04Extra
Homenaje a Rodrigo de Balbín Behrmann
2016
ARPI 04 Extra
Homenaje a Rodrigo de Balbín Behrmann
Publicación Extra: 2016 ISSN: 2341-2496 Dirección: Primitiva Bueno Ramírez (UAH) Subdirección: Rosa Barroso (UAH) Consejo editorial: Manuel Alcaraz (Neanderthal Museum); José Mª Barco (Universidad de Alcalá); Cristina de Juana (Universidad de Alcalá); Mª Ángeles Lancharro (Universidad de Alcalá); Adara López (Universidad de Alcalá); Estíbaliz Polo (Universidad de Alcalá); Antonio Vázquez (Universidad de Alcalá); Piedad Villanueva (Universidad de Alcalá). Comité Asesor: Rodrigo de Balbín (Prehistoria-UAH); Margarita Vallejo (Historia Antigua- UAH); Lauro Olmo (Arqueología- UAH); Leonor Rocha (Arqueología – Universidade de Évora); Enrique Baquedano (MAR); Luc Laporte (Laboratoire d'Anthropologie, Université de Rennes); Laure Salanova (CNRS). Edición: Área de Prehistoria (UAH) Foto Portada: Cantos de Chaves (Foto R. de Balbín)
SUMARIO Editorial 05-19 Selection of cave shelter by Neanderthals (Homo neanderthalensis) and spotted hyaenas (Crocuta crocuta) at the Calvero de la Higuera sites (Pinilla del Valle, Madrid Region, Spain) Baquedano, Enrique; Laplana, César; Arsuaga, Juan Luis; Huguet, Rosa; Márquez, Belén; Pérez-González, Alfredo 20-33 Avance del estudio geoarqueológico de los depósitos fluviales de la terraza +8M del río Manzanares y del antiguo arroyo Pradolongo en el tramo final del valle medio del Manzanares (Madrid, España) Tapias, Fernando; Cuartero, Felipe; Alcaraz-Castaño, Manuel; Escolá, Marta; Dones, Vanessa; Manzano, Iván; Sánchez, Fernando; Sanabria, Primitivo Javier; Díaz, Miguel Ángel; Expósito, Alfonso; Marinas, Elena; Ruiz-Zapata, M. Blanca; Gil, María José; Silva, Pablo G; Roquero, Elvira; Torres, Trini-dad de; Ortiz, José Eugenio; Morín, Jorge 34-48 El Paleolítico Superior pre-magdaleniense en el centro de la Península Ibérica: hacia un nuevo modelo Alcaraz-Castaño, Manuel 49-63 Un ornamento singular atribuido a cazadores recolectores solutrenses en el yacimiento al aire libre de La Toleta (Puerto Serrano, Cádiz) Giles Pacheco, Francisco; Gutiérrez López, José María; Carrascal, José María; Giles Guzmán, Francisco J.; Doyague Reinoso, Ana Mª; Domínguez Bella, Salvador 64-77 First approach to the chronological sequence of the engraved stone plaques of the Foz do Medal alluvial terrace in Trás-os-Montes, Portugal Figueiredo, Sofia Soares de; Nobre, Luís; Xavier, Pedro; Gaspar, Rita; Carrondo, Joana 78-94 La fuerza del pasado. Lecturas actuales Bueno Ramírez, Primitiva 95-117 Referencias crono-culturales en torno al arte levantino: grabados, superposiciones y últimas dataciones 14C AMS Viñas, Ramón; Rubio, Albert; Ruiz, Juan F. 118-132 El Abric V d’Ermites (Ulldecona). Descubrimiento de nuevas figuras y problemáticas de conservación Ruiz López, Juan F.; Quesada Martínez, Elia; Pereira Uzal, José M.; Pérez Bellido, Rubén; Alloza, Ramiro; Viñas Vallverdú, Ramón 133-150 Modelo de distribución del arte rupestre post-glaciar en Madrid, Toledo y Guadalajara Lancharro, Mª Ángeles 151-164 Cronologías y estratigrafías en el arte rupestre de la sierra de San Mamede (Portugal/España) Oliveira, Jorge de 165-181 Les stèles gravées du plateau de la Bretellière à Saint-Macaire-en-Mauges (Maine-et-Loire, France) Mens, Emmanuel; Berthaud, Gérard; Raux, Paul; Berson, Bruno; Joussaume, Roger; Le Jeune, Yann; Jupin, Stéphane; Barreau, Jean-Baptiste; Bernard, Yann; Cousseau, Serge; Pfost, Didier 182-190 Piliers de dolmen se chevauchant: Phénomène de convergence… ou relations à longues distances Le Goffic, Michel
191-204 Reciprocity ↔ Mutuality: Funerary behaviour in Middle Tagus region (Central Portugal) Cruz, Ana Pinto da 205-220 Lo que heredamos. Ideas sobre arte megalítico Carrera Ramírez, Fernando 221-236 Neolítico y arte rupestre en As Campurras (Gondomar, Pontevedra) Villar Quinteiro, Rosa 237-247 Nouvelles [et anciennes] données sur l’art mégalithique en Alentejo Rocha, Leonor 248-263 Construyendo un paisaje. Megalitos, arte esquemático y cabañeras en el Pirineo Central Montes Ramírez, Lourdes; Domingo Martínez, Rafael; Sebastián López, María; Lanau Hernáez, Paloma 264-285 Solo contrastando: Calcolítico vs. Bronce en la Prehistoria del interior peninsular Barroso Bermejo, Rosa M. 286-297 Rituales campaniformes en contextos no funerarios: la factoría salinera de Molino Sanchón II (Villafáfila, Zamora) Delibes de Castro, German; Guerra Doce, Elisa; Abarquero Moras, Javier 298-323 La cronología actual de los sistemas de fosos del poblado calcolítico de Valencina de la Concepción (Sevilla) en el contexto del Sur de la Península Ibérica Mederos Martín, Alfredo 324-344 Comportamiento social e implicaciones territoriales derivadas del análisis de dos estructuras tumulares en el Noroeste de la Península Ibérica Cano Pan, Juan A. 345-356 Aspectos hidrogeológicos, paleoambientales, astronómicos y simbólicos del Bronce de La Mancha Benítez de Lugo Enrich, Luis; Mejías Moreno, Miguel 357-367 La estela de guerrero de las Herencias (Toledo) Chapa Brunet, Teresa; Pereira Sieso, Juan
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LES STÈLES GRAVÉES DU PLATEAU DE LA BRETELLIÈRE À SAINT-MACAIRE-EN-MAUGES (MAINE-ET-LOIRE, FRANCE)
LAS ESTELAS GRABADAS DE LA BRETELLIÈRE, EN SAINTE-MACAIRE-EN MAUGES (MAINE-ET-LOIRE)
Emmanuel Mens (1), Gérard Berthaud (2), Paul Raux (2), Bruno Berson (2),
avec la collaboration de Roger Joussaume (3), Yann Le Jeune (4), Stéphane Jupin (5),
Jean-Baptiste Barreau (6), Yann Bernard (6), Serge Cousseau (7) et Didier Pfost (8)
Resumé
Le plateau de la Bretellière à Saint-Macaire en Mauges (Maine-et-Loire) est un site exceptionnel où l’art
monumental du Ve millénaire est situé dans un espace préservé. Pour la plupart, les stèles gravées n’ont pas bou-
gées depuis 6000 ans et sont donc étudiables dans leur contexte initial. Les zigzags et les serpentiformes sont les
deux signes « phares » du plateau et montrent des affinités avec la Péninsule Ibérique. Avec quatre mètres de
long, l’un d’entre eux est le décor mégalithique en ligne brisée le plus imposant d’Europe. Par lumière rasante, il
est actuellement visible à 150 mètres de distance. Profitant de l’immuabilité des stèles, des distances et des
zones de visibilité bien spécifiques de leurs gravures ont été calculées. Les premiers résultats s’orientent vers
l’existence d’un cheminement longeant les différentes figures inscrites sur les parois minérales.
Mots clé: Néolithique, art monumental, zigzag, serpentiforme, visibilité, cheminement.
Resumen
La meseta de la Bretellière en Saint-Macaire en Mauges (Maine-et-Loire) es un sitio excepcional donde
el arte monumental del V milenio se sitúa en un espacio preservado. En su mayoría, la estelas grabadas no se han
movido después de 6000 años y por tanto se pueden estudiar en su contexto inicial. Zig-zags y serpentiformes
son los signos “guía” de la meseta, mostrando afinidades con la Península Ibérica. Con cuatro metros de largo,
uno de ellos es la decoración en línea quebrada más imponente de Europa. Con luz rasante actualmente resulta
visible a 150 metros de distancia. Se han calculado las distancias entre estelas, y las zonas de visibilidad de los
grabados. Los primeros resultados apuntan a la existencia de un camino a lo largo de las diferentes figuras inscri-
tas en las paredes
Palabras clave: Neolítico, arte monumental, zig-zag, serpentiforme, visibilidad, camino. (1) Membre associé à l’UMR 5608 Université Toulouse Jean Jaurès, [email protected] (2) Archéologue bénévole (3) Directeur de recherche émérite du CNRS (4) DRAC Pays de la Loire, UMR 8591 du CNRS, Laboratoire de Géographie (5) Services 3D ingénieur expert (6) CNPAO Conservatoire Numérique du Patrimoine Archéologique de l’Ouest, UMR 6566 Université de Rennes 1 (7) Photographe (8) Dessinateur
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1.- INTRODUCTION
A l’échelle de la France, les gravures néoli-
thiques les plus nombreuses sont situées sur la
façade atlantique et plus particulièrement en Bre-
tagne. Les signes gravés y sont observés sur les
parois des tombes à couloir, dans des coffres mé-
galithiques et surtout sur des pierres dressées ou
anciennement dressées à l’air libre. La région de
Carnac-Locmariaquer (Morbihan), où la densité de
signes gravés est tout à fait remarquable, voit l’ap-
parition du phénomène dès le milieu du Ve millé-
naire avec l’érection de files de stèles affichant des
images de très grande dimension.
Ce phénomène est l’illustration de pro-
fonds changements dans l’espace du sacré. Il doit
être mis en perspective avec les grands boulever-
sements qui affectent les modèles économiques
des rivages atlantiques à cette période. C’est juste-
ment à ce moment là qu’apparaissent des signes
géants inscrits sur des pierres que l’on commence
à dresser dans le paysage. Etre vu de loin, et par le
plus grand nombre, constitue l’une des caractéris-
tiques majeures de ce nouveau système de com-
munication. Un langage des signes très important
pour les populations locales si l’on en juge par la
dépense d’énergie hors norme occasionnée par la
verticalisation des pierres. Un investissement ja-
mais égalé dans le monde des stèles préhisto-
riques dont le témoin le plus emblématique est le
grand menhir brisé de Locmariaquer. Ce mono-
lithe pèse 300 tonnes et son déplacement depuis la
source géologique a nécessité un transport d’au
moins dix kilomètres.
Quelques siècles plus tard, ces stèles gra-
vées initialement érigées à l’air libre ont été massi-
vement réemployées dans la construction des
tombes à couloir, passant ainsi de la lumière du
jour à la pénombre des chambres funéraires
(L’Helgouac’h 1983). Les endroits où cet art monu-
mental est étudiable dans son contexte initial sont
forts rares en France. Le plateau de la Bretellière à
Saint-Macaire en Mauges (Maine-et-Loire) fait
partie de ces sites exceptionnels où les gravures
n’ont pas bougé depuis 6000 ans.
Le registre des signes du Plateau de la
Bretellière est en grande partie semblable au cor-
pus breton : « hache-charrue/cachalot », crosse,
serpentiforme, réticulé, cupule (Berthaud et al.
2015). Certains signes sont cependant différents
comme celui du « maillet », ainsi que les nombreux
zigzags en position verticale. La présence de la
« hache-charrue/cachalot » est un élément à souli-
gner car jusqu’à présent cette figure était unique-
ment connue à huit exemplaires sur les rivages du
Golfe du Morbihan (Cassen 2000). Sa présence à
l’intérieur des terres, en dehors de sa « zone nu-
cléaire », est un nouvel élément de réflexion pour
son interprétation.
Après une présentation de la méthode de
relevé, une description de chaque monolithe est
faite de façon à exposer l’historique des décou-
vertes. Les zigzags et les serpentiformes sont les
deux signes « phares » du plateau, de sorte qu’une
présentation du phénomène s’impose, ainsi
qu’une comparaison avec les motifs de la Pénin-
sule Ibérique. Enfin, une piste de recherche est
proposée, profitant de l’immuabilité des stèles,
des distances et des zones de visibilité bien spéci-
fiques des gravures ont été calculées. Ce qui pose
la question de l’existence d’un cheminement qui
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parcourt le sommet du plateau le long des pierres
gravées.
2.- UN LIEU POUR DES IMAGES GÉANTES
Le contexte mégalithique du Choletais se
singularise par l’absence totale de tombe à couloir
(Joussaume 2010). Le monumentalisme en pierre
ne s’exprime qu’à travers les pierres dressées qui
sont au demeurant fort nombreuses. La région de
Cholet comptait au XIXe siècle une quarantaine de
menhirs, seuls dix-huit subsistent encore de nos
jours, dont une majorité occupe la rive droite de la
Moine.
A quarante kilomètres au Sud de la Loire
(Fig. 1), le plateau de la Bretellière est un site
d’interfluve encadré par la Moine au Sud et par
trois petits ruisseaux au Nord, au Nord-est et au
Sud-est. Dans le secteur des pierres dressées, l’alti-
tude maximale du plateau est de 89 mètres NGF et
ses bords surplombent la vallée de la Moine d’une
cinquantaine de mètres. Si ce plateau n’est pas plus
haut que les buttes avoisinantes, en revanche il se
singularise par une longue ligne de crête d’axe nord
-est/sud-ouest. L’allongement de ce relief est bien
différent de la plupart des autres plateaux du sec-
teur.
Fig. 1-Localisation du plateau de la Bretellière à Saint-Macaire-en-Mauges (Maine-et-Loire, France). Carte de situation des
menhirs .
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 168
Le pied du plateau est longé par la Moine,
un axe de circulation important de la région au
Néolithique, car à partir de cette rivière on rejoint
rapidement la Sèvre Nantaise puis la Loire. De
façon logique et prévisible, images géantes et axe
de circulation sont spatialement liés.
Au centre du plateau, six monolithes es-
pacés les uns des autres s’alignent selon un axe
sud-ouest/ nord-est, sur environ 2200 mètres de
long.
Le monolithe couché de la Bretaudière
qui a des plages de polissage occupe l’extrémité
sud-ouest tandis que l’extrémité nord-est est occu-
pée par un menhir à cupules . Le centre du groupe
de pierres dressées est occupé par le menhir de la
Bretaudière debout, le menhir couché de la
Grande Bretellière, et le grand menhir au zigzag de
la Bretellière. Un petit menhir couché, légèrement
plus au nord, ne semble pas faire partie de cet ali-
gnement.
En l’état actuel des connaissances,
chaque extrémité de l’alignement voit la présence
de faits que l’on ne retrouve nulle part ailleurs sur
le plateau : des plages de polissage à l’extrémité
sud-ouest et des cupules à l’extrémité nord-est.
Fig. 2- A gauche : modèle 3D obtenu par photogrammétrie de la stèle couchée de la Grande Bretellière, Y. Le Jeune et S. Jupin
(Saint-Macaire-en-Mauges, Maine-et-Loire). A droite, modèle 3d obtenue par relevé laser .J.B Barreau et Y. Bernard.
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Les monolithes n’ont pas été
dressés sur les points les plus hauts. Ces derniers
culminent à 89 mètres NGF alors que les stèles
sont toutes sur des points légèrement plus bas.
Hormis le monolithe couché de la Bretaudière si-
tué sur la cote 56 mètres, tous les autres blocs qui
occupent le cœur du site sont installés entre 85-86
mètres NGF. Bretaudière debout, Bretellière cou-
chée et Bretellière debout sont les pierres dressées
les plus volumineuses de la région.
Il faut ajouter à ce tableau mégalithique la
présence de deux possibles sépultures. Enfin, le
plateau et ses abords étaient fortement anthropi-
sés comme en témoignent les 10 000 objets li-
thiques découverts en prospection. Les pierres
dressées sont uniquement constituées de monzo-
diorite, une roche facilement reconnaissable à ses
reflets rougeâtres. Toutes ces pierres dressées
sont érigées sur un substrat schisteux et provien-
nent des affleurements de monzodiorite situés à
500 ou 600 mètres plus au nord (Gruet 1967).
Fig. 3- Le zigzag gravé du menhir de la Bretellière, R. Joussaume (Saint-Macaires-en-Mauges, Maine-et-Loire).
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3.- LES DIFFÉRENTES MÉTHODES DE RELE-VÉS : AVANTAGES ET LIMITES Les premières lectures de gravures asso-
cient les observations faites en pleine journée et
celles effectuées de nuit avec un éclairage rasant.
Les observations effectuées en journée se font à
des heures et à des périodes de l’année différentes
pour bénéficier d’éclairages variés.
Le choix a été fait d’associer plusieurs
techniques de relevés avec cependant une utilisa-
tion massive de la photographie numérique. Retra-
vaillées sous les logiciels de traitements d’image
Adobe Photoshop, Micrografx et PhotoMagic, les
photographies sont toujours confrontées au ter-
rain. Seuls les tracés reconnus directement sur la
pierre sont validés. Ces allers-retours constants
entre le terrain et les clichés numériques permet-
tent d’écarter les leurres. Malgré les contraintes et
la lenteur du système, c’est la seule méthode qui
garantisse les résultats contrairement à une simple
interprétation à l’écran (Bueno et al. 2014 ).
L’estampage est également utilisé selon
la méthode mise au point par A. Pruili (Priuli 1984)
et développée ensuite sur les gravures bretonnes
par E. Mens (Mens 2004). Elle consiste à humidifier
la surface avant d’y plaquer un papier très fin à
l’aide d’un chiffon. Cette technique, qui s’appa-
rente à celle d’un moulage, améliore considérable-
Fig. 4 -Le menhir à cupules de la Bretellière, M.
Richard (Saint-Macaires-en-Mauges, Maine-et-
Loire).
Fig. 5- Vue générale des gravures de la stèle de la Grande
Bretellière couchée, S. Cousseau (Saint-Macaires-en-
Mauges, Maine-et-Loire).
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ment la qualité du rendu final et fait apparaître des
tracés auparavant insoupçonnés.
La photogrammétrie a été utilisée sur le
menhir couché de la Bretellière à l’aide d'une cam-
pagne d’acquisition produisant un nuage de
6.500.000 points pour une distance moyenne de
0,8 mm entre les points (Fig. 2). La méthodologie
de traitement des données numérisées s’est inspi-
rée de celle utilisée pour les données de type LI-
DAR aérien (Nuninger et al. 2010). Des relevés
laser ont également été réalisés par le CNPAO
(Conservatoire Numérique du Patrimoine Archéo-
logique de l’Ouest) à l’aide d’un scanner Leica sur
les menhirs de la Bretellière et de la Bretaudière
debout (Fig. 2).
Il serait illusoire de croire qu’un relevé 3D
par laser ou par photogrammétrie serait seul à
même de répondre à toutes les exigences de
l’étude. Bien au contraire, utilisée seule, cette
technique ouvre la voie à des erreurs d’interpréta-
tion. En effet, le risque est grand d’enregistrer des
leurres comme d’authentiques gravures. Il est en
effet difficile sur les blocs enterrés de différencier
les gravures préhistoriques des marques acciden-
telles et récentes dues aux socs de charrues. Les
pratiques culturales créent des lignes gravées pa-
rallèles pouvant donner un véritable quadrillage en
cas de labours croisés. Ces marques présentent un
lissage particulier qu’il faut savoir reconnaître car
elles peuvent être confondues avec d’authentiques
gravures préhistoriques. A l’écran, il est impossible
de faire la différence entre un trait de gravure pré-
historique et un coup de soc de charrue. Seule l’ob-
servation de terrain permet d’établir la distinction
grâce à la différence de couleur et d’état de sur-
face.
4.- BILAN DES DÉCOUVERTES ANCIENNES ET RÉCENTES Au crédit des découvertes anciennes,
c’est à Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux (La
Révellière-Lépeaux 1808), à qui l’on doit la pre-
mière mention du menhir de la Bretellière. Ce
menhir de 6,20m est le plus haut du département
(Fig. 3). En plus de nombreux signes de christiani-
sation connus depuis le début du XIXe siècle (Fig.
2), il est porteur sur sa face nord du plus grand dé-
cor en zigzag d’Europe (Figs. 2 et 3). Seulement
découverte en 2000 par Paul Raux (Raux et Jous-
saume 2000), cette gravure de 4 mètres de haut
non développée est en champlevé. Les creux et les
reliefs sont pratiquement entièrement effacés et
seul un angle d’éclairage particulier en révèle la
présence, ce qui explique sa découverte tardive.
Le menhir à cupules situé à 275 m à l'est
du grand menhir de la Bretellière est également
une découverte ancienne (Fig. 4). Il fut découvert
en 1938, en position couchée dans une haie par
Joseph Chéné. Cet industriel féru d’archéologie le
fit transporter et dresser dans son jardin à Saint
André-de-la-Marche, où il se trouve toujours. De
forme prismatique et de 1,53 mètre de haut, une
de ses faces principales est gravée d’une dizaine de
cupules. Un des petits côtés a une probable petite
gravure en zigzag mais elle reste à confirmer, une
fois que les conditions d’accès au monolithe seront
plus favorables.
C’est également Louis- Marie de La
Révellière-Lépeaux qui fut le premier à mention-
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ner, en 1808, le menhir de la Bretaudière. Des re-
cherches récentes y ont montré la présence de gra-
vures inconnues jusqu’alors. Ce menhir de 3,30 m
de haut est de forme ovoïde. Il est large et penché
vers le Nord-Ouest. Il possède des cannelures post-
mégalithiques nettement marquées au sommet ce
qui atteste d’une forte érosion. Malgré cette diffi-
culté, plusieurs décors serpentiformes en faux relief
ont été découverts en 2011 sur la face sud-est. Ce
sont sans doute des représentations de véritables
serpents car les têtes sont marquées par un disque.
Un petit menhir couché a été signalé par
Michel Gruet (Gruet 1967). Ce bloc de 1,65m de
long et 0,60m de large est situé au coin d’une haie,
sur un point culminant depuis lequel on voit à la fois
le menhir de la Bretellière et celui de la Bretaudière.
En 2012, un nettoyage minutieux de sa partie vi-
sible a montré une belle surface plane probable-
ment préparée par martelage. La présence de gra-
vures est possible mais l’érosion importante inter-
dit toute certitude. Le menhir couché de la Grande
Bretellière a fait l’objet d’une étude récente qui a
montré la présence de gravures inédites (Figs. 2 et
5). Les premiers travaux sur ce monolithe remon-
tent à 1937. Joseph Chéné et son équipe mettent au
jour une pierre plate alors décrite comme un men-
hir en granite rose épousant la forme d'une hache.
Les fouilleurs affirment avoir trouvé des pierres de
calage à son extrémité pointue. Ce monolithe qui
gênait les cultures fût déplacé puis momentané-
ment oubliée dans une haie. En 1995 à l’occasion
d’un remembrement, la pierre est à nouveau re-
poussée près d’un poteau électrique où elle va de-
meurer jusqu'en 2012. Tous ces déplacements ont
laissé des traces. De forme ovoïde, le monolithe
mesure 3,50m de long, 1,40m de large et 0,40m
d'épaisseur, pour un poids estimé entre 4 et 5
tonnes. Le côté visible de la stèle avant son retour-
nement ne présentait que les stigmates laissés par
les charrues, témoins de son enfouissement avant
1937. C’est au moment de son retournement en
2012 qu’est apparu d’un décor monumental com-
posé dans la partie supérieure une crosse avec à sa
droite un maillet et une petite crosse à l’envers.
Dessous, un grand arc de cercle a dans sa partie
centrale une pointe dirigée vers le bas. Un réticulé
occupe la partie gauche, alors qu’un zigzag s’inscrit
sur le bord droit de la stèle. Plus bas, une « hache-
charrue/cachalot » occupe tout l’espace. Dans son
arceau, deux disques et un trait horizontal sont
interprétés comme les yeux et la bouche d’un an-
thropomorphe. L’ensemble de la composition oc-
cupe un espace de 2,60 mètres de long et 1,40
mètre de large.
La dernière découverte a été faite en 2013,
il s’agit du monolithe couché de la Bretaudière situé
à l’extrémité sud-ouest du groupe de pierres dres-
sées. Le bloc mesure 1,90 mètre de long, 0,90
mètre de large et 0,71 mètre d’épaisseur, pour un
poids estimé à environ trois tonnes. Il n’a pas de
gravures mais présente des plages de polissage
s’inscrivant parfois dans une cuvette peu marquée.
5.- UN THÈME RÉCURRENT : ZIGZAGS ET SER-
PENTIFORMES
Quatre monolithes du plateau ont au
moins un zigzag ou un serpentiforme. Ces figures
doivent donc être considérées comme les plus cou-
rantes du secteur.
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Le grand zigzag du menhir de la Bretel-
lière : Avec 6,20 mètres de hauteur et environ 60
tonnes, le menhir de la Bretellière est le point mar-
quant du plateau. Avant la découverte du grand
zigzag gravé en janvier 2000 par Paul Raux, seules
vingt-cinq représentations de cruciformes étaient
connues. Toutes inscrites à hauteur d’homme,
elles sont en creux simple et mesurent moins de 30
cm de long. Celles qui ont une signature de percus-
sion métallique sont très probablement le fruit
d’un acte de christianisation, mais les plus érodées
peuvent tout aussi bien renvoyer à des représenta-
tions de haches très stylisées. Le zigzag réalisé en
champlevé prend son essor au-dessus de ces cruci-
formes et file ensuite vers le sommet du monolithe
quatre mètres plus haut (Figs. 2 et 3).
Le grand zigzag est inscrit sur le petit côté
nord de la stèle. Cette disposition est étonnante
car généralement l’art monumental s’inscrit sur
une face principale de façon à assurer une bonne
visibilité. Tout cependant a été mis en œuvre pour
que le zigzag soit vu de loin grâce à des dimen-
sions hors normes. La largeur du champlevé est de
5 cm. La longueur conservée du zigzag est de 4
mètres, atteignant 6 mètres en développé, soit le
décor mégalithique en ligne brisée le plus impo-
sant d’Europe. Ce zigzag est actuellement visible à
150 mètres de distance par lumière rasante. Il était
très probablement vu de plus loin il y a 6000 ans
lorsqu’il était moins érodé. Le couvert végétal ne
devait pas trop gêner la visibilité car le plateau et
ses abords étaient fortement anthropisés, comme
en témoignent les découvertes faites en prospec-
tion.
Cette grande visibilité assurée par les di-
mensions des traits de piquetage se trouve accen-
tuée à certains moments de l’année grâce aux
rayons du soleil rasant. Les observations journa-
lières de Paul Raux ont montré que la gravure est
éclairée au lever entre mi-avril et mi-août et le soir
entre mi-février et mi-octobre. Entre mi-avril et mi
-août, les parois nord et sud bénéficient donc d’un
éclairage rasant deux fois par jour (lever et cou-
cher), contre une seule fois sur les faces principales
est et ouest (à la mi-journée). A ce moment là de
l’année, le petit côté nord assure par conséquent
une visibilité accrue deux fois plus longue que les
faces principales .
Différents relevés réalisés depuis le sol
faisaient état de la présence d’une crosse enroulée
(Raux et Joussaume 2006) ou d’une crosse déta-
chée (Cassen 2012) à l’extrémité supérieure du
zigzag. Les dernières observations faites en 2014
au plus près de la figure à l’aide d’une nacelle mon-
trent en réalité un neuvième, puis un dixième seg-
ment, soit la présence d’un dernier chevron avant
le sommet. L’extrémité de la figure ne peut donc
pas être interprétée comme un serpentiforme et
encore moins comme une crosse.
La stèle couchée de la Grande Bretel-
lière : La partie supérieure gauche de la stèle voit
la présence de deux crosses. Celle de gauche exé-
cutée en faux relief mesure 74 cm de long. Celle de
droite en creux simple est à l’envers et d’une lon-
gueur plus réduite d’environ 30 cm (Fig. 6). Au
centre de ces deux crosses s’inscrit un objet em-
manché interprété comme un maillet.
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Non loin de là, un motif en zigzag occupe
le bord droit de la stèle et descend verticalement
jusque dans lazone médiane des tracés. Réalisée
en creux simple, cette ligne brisée mesure un peu
moins d’un mètre et fait partie des signes les plus
longs de la stèle. Les extrémités n’ont pas de tête
si bien qu’une interprétation en tant que serpenti-
forme est à exclure. La jonction entre chaque barre
alterne les formes anguleuses et les formes
douces.
Dans cette partie supérieure, seule la
grande crosse se superpose à d’autres tracés, de
sorte qu’une chronologie relative se dessine. Le
zigzag ne peut pas rentrer dans ce phasage chro-
nologique car il est isolé des autres tracés. C’est
d’abord l’arc de cercle qui est creusé, puis le motif
pointu en le recoupant dans sa partie centrale
Dans un troisième temps, la « hache-charrue/
cachalot » est exécutée en creux simple sauf son
arceau supérieur fait en champlevé. La grande
gravure de crosse en champlevé appartient à cette
phase car le bas de son manche se superpose à
l’arc de cercle. Ce n’est qu’ensuite que la surface
interne de l’arceau est martelée en laissant en ré-
serve les yeux et la bouche d’une représentation
anthropomorphe. Ce motif a été gravé tardive-
ment de façon très probablement opportuniste.
On remarque que certaines gravures s’ins-
crivent les unes sur les autres avec un certain souci
de symétrie. De sorte que l’on peut se demander si
la pointe placée au centre de l’arceau de la « hache
-charrue/cachalot » ne représente pas un objet
menaçant. Si tel était le cas, la découverte de la
Bretellière accréditerait l’idée que la « hache-
charrue/cachalot » n’est pas un objet (Berthaud et
al. 2015). On constate également que le maillet oc-
cupe une place centrale dans le dispositif général
des représentations gravées (Fig. 6). Inscrit dans la
partie supérieure juste au-dessus de l’objet pointu,
il domine également le grand zigzag vertical
même si ce dernier est excentré à droite. Si la ligne
brisée ne peut pas être interprétée en tant que
serpentiforme, en revanche sa position verticale
par rapport au maillet pourrait plaider en faveur de
la représentation de la foudre. En effet, dans un
bon nombre de sociétés traditionnelles, les éclairs
de l’orage sont associés à un marteau ou à un mail-
let.
Fig. 6.- Relevé général des gravures de la stèle de la Grande
Brétellière couchée (Saint-Macaires-en-Mauges, Maine-et-
Loire) .
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 175
Le menhir de la Bretaudière : A l’extré-
mité sud-ouest du groupe de pierres dressées, le
menhir de la Bretaudière impose ses 3,30 mètres
de haut. Son sommet bien arrondi a de nom-
breuses cannelures verticales qui illustrent une
forte érosion.
Malgré cette érosion importante, le som-
met de la face sud-est montre au minimum deux
zigzags (Fig. 7). Exécutés en champ levé, ils pren-
nent naissance juste sous le sommet et descen-
dent ensuite vers la base du monolithe. Si à
gauche, seuls deux segments sont visibles, en re-
vanche à droite, un éclairage rasant permet d’en
distinguer quatre (Fig. 7). Chaque sommet a un
petit relief circulaire si bien que l’interprétation en
tant que serpentiforme est ici pleinement justifiée.
La même interprétation pourrait être
faite sur le menhir à cupules retrouvé près du
grand menhir de la Bretellière. L’un des petits cô-
tés a un zigzag vertical en creux simple dont l’ex-
trémité présente une petite dépression circulaire.
La réalité de ces traits gravés reste cependant à
être confirmée lorsque les conditions d’accès au
monolithe seront plus favorables.
Comparaisons : En Bretagne, les repré-
sentations serpentiformes indubitables, c’est-à-
dire avec une tête, sont bien connues au Manio
(Carnac), à Gavrinis (Larmor-Basen) ou encore à
Mané Kérioned (Carnac), mais rapportées à l’en-
semble du corpus armoricain, elles sont finalement
peu nombreuses. Encore plus exceptionnels sont
les zigzags en position verticale.
Fig. 7. Les deux serpentiformes du menhir de la Bretaudière, R. Joussaume (La Renaudière, Maine-et-Loire).
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 176
A Tossen-Keler (Penvenan), ce type de
zigzag alternant lignes courbes et lignes brisées
est associé à une hache emmanchée. On retrouve
des zigzags en position verticale dans le dolmen III
A du Petit-Mont (Arzon), mais ce site livre surtout
des séries lignes de chevrons emboîtés en position
horizontale (Lecornec 1997). C’est d’ailleurs ce
genre de motif où des lignes brisées sont regrou-
pées qui est surtout connu dans le massif armori-
cain, non la représentation isolée et verticale ca-
ractéristique du plateau de la Bretellière.
Les comparaisons les plus convaincantes
se font avec la Péninsule Ibérique car le nombre de
représentations de zigzags ou de serpentiformes
en position verticale y est réellement important,
exactement comme sur le plateau de la Bretellière.
Parmi les plus connus, citons les zigzags gravés
des deux piliers du dolmen de Navalcan à Tolède
et ceux de la Statue-menhir du dolmen de Pozuelo
9 à Huelva (Bueno y Balbín, 1995 ; Bueno et al.
2006, 2007).
On retrouve également ce motif sur une
dalle du monument de Chão Redondo au Portugal.
En représentations peintes, il est connu dans le
dolmen d’Antelas (Viseu, Portugal) et dans celui de
Santa Cruz (Asturies, Espagne).
Des gravures pour être vues de loin et
de plusieurs endroits : depuis un cheminement ?
Art monumental et files de pierres dressées sont
étroitement liés dans le massif armoricain du Ve
millénaire. La dimension des oeuvres pariétales de
cet art monumental ne cesse d’ailleurs pas d’im-
pressionner. Trois mètres de long pour la « hache-
charrue/cachalot » de la stèle reconstituée de Ga-
vrinis/Table des Marchand (Le Roux, 1984), quatre
mètres de long et trois mètres de large pour
« l’idole » du Mané Rutual.
Fig. 8- Zone de visibilité du grand zigzag de la stèle de la Bretellière, G. Berthaud (Saint-Macaires-en-Mauges, Maine-et-
Loire)
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 177
Ces signes géants de la dimension d’un
panneau publicitaire d’aujourd’hui sont conçus
pour être vus de loin. L’objectif de cet art monu-
mental de plein air était triple : être vu de loin, de-
puis plusieurs endroits à la fois, et par le plus grand
nombre. Cela sous-tend que les grandes images
soient installées le long d’un axe de passage bien
fréquenté. C’est probablement ce modèle d’im-
plantation qui a été érigé à Locmariaquer
(Morbihan). La ligne de crête prenant naissance à
l’entrée du golfe du Morbihan et qui s’étire ensuite
vers le Nord-ouest longe les plus grands monu-
ments bretons : Mané-er-Hroëck, Mané Rutual,
Table des Marchand et Mané Lud. Cet axe proba-
blement calqué sur un cheminement de crête
croise à la perpendiculaire la grande file de stèles
brisées installée devant le long tumulus d’Er Grah.
Cette file comprenait le grand menhir brisé orné
de la « hache-charrue/cachalot » et très probable-
ment plusieurs autres stèles gravées réemployées
ensuite dans les tombes à couloir du secteur. Art
monumental et axe de circulation semblent ainsi
étroitement liés.
Dans le golfe du Morbihan, les stèles gra-
vées ont été massivement réemployées dans la
construction de tombes à couloir. L’importance du
phénomène de recyclage néolithique et les des-
tructions historiques postérieures ont eu raison de
cet art monumental de plein air. Il n’est aujour-
d’hui pratiquement plus visible in situ, à quelques
exceptions près comme les menhirs isolés de
Fig. 9. Zone de visibilité des gravures et cheminement hypothétique le long des monolithes du plateau de la Bretellière, G. Berthaud, E. Mens (Saint-Macaires-en-Mauges, Maine-et-Loire)
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 178
Kermarquer (Moustoir-Ac, Morbihan) et de Ker-
maillard (Arzon, Morbihan). Cette situation peu
favorable dans la région de Carnac donne au
groupe de stèles du plateau de la Bretellière une
valeur toute particulière. Toutes les gravures de la
Brétellière sont complètes, aucune n’est tronquée
ni réemployée dans la construction d’une tombe à
couloir. Des problématiques de recherche inacces-
sibles dans le domaine carnacois, comme la rela-
tion entre les pierres gravées et leur environne-
ment initial, sont donc désormais envisageables
dans le Maine-et-Loire. Le plateau peut servir de
laboratoire d’étude ayant valeur de référence pour
l’art pariétal breton, tant la correspondance avec le
golfe du Morbihan est forte : même monumentali-
té, certains motifs en commun et une technique de
réalisation identique en champlevé.
Cette technique de façonnage des gra-
vures monumentales laisse en relief une zone plus
ou moins large et montre l’avantage de bien accro-
cher la lumière. Mais ce choix technique du relief
procède probablement aussi de la recherche d’un
autre bénéfice, celui d’être vu depuis plusieurs
endroits différents. Pour certains auteurs, une
œuvre en relief indique que l’artiste a eu l’intention
de montrer des formes et des volumes que l’on
puisse regarder sous des angles différents (Brot
2005). La représentation monumentale en relief
impliquerait donc de fait, le concept d’un mouve-
ment, d’un sens de déplacement sur le même mo-
dèle que celui vu à Locmariaquer. Certes les reliefs
gravés du plateau de la Bretellière sont peu mar-
qués, mais le choix technique de creusement est
sans doute révélateur des intentions du graveur :
un art de plein air vu de loin et de plusieurs en-
droits différents.
Sur cette problématique de recherche, la
visibilité du zigzag de quatre mètres de long du
menhir de la Bretellière pose question, car sa posi-
tion peut sembler au premier abord anachronique :
pourquoi avoir choisi le petit côté nord au détri-
ment des grandes faces principales ? Délaisser les
faces les plus larges au profit de la face la plus
étroite implique un déterminisme forcément im-
portant puisque cet art est fait pour être vu. Il en
découle que le choix de la face nord doit être con-
traint par la position du point de vue des observa-
teurs.
En prenant comme base une acuité vi-
suelle de 10/10e et une largeur de champlevé de 5
cm, il apparaît que le grand zigzag du menhir de la
Bretellière est visible à une distance maximale de
172 mètres, depuis une zone circonscrite par un
cercle de 172 mètres de diamètre située au Nord
du monolithe (Fig. 8). Des résultats certes théo-
riques mais qui confirment les observations de
terrain faites en fin d’été par lumière rasante, où ce
décor exceptionnel est visible à environ 150 mètres
de distance.
Cette zone de visibilité s’inscrivant uni-
quement au Nord de la stèle doit être mise en
perspective avec un autre fait concernant les
autres stèles du plateau : l’art gravé ne s’inscrit que
sur certaines faces des monolithes. Ces éléments
permettent d’atteindre un niveau supplémentaire
d’interprétation concernant l’existence possible
d’un axe de cheminement le long des monolithes.
Deux observations viennent conforter cette hy-
pothèse. D’une part, les stèles sont espacées les
unes des autres selon un axe longiligne. D’autre
part, elles sont toutes dressées (sauf Bretaudière
couchée) sur la cote 85-86 mètres NGF.
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 179
Une restitution théorique de ce chemine-
ment est proposée à titre d’hypothèse de travail
(Fig. 9). Les cercles correspondent à la zone de
visibilité des gravures de chaque monolithe. Ces
zones ont été estimées en fonction de l’orientation
– avérée ou probable – des faces gravées et des
dimensions de leur ornementation. Le chemine-
ment idéal correspond à un trajet coupant diamé-
tralement chaque disque, permettant l’observa-
tion des motifs le plus tôt possible et le plus long-
temps possible dans la zone considérée.
Le départ du cheminement serait situé au
niveau du menhir couché de la Bretaudière, à la
confluence de la Moine et d’un petit ruisseau à un
endroit qui est le plus aisé pour accéder au som-
met du plateau (Fig. 9). Le cheminement traverse-
rait ensuite le plateau selon un axe nord-est/sud-
ouest et s’achèverait avec le grand menhir de la
Bretellière et sa plus grande gravure en zigzag
d’Europe. Voire plus probablement à deux cent
mètres plus à l’Est, au niveau du menhir à cupules.
6.- CONCLUSION
Les nombreuses gravures du plateau de la
Bretellière apportent la preuve de la présence d’un
centre d’art pariétal original et inédit aux portes de
Nantes. Ces découvertes sont de nature à renou-
veler notre vision du monde de l’art néolithique de
l’Ouest de la France qui ne peut plus être réduit à
la seule région du golfe du Morbihan. Un terrain
d’investigation prometteur s’ouvre sur les bords du
plus grand fleuve français.
L’apport majeur des découvertes de Saint
-Macaire-en-Mauges réside dans la présence d’un
art monumental du Ve millénaire situé dans un
espace préservé. Un espace où les gravures n’ont,
pour la plupart, pas bougé depuis 6000 ans
(lorsqu’elles ont été déplacées on connaît leur lieu
et leur sens d’implantation). L’ampleur du phéno-
mène de réemploi néolithique et les destructions
postérieures ont eu raison de l’art monumental
breton dans son contexte initial. C’est ce qui fait
du plateau de la Bretellière un site exceptionnel
qui doit être compris comme un laboratoire
d’étude permettant des observations impossibles
à faire de nos jours dans le domaine carnacois.
Cet environnement préservé a permis de
travailler sur les zones et les distances de visibilité
des gravures géantes, notamment celle de la plus
grande figure de zigzag d’Europe. Les premiers
résultats s’orientent vers des distances de visibilité
de plus de cent mètres et l’existence d’un chemi-
nement longeant les différentes figures inscrites
sur les parois minérales. Toutes ces premières ré-
flexions demandent à être confirmées mais plai-
dent d’ores et déjà pour l’existence d’un espace
sacré parcouru par un axe de circulation dédié.
Zigzags et serpentiformes sont les
thèmes phares du secteur. Les zigzags peuvent
être diversement interprétés : serpentiforme ou
éclair associé à un maillet sur la stèle couchée de la
Grande Bretellière. Quoi qu’il en soit, leur fré-
quence d’apparition et le reste du corpus démon-
trent que le plateau se situe à la croisée des in-
fluences aussi bien méridionales que bretonnes.
ARPI. Arqueología y Prehistoria del Interior peninsular 04– 2016 180
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