Accidents médicamenteux
L’exemple des anticoagulants
Alain CariouRéanimation Médicale Cochin
Séminaire de Thérapeutique GénéraleModule 11 – 2011-12
Faculté de Médecine Paris Descartes
Les accidents liés aux anticoagulants sont dominés par les hémorragies, quelque soit le type de traitement : héparine non fractionnée (HNF), héparine de bas poids moléculaire (HBPM), antivitamine K (AVK). Les autres accidents plus rares et parfois sérieux doivent être identifiés et si possible prévenus.Connaître les complications potentielles liées aux anticoagulants est la condition d’une utilisation rationnelle adaptée à chaque patient et d’un rapport bénéfices/risques optimal.
Accidents hémorragiques des anticoagulants : Caractéristiques communes
Accidents hémorragiques des anticoagulants : Caractéristiques communes
Peuvent mettre en jeu le pronostic vital :Par leur importance (anémie aiguë, choc hémorragique)
Par leur site (névraxe, rétropéritoine)
Par la nécessité d’interruption du traitement (thromboses)
Gravité variableTerrain à risque
Mode d’administration et indication (curative ou préventive)
Type de traitement (antithrombotique ou anticoagulant)
Diagnostic parfois difficileHémorragie occulte (tube digestif, cavité profonde)
Anémie inexpliquée
Module 11 2011-12
Accidents hémorragiques liés aux héparines (HNF, HBPM)
Incidence variable selon :- l’intensité de l’anticoagulation- le mode d’administration du traitement- la durée du traitement- l’âge - le sexe (F > H)- la qualité du suivi par les test de coagulation- les pathologies associées :
* lésion cérébrale ou digestive à risque* insuffisance rénale ou hépatique* traumatismes récents ou potentiels
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Accidents hémorragiques liés aux héparines (HNF, HBPM)
Effet de la dose :Fréquence des hémorragies sévères plus grande en traitement curatif (environ 5 %) qu’en traitement préventif (environ 1 à 2 %)
En cas de traitement préventif, risque potentiel voisin quelque soit le produit utilisé (HNF ou HBPM)
Mais pas de différence significative :selon le nombre d’injections sous-cutanées quotidiennes (2 ou 3)
selon la voie d’administration, IV ou SC
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CAT en cas d’accident hémorragique survenant sous héparine
1. Arrêt du traitement immédiat et total 2. Compensation des pertes sanguines par transfusion(s)3. Sulfate de protamine (antidote)
Dose fonction de l’héparinémie mesurée ou présumée (dose d’héparine injectée, délai depuis la dernière injection d’héparine, mode d’administration)
Traitement en 2 à 4 injections, réparties sur 24 heuresAttention :
Demi-vie très brève de l’antidote (quelques minutes) : possibilité de rebond secondaire d’héparinémie en cas d’injection sous-cutanée d’héparineSi HBPM : la protamine inhibe unité par unité l’activité anti IIa, mais ne neutralise que partiellement l’activité anti Xa
Doses généralement utilisées : pour HNF (posologie correspondant àun traitement curatif) 1000 UAH (Unité Anti-Héparine) de protamine neutralise environ 1000 unités d’héparine, dans les 6 heures qui suivent l’injection
Prévention des accidents hémorragiques sous héparine
1. Réévaluation régulière des indications
2. Respect des contre-indications
3. Surveillance biologique• TCA, héparinémie, numération plaquettaire ;
• activité anti XA (traitement par HBPM), pour juger de la sensibilité
individuelle des patients, notamment en cas de patients âgés, insuffisants
rénaux ; prélèvements à faire au 2° jour de traitement, entre la 4° et 6°
h après l’injection
4. Connaître les demi-vies des produits : environ 1
heure pour HNF-IV, environ 4 heures pour HBPM.Module 11 2011-12
Accidents hémorragiques survenant sous AVK
Il existe en France 600 000 malades traités par AVK :
● cardiopathies emboligènes : fibrillation auriculaire (0,4 %
de la population), valvulopathies, prothèses valvulaires, infarctus
compliqués ;
● infarctus du myocarde : prévention d’emboles, de récidives
si intolérance à l’aspirine ;
● maladie thromboembolique veineuse (100 000/an en
France) : prévention (chirurgie de hanche), traitement curatif
pour thrombose veineuse et embolie pulmonaire, prévention
des récidives
● prévention de thromboses sur cathéter
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RisqueAccident
hémorragique
BénéficeAbsence de
récidive thrombotique
Accidents hémorragiques survenant sous AVK
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Accidents des anticoagulants : Antivitamines K (AVK)
Accidents non hémorragiques plus raresDérivés de l’indane-dione (phénindione++)
HépatiteAgranulocytose
Dérivés de la coumarine : bulles et nécroses cutanées
Accidents hémorragiques fréquents10% des malades traités - 17 300 hospitalisations annuelles
1 à 5 cas pour 100 patients traités par année
Souvent mineurs (hématomes, ecchymoses)
Parfois très graves (1 à 2% des patients traités)Hématomes intra-crâniens (AVK => 20% des hémorragies cérébrales)Hématomes profond (rétropéritoine, gaines musculaires)
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DossierMonsieur P. , 59 ans, adressé aux urgences pour hémorragie digestive hauteAntécédents /
Hypertension artérielle traitée par Sectral®
Ulcère duodénal traité médicalement 6 ans en 1998
Habitus et mode de vieIngénieur en activitéMariée, 3 enfantsAucune intoxication
DossierHistoire récente :
Hospitalisé pour une phlébite profonde du membre inférieur droitTraité initialement par HBPM puis relais par Previscan® depuis 6 semaines (surveillance ?)
Aux urgences :PA 82 / 40 mmHg - FC 68/minPâleur et froideur des extrémitésPalpation abdominale : douleur provoquée de la région épigastrique, sans défense ni contracture
DossierBiologie
NFS :hémoglobine 5,2 g/dcl - GB 9800/mm3 - plaquettes à 356.000 / mm3
TP 8% et INR 9,2Na 138 K 4,3 Urée 8,2 Créat 67ASAT 23 ALAT 24 Bili T 15ECG normal
Dossier
Quelle est votre attitude pratique concernant le traitement anticoagulant ?
5 pts : Arrêt AVK PPSB = Kanokad® 20 à 30 UI/kg IVLVit K1 = 10 mg IVLPas d’anticoagulant dans l’immédiatINR à 30 min puis INR / 8 h 00
Accidents hémorragiques des AVK : Facteurs de risque liés au patient
• Lésions hémorragiques sous-jacentes (notamment cérébrales et
digestives)
• Antécédents d’hémorragies, d’accident vasculaire cérébral
• Age du patient
• État psychiatrique ou facteurs sociaux
• Sexe : accidents hémorragiques plus fréquentes chez les femmes âgées
• Acte invasif, notamment cathétérisme artériel
• HTA non contrôlée
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Accidents hémorragiques des AVK : Facteurs de risque liés au mode de traitement et de surveillance
• Intensité du traitement
• Suivi du traitement : importance du respect des zones
thérapeutiques d’INR en fonction de la pathologie
• Stabilité du traitement : risque accru en cas d’instabilité
de l’INR (les produits à longue demi-vie permettent une
stabilité plus grande)
Module 11 2011-12
Accidents hémorragiques des AVK : Facteurs modifiant la sensibilité au traitement
1. Déséquilibre du rapport vitamine K/AVKTroubles du transit (absorption)Modifications du régime alimentaire (aliments riches en vit K1 et pris en grande quantité :
choux, choucroute, épinards, tous légumes à feuilles vertes, carottes, crudités, abats, céréales)Modification du métabolisme des AVK (alcool, hyperthyroïdie, cancer, états inflammatoires)2. Interactions médicamenteuses (CI ou nécessitant des adaptations posologiques) :
* potentialisation :1. CI car risque hémorragique : aspirine, AINS (phénylbutazone; rofécoxib), antifungiques
(miconazole), tétracyclines et dérivés2. précautions d’emploi (ou contre-indications relatives) : antiagrégants plaquettaires,
antibiotiques (notamment les cyclines), antituberculeux (INH), antiarythmiques (amiodarone, propafénone), certains hypolipémiants (fibrates, statines), antiulcéreux (cimétidine, oméprazole), allopurinol, certains antidépresseurs, corticoïdes, hormones thyroïdiens, antioestrogènes (tamoxifène)
* inhibition : hypolipémiant (cholestyramine), barbituriques (phénobarbital), antifungiques(griséofulvine), certains antituberculeux (rifampicine), topiques anticulcéreux(sucralfate), etc…
Module 11 2011-12
Avril 2008
Mesures correctrices recommandées en cas de surdosage en AVK, enfonction de l’INR mesuré et de l’INR cible.
Avril 2008
1. Hémorragie extériorisée non contrôlable par les moyens usuels ;2. Instabilité hémodynamique : PAS < 90 mmHg ou diminution de 40 mmHg
par rapport à la PAS habituelle, ou PAM < 65 mmHg, ou choc ;3. Nécessité d’un geste hémostatique urgent : chirurgie, radiologie
interventionnelle, endoscopie ;4. Nécessité de transfusion de culots globulaires ;5. Localisation menaçant le pronostic vital ou fonctionnel, par exemple :
hémorragie intracrânienne et intraspinalehémorragie intraoculaire et rétro-orbitairehémothorax, hémo et rétropéritoine, hémopéricardehématome musculaire profond et/ou syndrome de logehémorragie digestive aiguëhémarthrose
Une hémorragie grave, ou potentiellement grave, dans le cadre d’un traitement par AVK est définie par la présence d’au moins un des critères suivants :
Avril 2008
1. Prise en charge ambulatoire par le médecin traitant est recommandée si :
l’environnement médico-social du patient le permet ;
le type d’hémorragie le permet (ex. épistaxis rapidement contrôlable, etc.).
2. La mesure de l’INR en urgence est recommandée.
3. En cas de surdosage, adopter les mêmes mesures de correction de l’INR que celles
qui sont recommandées en cas de simple surdosage.
4. L’absence de contrôle de l’hémorragie (durée, reprise, etc.) par les moyens usuels peut être considérée comme un critère de gravité, et est à ce titre
une indication de prise en charge hospitalière pour une antagonisation rapide.
5. La recherche de la cause du saignement doit être réalisée.
Conduite à tenir en cas d’hémorragie non grave
Avril 2008
1. La vitamine K et les concentrés de complexes prothrombiniques (CCP, aussi appelés PPSB, dont les deux spécialités commercialisées en France en avril 2008 sont Kanokad® et Octaplex®) sont les moyens médicamenteux les plus appropriés. Les posologies des CCP sont exprimées en unités de facteur IX et celles de la vitamine K en mg.
2. Sauf en cas d’indisponibilité d’un CCP, il est recommandé de ne pas utiliser le plasma dans le seul but d’antagonisation des effets des AVK (grade B).
3. Il est recommandé de ne pas utiliser le facteur VII activérecombinant (eptacog alpha, disponible en avril 2008 sous le nom NovoSeven®) dans le but d’antagonisation des effets des AVK (grade C).
Médicaments utilisables en cas d’hémorragie grave
Avril 2008
En cas d’hémorragie grave, la restauration d’une hémostase normale(objectif d’un INR au moins inférieur à 1,5) doit être réalisée dans un délai le plus bref possible (quelques minutes).
Il est recommandé :d’arrêter l’AVK ;d’administrer en urgence du CCP et de la vitamine K (grade C) ;d’assurer simultanément le traitement usuel d’une éventuelle hémorragie
massive (correction de l’hypovolémie, transfusion de culots globulaires si besoin, etc.).
Conduite à tenir en cas d’hémorragie grave
MortalityMajor haemorrhage
Accidents hémorragiques des anticoagulants
Sujets âgés, sexe féminin
Pathologies associéesInsuffisance rénale ou hépatique (métabolisme)Lésions cérébrales ou digestivesTraumatismes
Traitements associésAutre anticoagulant ou antithrombotiqueAnti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Procédures invasivesPonctions, biopsies, endoscopiesActes chirurgicaux
Situations à risque
Module 11 2011-12
Correcteurs des accidents hémorragiques
Desmopressine - PlaquettesAnti-agrégants
Thrombolytiques AntifibrinolytiquesAprotinineAcide tranexamique
Héparine Neutralisant de l’héparine : protamine
Vitamine K – CCP (PPSB)AVK