abriterk Pombredu drapeau tricolore, comme autrefois un criminel s'abritait k l'ombre de l'antel.

Saint drapeau Remarquons toutefois en passant sa feconde et bienfaisante influence, el comment, ou qu'il flotte, meme sur le sol le plus in'grat, il y fait aussitot edore des germes d'affranchissement, de justice et de bien-etre.

A Naples, une ordonnance du 9 juillet abolit a ja¬ mais les prisons criminelles ou secretes, especes de tombeaux vivants et de chambres de tortures, conser¬ ves du moyen-age, et dont les horreurs ont ete souvent racontees.

Un decret abolit la bastonnadeetdissout les com¬ missions chargees de faire appliquer cette humiliante

peine corporelle.

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Un autrt decret remet tous les emigres en possession* de leurs biens confisques.

Un autre diminue des deux tiers les droits d'entree sur les huiles. Mais

« Timeo Danaos et dona ferentes. »

Aussi bien, il est trop tard! l'edifice vermoulu craque de toutes parts et tombe de lui-meme en mines. Le lazzaroni commence k se sentir peuple et italien. On entend de sa bouche sortir des mots nouveaux : « Vive Garibaldi! vive Victor-Emmanuel! vive Pita- lie » La desertion, maladie salutaire, fait dans Par- mee napolitaine des ravages effrayants... pour la dy- nastie. Les evenements s«e precipitent... Garibaldi a besoin d'augmenter sa flottille, d'en faire une escadre... Attendez, de la marine napolitaine, void venir dansle port de Palerme, le Vdloce, un grand vapeur, puis k sa suite, deux autres vapeurs napolitains, I'Elbe etle Due de Calabre, avec quantite" d'argent, de muni¬ tions et de vetements. Puisse ce bon exemple etre suivi par d'autres, et, presque sans coup ferir, /'Italie se fera.

En tous cas, Garibaldi ne perd pas de vue ce grand but: il y travaille resolument; il s'y prepare par tous les moyens en son pouvoir. II a bien compris son role de dictateur. « Je ne suis pas, a-t-il dit, un roi conslitutionnel. Je gouverne et je ne regnepas. C'est moi qui suis responsable. »

C'est sous 1 empire de cette juste consideration qu'il vient de faire l'apprentissage du gouvernement politi¬ que, et de degager son entourage gouvernemental des.

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elements qui etaient de nature k contrarier, k compro- mettre peut-etre, son action, et la marche de sa grande

entieprise. Homme d'inspiration etde vues generates et

hautes, il connait et entraine les masses avec lesquelles il est naturellement en communication pui»sante par la largeur et la loyaute de ses desseins; mais, pris in-

dividuellement, il connait peu les hommes, surtout

ceux qui recherchent les regions du pouvoir. La de¬

fiance necessaire dans ces regions lui pese et l'abat.

Contre Pintrigue et les menses qui s'y ourdissent si

facilement et si habituellement, il n'a su jusqu'k pre¬ sent se mettre suffisamment en garde. De la vient

qu'il n'est pas toujours heureux dans ses choix, et que des ambilions sournoises de toutes couleurs s'insinuent

k l'ombre de sa popularite, jusqu'au jour, pourtant, oil

il les secoue violemment, pour se retrouver seul, libre

et fort, en presence de la grandeur de sonbut, avec la

nettete et la fermete de ses plans avec son cortege de

jeunesse et d'enthousiasme. Ainsi vient-il de faire, en expulsant La Farina qui,

par ses menees quotidiennes, avait lasse sa longani- mite bien connue, et en modifiant profondement son

ministere. Ce dernier, tel qu'il est constitue aujourd'hui, est

pleinement du choix du general; c'est dire qu'il est

tout devoue k la politique d'action et d'independance

inaugureepar Garibaldi. Les nouveaux ministres ont fait leurs preuves :

Amari, l'historien, exile, a longtemps habite la

France, et ses ceuvres y sont populaires. Errante est un poete et un homme d'Etat tout a 'a

fois.

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Interdonato est, par-dessus tout, un bomme de li- berte" et de probite connue. Depute sicilien en 1848, ildut, apr£s la chute de la Revolution, chercher, comme tant d'autres, un asile en Ptemont. La, sans fortune, prive de ressources, charge de famille, cet homme aussi simple que grand, fut tour a tour collaborates de Bianchi Giovani a YJJnione, maitre d'ecole pendant plusieurs annees dans un village voisin de la Spezia, directeur du Slendardo, sous te ministers Ratiazzi. Le retour de M. de Cavour aux affaires ayant amene la disparition du Stendardo, Interdonato vecut pen¬ dant quelque temps de ses maigres economies et partit pour la Sicile aussilot aprfes la prise de Palerme.

Ces trois hommes sont lies par des idees communes et par une sympathie rare; te jour de leur depart pour la Sicile, ils etaient tous reunis pour un diner d'adieu chez Berlani, cet autre ami devoue, cet inflexible re- presentant de Garibaldi sur te continent.

Au point central, kPalerme, le mouvement national est en bonnes mains...

En non moins bonnes, du .cote de Messine En effet, void Medici qui, nomine commissaire-general de la province de Messine, annonce aux Siciliens les graves eWenements qui se preparent;

< Vous, premiers et seuls, leur dit-il, avez com¬ mence la lutte contre l'oppresseur; vous. avez combattu valeureusement, vous avez vaincu. Benies soient vos armes!

» Nous, volontaires de la patrie qu'ont illustree les champs de la Lombardie, nous accourons vers vous,

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pousses par le devoir. Nous avons deja combattu en¬

semble, nous combattrons de nouveau, et de nouveau nous vaincrons, parce que nous sommes unis.

» Garibaldi, notre chef supreme, m'envoie auprfesde vous. Son nom constilue notre programme, et est pour le moment la garantie de tous.

» Nous rendrons entierement libre cette antique et glorieuse terre qui nous vit naitre.

- Animes d'un seul principe, nous consacrerons no¬ tre pacte de solidarity au pied de PEtna. Nous le re- nouvellerons devant te lion de Saint-Marc, pour le de- livrer du joug de l'etranger, etdans peu nous garderons au Capitole le drapeau tricolore »

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On le sent, Garibaldi va se remettre en campagne. Mais avant de partir, ce grand et bon cceur eprouve le besoin de s'epancher encore en faveur de la partie la plus petite, la plus infime et la plus oubltee de l'hu- manite, mais qu'il n'a pas oubliee, lui! car ce n'est pas en vain que chaque jour, des quatre heures du ma¬ tin, il etait dehors, k cheval, visitant les quartiers, les etablissements publics. Et ce n'est pas sans cause que partout oil il passait, il etait salue avec frenesie par le peuple.

« Laissez venir a moi les petits enfants, disait le Christ. >

Garibaldi faisait mieux : il allait trouver les petits enfants, les petits orphelins. Et c'est k eux qu'il songe au milieu des graves preoccupations du depart, c'est en leur faveur qu'il fait aux dames de Palerme ce touchant appel:

« Vous que j'ai vues a Pheure du danger, belles d'indignation et de sublime patriotisme!... je me presente k vous avec confiance, aimables Palermi- taines! pour vous confesser un acte de faiblesse de ma part. Moi, vieux soldat des deux mondes, j'ai pleure avec l'emotion dans le cceur!... J'ai pleure non

»

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k la vue des ruines du bombardement et des cadavres mutites; mais k la vue des petits enfants et des orphelins condamnes k mourir de faim!... A Phospice des or¬

phelins, sur cent enfants au berceau, quatre-vingt-dix meurentfauted'aliments!...Uneseulenonrrice nourrit

quatre de ces creatures faites k Pimage de Dieu!... Je laisse k penser le reste k vos ames genereuses, dejk assez affligees par ce triste avis.

« Parmi les separations que j'ai subies pendant ma vie... la plus sensible sera cerlainement celle qui m'e-

loignera de vous, population si chfere k raon cceui Ca

jour-la je serai triste: mais j'espere que ma tristesse sera adoucie par vous, dans l'esperance et avec la con¬ viction que les innocentes creatures abandonnees, stir

lesquelles le malheur plus que la faute a jete une tache d'infamie... repoussees de la societe humaine... con- damnees k une vie d'opprobre et de miseres, ces mal- heureuses creatures, dis-je, restent confiees aux soins

predeux de ces clteres dames, auxquelles je suis lie

pour la vie par un sentiment ineffacable d'amour et de teconnaissance. »

Ah partez, grand et noble cceur, si toutes vos me- sures sont prises, si le moment est venu de reprendre votre ceuvre liberatrice, partez vite, et partout oil la vic¬ toire conduira vos pas, seinez ainsi en faveur de la

pauvre et souffrante humanite, semez la parole de vie!... * Evitez surtout, cher general, comme vous 1'ecrivait

nagufcre un de vos amis (1), evitez le poignard des.

Napolitains. > Evitez aussi la balle des combats!...

(1) M. Alexandre Dumas.

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Et pour vous premunir contre ce double danger qui sans cesse vous menace, el que sans cesse vous affrontez sans peur, de grace, ne negligez pas de porter sur cette chemise de laine rouge, avcc laquelle maintes fois vous avez preside le conseil de vos secretaires d'Etat, homme simple et sublime, ne negligez pas de porter cette cotte de mailles a l'epreuve du poignard et de la balle, si flexible, si tegere, d'un travail si parfait, qu'elle peut se porter sous Puniforme, comme ui e chemise, et que vient de vous expedier Paris, par la main d'un de ses enfants. Tant votre existence est chere a l'Humanite! Ce cadeau, si je ne me trompe, ne manque pas de prix car il temoigne hautement de celui que le monde attache k votre vie ; et vous etes le premier pour qui un pareil temoignage se soit ainsi produit spontanement! (1)

La France qui suit de loin, avec admiration, cette magnifique Iliade du general italien, ne peut en entra- ver le cours. L'Empire a epouse la cause des nationa¬ lites et en a fait sa raison d'etre. Sous l'intelligente et vigoureuse initiative de Napoleon III, le principe de la souverainete nationale et son mode d'expression, le suffrage universel, sont entres dans le droit public de l'Europe Chaque peuple dejk, s'y affirme le maitre de sa destiitee. Puisse Garibaldi faire bientot triompher d'un bout k Pautre de sa chfcre Italie, ce principe re- novateur I Puisse-t-il aussi, sa mission accomplie, aprfes avoir donne au monde entier un splendide

(1) C'est une dame, venant directement de Paris, arrivee le 4 juillet a Turin, et repartie aussitdt pour Genes et la Sicile, qui porta au general ce cadeau d'un armurier fran- •cais.

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exemple d'audace et d'hero'isme militaires, lui donner un non moins grand exemple d'abnegation et de gran¬ deur civique, en se retirant, pour couronner sa noble earriere, dans la simplicity de la vie privee, en repre- nant son existence agricole et desinteressee de Pile de Caprera.

La vieille Europe, alors, n'aura plus k envier au Nouveau-Monde son Washington... Et pour elle, kson tour, et sur ce'sol antique seme encore de tant de ger- mes d'ambitions personnelles, triste depot d'un passe" qui s'en va, poindra Paurore des grandes vertus civi- ques, des magnanimes desinteressements.

25 juillet 1860.

FIN.

Argenteui!, Impnmerie de Worms et Cie.

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